Complémentaire santé obligatoire : laissez aux entreprises la liberté de choix de l'assureur !
Alors que l'accord national interprofessionnel (ANI) prévoit la possibilité pour chaque branche professionnelle, de définir un socle minimal de garanties avec liberté de choix de l'organisme assureur, le projet de loi indique, au mépris de l'accord, que les prestataires seront désignés par les branches professionnelles. Cette transcription de l'ANI n'est rien d'autre qu'une tentative de coup de force inouïe.
[(Extraits du projet de loi :
cf. article 1 du projet de loi :
I-A 2° « [la négociation porte sur…] Les modalités de choix de l'assureur. A cet effet, la négociation examine en particulier les conditions, notamment tarifaires, dans lesquelles les entreprises peuvent être autorisées à retenir le ou les organismes assureurs de leur choix, sans méconnaître l'objectif de couverture effective de l'ensemble des salariés des entreprises de la branche défini au premier alinéa »
Et
II 2° « L'article L. 912-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé : Lorsque les accords professionnels ou interprofessionnels mentionnés à l'article L. 911-1 prévoient une mutualisation des risques en application du premier alinéa ou lorsqu'ils recommandent, sans valeur contraignante, aux entreprises d'adhérer pour la couverture des risques qu'ils organisent à un ou plusieurs organismes, il est procédé à une mise en concurrence préalable des organismes mentionnés à l'article 1er de la loi n°89-1009 du 31 décembre 1989 dans des conditions de transparence et selon des modalités prévues par décret. »)]
Cette disposition vise donc à organiser la préemption de ce marché par les Institutions de Prévoyance et de Retraite paritaires, au mépris :
De l'intérêt des entreprises et de leurs salariés : la mutualisation au niveau d'une branche dite verticale est techniquement moins efficace qu'une mutualisation interprofessionnelle par l'assureur dite horizontale, qu'il soit mutualiste, institution paritaire ou assureur traditionnel, car cette dernière repose sur des populations non homogènes et n'est pas à la merci d'une baisse d'activité de la branche, du vieillissement de sa population etc., ce qui, malheureusement, n'est pas aujourd'hui hypothèse d'école...
De plus, chaque entreprise perdrait la maîtrise de sa capacité à négocier et suivre son schéma ou de bénéficier régulièrement d'un changement pour obtenir de meilleures conditions techniques, tarifaires ou de services. L'argument sur la prévention, avancé par Malakoff Médéric et par l'AG2R, qui sont à la manœuvre pour généraliser les clauses de désignation, est que la prévention serait prétendument plus facile à organiser au niveau de la branche. C'est faux : il ne tient pas compte du fait que les entreprises d'assurance et mutuelles sont toutes outillées pour travailler en prévention de façon adaptée et efficace.
Les véritables et seuls enjeux sont bien la liberté de choix des entreprises et une vraie mutualisation véritablement protectrice, mais ne diluant pas la responsabilité des entreprises et des consommateurs de soins.
De l'emploi : 50.000 emplois au moins sont en jeu chez les assureurs, les mutuelles, les plateformes de services et de gestion, le courtage d'assurance. En plus du fait que l'accord en lui-même, en généralisant la complémentaire santé par le canal des contrats collectifs obligatoires, va faire perdre à ces opérateurs une masse importante de leurs adhérents, aujourd'hui couverts par des contrats individuels, et même si nul ne conteste le caractère social de cette avancée qui concernerait 4 millions de salariés en France, on voudrait, de plus, leur interdire d'agir sur ces nouveaux contrats collectifs pour lesquels ils sont légitimes et ont des compétences reconnues. Le maintien de ces clauses de désignation amènerait donc tout ce secteur, aujourd'hui créateur d'emplois, à être, demain sinistré, avant de disparaître… Belle opération à une époque où la lutte contre le chômage et pour la compétitivité des entreprises doit être la priorité…
De la libre concurrence : les prestataires désignés pourront donc ainsi dormir sur leurs lauriers, sans risque de concurrence, sans obligation d'être compétitifs (dans les accords actuels, quand il y a désignation, ce sont à plus de 90% des IP qui sont retenues…) au mépris de la nécessaire adaptation permanente de tous les autres secteurs marchands, sacrifiant allègrement mutuelles et entreprises d'assurances à la mise en place de monopoles indéboulonnables… Ces rentes de situation contribueront à financer les dérives dénoncées par le député Perruchot dans son rapport sur le financement des syndicats. L'acquisition forcée des bases de données de ces régimes obligatoires permettra aux organismes désignés de remonter sur des offres concurrentes des assureurs et des banques en créant une distorsion de concurrence supplémentaire. Cela ouvrira la porte à ce que des pans entiers de notre économie (retraite supplémentaire d'entreprise ou privée, épargne salariale… demain pourquoi pas chèques cadeaux ou vacances, télécommunications ?) basculent sous un contrôle paritaire centralisé. Cette organisation paritaire qui, mise en concurrence en permanence dans les conditions de marché libre, a toute légitimité pour proposer ses offres et ses services aux côtés des autres types d'acteurs, n'a pas, dans des situations de quasi monopole observées depuis 1945, toujours fait la preuve de son efficacité (cf. le déficit de la Sécurité sociale, l'incapacité à fusionner la multitude de caisses d'assurance maladie ou d'allocations familiales).
Du dialogue social : l'ANI prévoyait que « les partenaires sociaux de la branche laisseront aux entreprises la liberté de retenir le ou les organismes assureurs de leur choix. Toutefois, ils pourront, s'ils le souhaitent, recommander aux entreprises de s'adresser à un ou plusieurs organismes assureurs ou institutions pouvant garantir cette couverture après mise en œuvre d'une procédure transparente de mise en concurrence ». Que dire d'un projet de loi qui méprise l'accord entre les partenaires sociaux sur un point aussi important ?
Nous demandons que l'ANI soit respecté et que la liberté des entreprises dans le choix de l'assureur ne soit pas bafouée.
Dominique Sizes Président de la CSCA (Chambre Syndicale des Courtiers d'Assurances)
Jérôme Dedeyan, fondateur de Debory Eres