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Il faut doubler le nombre de personnes qui cumulent emploi et retraite

L’accord conclu par les partenaires sociaux sur l’emploi des seniors marque un pas important, mais est-il suffisant ? Dans un contexte où 58 % des 55-64 ans sont en activité en France contre 74 % au Danemark et en Allemagne et même 78% en Suède (Eurostat), la réforme cherche à accroître la participation des seniors au marché du travail, notamment via la retraite progressive. Cependant, ce dispositif, qui permet une cessation progressive à partir de 60 ans, ne permettra pas d'augmenter significativement le taux d'activité, surtout parmi les 60-64 ans, là où la France est le plus en retrait avec seulement 40% des personnes en activité. C'est le sujet du cumul emploi retraite qui doit être remis sur la table en généralisant la mesure mise en place pour les médecins : possibilité de choisir entre droits supplémentaires à la retraite ou exonération de cotisations vieillesse, à l'ensemble des actifs déjà retraités. Objectif : doubler le nombre d'actifs en cumul emploi-retraite qui est actuellement de 500 000.

Les partenaires sociaux se sont mis d’accord mi-novembre sur une série de mesures afin de favoriser l’emploi des seniors : il s’agit essentiellement de nouvelles règles d’indemnisation chômage des seniors, de favoriser la retraite progressive, la création d’un contrat senior à la demande du patronat, et de diverses mesures en faveur du dialogue social[1].

Favoriser l’emploi des seniors permet de poursuivre plusieurs objectifs : alléger la contrainte financière sur l’Unédic et maintenir les seniors dans l’emploi dans un contexte de tensions sur le marché du travail, cela doit aboutir à une augmentation de la quotité de travail, une augmentation de la richesse produite et un meilleur financement de notre modèle social. Les mesures cherchent à répondre aussi à l’appel à plus de souplesse entre emploi et retraite exprimé au moment de la réforme des retraites et contribuent ainsi à améliorer la réforme des retraites comme l’avait suggéré Michel Barnier.

La situation des seniors sur le marché du travail en 2023

Cette négociation s’est tenue alors que la participation des seniors au marché du travail n’a cessé de croître ces dernières années, notamment sous l’effet des réformes successives des retraites, comme le montre une dernière étude de l’Insee[2].

Pour autant, cette participation reste hétérogène en fonction de l’âge : en 2023, plus de huit personnes sur dix sont en emploi à 55 ans, mais cette part baisse à cinq sur dix à 61 ans. En moyenne, entre 55 et 61 ans, 21 % des seniors ne sont ni en emploi ni à la retraite : cette situation est souvent subie, notamment pour des raisons de santé ou de handicap. Cependant, cette situation peut être choisie par des personnes souhaitant rester au foyer ou approchant de l’âge de leur départ à la retraite.

À l’opposé, 13 % des retraités en emploi juste avant la première perception de leur retraite ont continué à travailler dans les six mois qui suivent, cumulant ainsi emploi et retraite. Parmi eux, 36 % le font parce qu’ils retirent de la satisfaction de leur travail : ce sont plus souvent des cadres et des indépendants. Dans 38 % des cas, ces retraités le font par nécessité de percevoir un revenu complémentaire ; ils sont plus souvent salariés, ouvriers ou exerçant une profession intermédiaire. 

Le cumul emploi-retraite renforcé dans la dernière réforme des retraites

Le cumul emploi-retraite existe depuis la création du système de retraite. Des conditions sont cependant nécessaires : limite de revenus si cumul avant l’âge d’annulation de la décote et libre au-delà. Dans les pays comme le Royaume-Uni, la Suède ou encore l’Italie, il n’y a pas de restriction dans le cadre du cumul emploi retraite. Les retraités peuvent liquider leur pension de retraite dans leur régime de base obligatoire et poursuivre une activité, sans se soucier de leur âge ou de leur niveau de rémunération. Dans certains pays le cumul permet de ne plus cotiser à la retraite puisque l’activité ne rapporte pas de droits supplémentaires (Canada, Japon), dans d’autres les cotisations sont obligatoires, car la poursuite d’activité entraîne des droits supplémentaires. Enfin dans de nombreux pays, le cumul oblige à verser des cotisations malgré le fait qu’elles ne donnent pas droit à retraite supplémentaire. Tel était le cas de la France depuis la réforme Touraine de 2014.[3][4]

Le cumul emploi-retraite est possible sous deux formes : le cumul libéralisé (ou intégral), ou le cumul plafonné. Le cumul intégral est accessible à condition d’avoir soit atteint l’âge d’ouverture des droits et obtenu la durée d’assurance tous régimes, requise pour le taux plein, soit atteint l’âge d’annulation de la décote. L’assuré doit avoir liquidé l’ensemble de ses pensions légalement obligatoires[5].

