Automobile : le gouvernement au pied du mur
Forte chute des ventes des constructeurs français, perte sur leur marché national, rentabilité en berne et emplois menacés…Renault monte au créneau auprès du Ministère du redressement productif, lequel est bien embarrassé. Il faut dire que la situation est aussi complexe que critique. D'autant plus que nos deux constructeurs nationaux ne sont pas exactement dans le même cas de figure. Quelles solutions sont à envisager ? Il y a celles que l'on évoque, et celle aussi dont on ne parle pas.
La chute du marché
Depuis sept mois consécutifs les ventes européennes sont en général en baisse, et les perspectives ne sont pas réjouissantes, le marché étant de plus en plus un marché de renouvellement.
D'après le Comité des constructeurs, les immatriculations de voitures neuves en France sont en baisse de 15,6% sur les cinq premiers mois de l'année comparés à la même période de 2011. En mai, même s'il faut relativiser compte tenu du faible nombre de jours de ce mois, la baisse est de 28,5% pour PSA et de 12% pour Renault. Par ailleurs, la part de marché des constructeurs français est en baisse sur leur marché national. La fin de la prime à la casse les a particulièrement pénalisés, dans la mesure où ils sont relativement spécialisés dans les petits modèles, qui avaient le plus bénéficié des effets de cette prime.
Quant aux modèles haut de gamme, PSA a fait un effort particulier pour se positionner sur ce secteur. Mais il a des difficultés pour les vendre en France, cependant qu'il les vend très mal en Allemagne, dont les constructeurs inondent au contraire le marché français. D'une façon générale, et malgré une quasi égalité avec les marques allemandes à l'indice de fiabilité, les marques françaises souffrent d'un déficit d'image très difficile à résorber, et qui se traduit aussi sur le prix des modèles. PSA a calculé que la seule image de marque permet aux constructeurs allemands de vendre leurs modèles en moyenne 6% plus cher que les modèles français à caractéristiques égales. C'est un chiffre considérable qui, avec les ventes sur les marchés émergents, contribue à expliquer la performance comparée des constructeurs allemands.
PSA est le constructeur le plus « vertueux » selon le critère de l'emploi en France. Il y fabrique 41%, et y vend 26% de sa production. Constructeur hexagonal, il n'est pas étonnant que son problème essentiel soit celui du coût du travail, d'autant plus que les constructeurs allemands recourent beaucoup quant à eux à la sous-traitance dans les pays de l'Est.
Avec une stratégie différente, l'acquisition de Nissan et Dacia et la récente usine au Maroc, le groupe Renault fabrique beaucoup moins en France : 20% de sa production. Il rencontre donc moins de problème au niveau du coût du travail, et sa revendication première se situe au niveau du pouvoir d'achat du consommateur pour écouler davantage sa production en France.
L'appel à l'État
Renault semble le plus actif dans ses demandes de soutien à l'État, avec le risque d'éventuelles délocalisations à la clé. A l'heure actuelle ce sujet est jugé suffisamment important et difficile pour que le ministre du Redressement ait déclaré qu'il était à l'étude et nécessitait des discussions préalables « avec le Président de la République et le Premier ministre ». De quoi pourrait-il s'agir ?
Une nouvelle prime à la casse, qui aurait l'avantage de constituer une aide ciblée au pouvoir d'achat ? Ce serait la préconisation de Renault, mais pas celle de PSA. Cette prime aurait l'inconvénient de venir peu de temps après la précédente et de coûter cher à l'État (la précédente a coûté environ 1 milliard aux finances publiques). En outre, et bien que la sortie du dispositif ait eu lieu en sifflet, la prime a contraint les constructeurs à prolonger ce dernier et les a plongés dans une spirale infernale de baisse des prix par la voie de subventions et promotions afin de continuer à faire tourner les usines. La prime à la casse ne profiterait d'ailleurs aux constructeurs français que pour moitié environ de son montant total, moitié qui correspond à leur part du marché français. On peut surtout ajouter que la prime à la casse, qui a aussi été pratiquée par les concurrents étrangers dans leurs pays, est un outil de lutte contre des difficultés conjoncturelles. Cette fois, les problèmes que rencontre la filière automobile française paraissent de nature plus structurelle que conjoncturelle. Il serait au total surprenant que ce soit la voie choisie par le gouvernement.
On évoque aussi la prolongation du bonus de 5.000 euros sur l'achat d'un véhicule électrique. Encore faudrait-il que ces véhicules se vendent suffisamment. Ce n'est pas l'expérience de PSA semble-t-il.
Les aides publiques au chômage partiel ont déjà été beaucoup utilisées, et il n'y a aucune nouveauté à attendre de ce côté.
Le gouvernement évoquerait une « stratégie de filière » permettant d'agir sur plusieurs paramètres, et notamment le coût des matières premières, mais on n'en sait pas plus à l'heure actuelle.
Le gouvernement est au pied du mur. Le ministre du Redressement productif avoue son embarras en ces termes : « si vous avez un contexte de chute de la demande d'automobiles, il est extrêmement difficile pour un État d'aller contre le vent négatif du marché ». Avec l'évocation par un gouvernement socialiste du « vent du marché », le paramètre économique vient cette fois sur le devant de la scène, après les déclarations électorales accusant la conduite des entreprises. On redescend sur terre et c'est tant mieux.
Mais parmi les mesures évoquées ci-dessus, ne figure pas celle dont nous avons souvent parlé dans ces colonnes, et que préconise par exemple depuis longtemps le patron de PSA : la baisse du coût du travail. Le gouvernement précédent l'avait tardivement érigé en priorité, en faisant voter in extremis l'augmentation de la TVA en contrepartie de la baisse des charges sociales patronales. Le gouvernement actuel a hélas fait un marqueur politique de sa suppression, qui doit faire partie du prochain collectif budgétaire. Il ne faut cependant pas se faire d'illusion, le transfert des charges sociales dites de « solidarité » sur d'autres outils fiscaux reviendra lui aussi sur le devant de la scène. Si ce n'est sur la TVA, ce sera par exemple sur la CSG, bien que celle-ci, lorsqu'elle porte sur le capital, ait récemment fait l'objet d'augmentations considérables. Il faudra bien, d'une façon ou d'une autre, revoir notre modèle social et son financement.