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Arrêts maladie : le public représente 40% des indemnités (pour 20% de l'emploi total)

Parmi les pistes citées par le gouvernement dans son dispositif d’évaluation de la dépense publique, les indemnités journalières (arrêts maladie) du privé sont dans le viseur : elles devraient permettre de faire des économies dans le champ des dépenses sociales. Mais à ne se focaliser que sur le secteur privé, le gouvernement se trompe de diagnostic et passe (encore une fois) sous le tapis la question du coût des arrêts maladie dans le secteur public qui pourrait peser 40% du total des indemnités… alors que le secteur public ne représente que 20% de l’emploi total. 

16,8 milliards : un coût des arrêts maladie dans le secteur privé en augmentation 

Les indemnités journalières constituent un enjeu majeur au sein de l’Assurance Maladie nous dit le gouvernement même si l’appréhension des volumes a été perturbée par la crise Covid (les arrêts avec un motif Covid représentent environ 800 M€ en 2020). La crise sanitaire est aussi venue bousculer le contrôle des arrêts de travail. 

Mais même si on met ces deux points de côté, les dépenses d’indemnités sont particulièrement dynamiques, étant passées de 11,2 Mds € en 2017 à 16,8 Mds € en 2022 selon les chiffres de la Cour des comptes. Ce poste de dépenses se caractérise par un taux de croissance annuel important nous dit la Cour avant même la crise sanitaire (+4,2 % par an entre 2013 et 2019). 

Plus de 11 milliards : le coût non officiel des arrêts maladie dans le secteur public… lui aussi en augmentation 

Lorsque le patron de la Cnam, Thomas Fâtome, déclare que « la dépense publique consacrée aux arrêts maladie s’élève à 16 milliards d’euros, [soit] la moitié de nos dépenses de médicaments remboursées par l’assurance maladie » c’est inexact puisque cela omet les dépenses publiques de remboursement de l’Etat et des employeurs publics. En effet, en ce qui concerne les prestations en espèces d’assurance maladie, les employeurs publics (Etat, collectivités locales, établissements de soins employant des agents publics, etc.) sont en auto-assurance. Ce sont eux qui assurent directement un maintien de salaire des agents publics en arrêts maladie. 

N’étant pas indemnisé par l’assurance-maladie, il n’est pas possible d’en connaître le montant exact, juste une estimation. La Cour des comptes regrette que « malgré des améliorations ces dernières années, les absences pour raisons de santé des agents publics ne font pas l’objet d’un décompte suffisamment harmonisé et centralisé. » Elle souligne également des outils informatiques RH qui peinent à assurer le suivi en temps réel des données d’analyse. Dans son rapport sur l’indemnisation des arrêts maladie des agents publics, la Cour des comptes parvenait à un chiffrage autour de 11 Mds € qu’il convient de rajouter aux 16,8 Mds € de la Cnam. On notera que, comme dans le privé, la tendance est à la hausse notamment pour la fonction publique territoriale et la fonction publique d’Etat.

Le même problème se pose pour les prestations en espèces d’assurance maladie des principaux régimes spéciaux qui sont versées directement par les entreprises publiques (Sncf, Ratp). Il est quasiment impossible de retrouver le coût brut pour les régimes concernés des prestations en espèces versées au titre des arrêts de travail. Voici ce que dit le rapport de la commission des comptes de la Sécurité sociale : « Que ce soit pour la SNCF ou la RATP, des prestations en espèces des assurances maladie et accidents du travail sont aussi versées directement par l’entreprise (RATP) ou par la caisse via un mandat de gestion (SNCF). Ces prestations sont assimilées à des maintiens de salaire et ne relèvent pas du périmètre des comptes présentés dans ce rapport (Comptes de la Sécurité sociale). »

On sait cependant que le nombre de jours d’absences pour maladie des agents du cadre permanent à la SNCF est passé de 11,3 jours/ an en 2009 à 13,3 jours/an en 2018. Et que, à la RATP, le nombre de jours d’absences pour maladie, ATMP et accidents de trajet par an et par salarié est passé de 15,9 en 2011 à 19,25 en 2018. 