Le cumul plafonné est possible lorsque l’ensemble des conditions n’ont pas été remplies. La somme du revenu d’activité et du revenu de remplacement ne doit alors pas dépasser un certain seuil. Dans le cas contraire, la pension de retraite est réduite à due concurrence. 

La loi du 20 janvier 2014 a harmonisé les conditions de cumul entre les régimes. Avant cela, si un assuré reprenait une activité dans un autre régime que celui où il avait acquis ses droits et liquidé sa retraite, il pouvait valider de nouveaux droits. En revanche, s’il reprenait une activité dans le même régime, il ne le pouvait pas. La réforme a unifié la règle : pas de nouveaux droits en cas de reprise d’activité ! Cette mesure a été plusieurs fois critiquée en ce qu’elle n’incitait pas au cumul. La réforme des retraites de 2023 a donc permis à nouveau d’acquérir de nouveaux droits à la retraite pour les assurés ayant obtenu le taux plein par l’âge ou la durée et ayant liquidé toutes leurs pensions de retraite.

Un nouveau renforcement au dispositif de cumul emploi-retraite a été apporté avec la possibilité ouverte aux médecins d’être exonéré de cotisations vieillesse en cas de cumul emploi retraite. Cette mesure a été votée dans le cadre du budget de la Sécu 2025[6]. Les médecins qui le souhaitent peuvent continuer à acquérir des droits en échange de cotisations, mais, surtout pour favoriser le maintien d’activité dans des zones sous-denses en médecins, le gouvernement a réitéré une mesure qu’il avait déjà fait voter en 2023 à savoir l’exonération de cotisations vieillesse. Toutefois, pour être éligibles, les médecins doivent justifier de revenus inférieurs à un montant fixé par décret. En 2023, le plafond avait été fixé à 80 000 €, un seuil jugé insuffisant, les médecins libéraux ayant des revenus en moyenne équivalents à 90 000 €. Le député Philippe Juvin a déposé une proposition de loi à l’Assemblée pour faire sauter ce seuil[7].

La France pourrait aussi s’inspirer de cette initiative allemande qui figurait dans le projet de réforme des retraites présenté en septembre par la coalition d’O. Scholz[8]. Les actifs en cumul emploi retraite qui ont déjà le choix d’empocher la part salariale des cotisations retraite et chômage s’ils cumulent emploi et pension, auraient pu, grâce à la réforme, aussi avoir droit à la part patronale, soit un coup de pouce de 10,6% sur le salaire brut. Avec 27% de cotisations salariales et patronales en France pour la retraite, une telle mesure pourrait constituer un sacré coup de pouce pour les salariés concernés. La réforme allemande a cependant été abandonnée à la suite de l’échec de la coalition tricolore.

Conclusion

Avec la réforme de 2023, le cumul emploi-retraite avait conquis un nouvel attrait avec la possibilité de créer de nouveaux droits. Selon les derniers chiffres de la DREES, environ 500 000 personnes sont en situation de cumul emploi-retraite. Il serait possible d’aller plus loin en offrant la possibilité de choisir entre exonération de cotisation vieillesse (part salariale, voire totalité) ou acquisition de droits supplémentaires, et ce pour tous les actifs et non seulement les médecins. Le gouvernement privilégie pour l’instant le renforcement de la retraite progressive mais ce dispositif bénéficie lui à ceux qui, à partir de 60 ans, souhaite percevoir une partie de leur retraite tout en exerçant une ou plusieurs activités à temps partiel. Cette mesure ne suffirait donc pas pour augmenter le taux d’emploi des seniors, notamment au-delà de l’âge légal (64 ans).

Cumuler un emploi et ma retraite

La reprise ou la poursuite d’une activité professionnelle permet, sous conditions, d’obtenir de nouveaux droits et une autre retraite. Ces nouveaux droits ne modifient pas le montant de la première retraite. Les activités concernées sont celles exercées depuis le 1er janvier 2023 dans le cadre d’un cumul intégral. 

Le cumul d’une retraite avec le revenu d’une activité professionnelle est possible pour tous les retraités du régime général. En revanche, certaines règles sont à respecter. Explications. 

Cumul intégral d’une retraite et d’un revenu d’activité

Vous devez au préalable avoir obtenu toutes vos retraites de base et complémentaires des régimes français, étrangers et des organisations internationales. