Arrêtons avec les 39h, 35h ou 32h : négocions plutôt le temps de travail par branche
Cette note a été publiée sur Atlantico.
Le projet porté par Europe Écologie-Les Verts (EELV) préconise un passage aux 32 heures payées 35 heures (39 heures en réalité, puisque les 35 heures étaient déjà payées 39 heures). Le projet ne peut être équilibré pour l'État, puisque les charges sociales portant sur 1,6 million d'emplois supplémentaires devraient équilibrer une compensation pour les entreprises, que nous évaluons à une cinquantaine de milliards d'euros. Le chiffrage et le financement de cette mesure ne sont pas encore explicités, mais Pierre Larroutourrou avance l'hypothèse d'une mise sous condition des exonérations de charges sociales : 8% d'exonération à condition de s'engager à créer 10% d'emplois supplémentaires.
Le coût du passage aux 32 heures
En passant aux 32 heures, le projet EELV prétend augmenter le stock d'emplois de 10% (1,6 million d'emplois). Le manque à gagner pour l'État serait de 46,2 milliards d'euros par an [1]. Les rentrées supplémentaires pour l'État (suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires et baisse du chômage) rapporteraient moins de 7 milliards d'euros. Les rentrées de cotisations sociales supplémentaires représenteraient une vingtaine de milliards d'euros par an [2]. Le coût pourrait ainsi s'élever à une quinzaine de milliards d'euros par an pour l'État. Cette estimation est sujette à caution, EELV ayant annoncé que les détails de la mesure ne seraient avancés qu'au moment de son propre chiffrage.
Tous les économistes conviennent du fait que le passage aux 35 heures n'a pas permis de créer plus de 300.000 emplois, sans compter qu'aucune étude ne chiffre le nombre d'emplois que les 35 heures ont fait perdre. Il y a fort à parier que les 32 heures n'auront pas un impact plus important. Au total une poignée d'entreprises ont pu effectivement passer aux 32 heures, mais quelle illusion de croire qu'il suffirait d'un diktat de l'État pour que ce nombre se multiplie miraculeusement comme des petits pains ! La réalité humaine des entreprises ne suit pas les statistiques macroéconomiques, sauf à supposer un monde d'êtres interchangeables, de performance égale, n'ayant pas besoin de formation, où ni l'expérience ni les qualités humaines ne comptent. Les 35 heures n'ont pas augmenté l'emploi, pourquoi en serait-il autrement des 32 heures, surtout dans un cycle dépressif ?
Une solution : la négociation par branche
La proposition de passer aux 37 heures afin de réduire le coût des allègements de charges liées aux heures supplémentaires permettrait de lutter contre l'effondrement des résultats des entreprises françaises, en partie attribuables, à salaire égal et à coût égal pour l'État, à une durée du travail inférieure à celle des pays concurrents. Néanmoins, il convient d'aller plus loin en mettant en place une négociation par branche permettant une adaptation aux conditions spécifiques à chacun des secteurs.
En outre, ces négociations du temps de travail pourraient se faire en parallèle d'une négociation du SMIC transformé en SMIB, salaires minimums négociés par branche, ainsi qu'un SMIC jeunes. En ouvrant la négociation aux partenaires sociaux, par branche, il serait possible de diminuer significativement le chômage en particulier celui des jeunes.
En assouplissant les conditions du chômage partiel et la mise en place d'une durée du travail flexible et adaptable, il serait plus aisé de permettre une adaptation du marché de l'emploi aux fluctuations conjoncturelles. Qui plus est, ces différentes mesures permettraient d'alléger significativement le coût - pour le budget de l'État - des différentes politiques d'allègement de charges stratifiées depuis des années.
[1] 17,5 millions d'emplois * 2.750 € * 12 mois * 8 points = 46,2 millions
[2] 1,5 million d'emplois * 2.750 € * 12 mois * 45 points de cotisations = 22,3 millions