Qu’en conclure ? Sans nier une tendance à la hausse, dans tous les secteurs, du nombre de jours d’absences pour maladie, le souhait du gouvernement d’accélérer la lutte contre les arrêts maladie de complaisance et abusifs uniquement dans le secteur privé revient à se tromper de diagnostic et à refuser d’aborder la question de l’absentéisme et du coût des arrêts maladie dans le secteur public. En effet, avec une dépense liée de 16,8 milliards d’euros, le privé représente 60% des indemnisations (ou équivalents) des arrêts maladie du privé et du public (autour de 28 milliards au total)… ce qui veut dire que l’emploi public, qui représente 20% de l’emploi total, pèse pour 40% des indemnités liées aux arrêts maladie. 

Loin de s’attaquer à ce problème, le gouvernement avait initialement envisagé le report du coût sur les entreprises, un projet finalement abandonné. Le gouvernement a, ensuite, laissé entendre qu'il pourrait transférer une partie de l'indemnisation vers les entreprises, en les faisant payer les indemnités journalières entre le 4e et le 7e jour d'arrêt de travail, aujourd'hui versées par l’Assurance-Maladie. De quoi dégager autour de 1,4 milliard d'euros. Pour faire passer la pilule, le gouvernement pensait instaurer un jour de carence pendant lequel les salariés arrêtés ne seraient indemnisés ni via la Sécurité sociale ni via l'entreprise. Mais les représentants patronaux ont vivement protesté expliquant que c’était une façon détournée d’augmenter les impôts sur les entreprises.

Autre élément qui a défrayé la chronique : le contrôle des médecins prescripteurs. Le directeur de la CNAM s’est défendu de vouloir sanctionner évoquant le chiffre de 2% de médecins sur-prescripteurs (de deux à quatre fois plus d’arrêts que leurs confrères). Mais le ressenti des médecins face à des procédures de mise sous objectif ou de mise sous accord préalable est très mal vécu. Voir témoignage. D’autant que d’autres facteurs peuvent contribuer à augmenter /allonger les arrêts maladie comme la disponibilité pour une intervention ou un examen radiographique, et renvoi vers un autre chantier que l’assurance maladie doit gérer à savoir les déserts médicaux. 

Hausse générale des arrêts de travail : quelles causes ?

Les explications les plus souvent avancées pour expliquer la hausse des indemnités journalières sont la hausse de la population active et le vieillissement de la population, la hausse des salaires sur lesquels sont indexés les IJSS. Pour évaluer le poids respectif de ces différentes causes, l’Assurance maladie a dans son dernier rapport charges et produits tenté de départager le poids des différents phénomènes dans la hausse des arrêts maladie.

L’effet démographique contribue à hauteur de 36 % à la croissance. Cet effet comprend la hausse de la population active (23 % de contribution à la croissance) et le vieillissement de la population des bénéficiaires d’indemnités journalières maladie (13 % de contribution à la croissance). L’augmentation du montant de l’indemnité journalière moyenne remboursée par classe d’âge contribue à hauteur de 18 %. A cela s’ajoute, l’augmentation de la durée moyenne d’arrêt par classe d’âge qui contribue à hauteur de 23 % à la croissance. 

En 2022, des facteurs plus spécifiques expliquent cette hausse, comme la mise en place d’indemnités journalières maladie pour les professions libérales en juillet 2021, plusieurs hausses exceptionnelles successives du Smic depuis octobre 2021 et deux grippes saisonnières en 2022.

Si le rapport de l’Assurance-Maladie insiste sur le caractère structurel de la hausse observée des IJSS avec l’accroissement et le vieillissement de la population active, elle ne mentionne pas que ces différents facteurs ont aussi contribué à augmenter les recettes (si on met de côté l’année 2020 avec l’impact du Covid). C’est ce que l’on voit sur ce tableau du rapport de la commission des comptes de la Sécurité sociale :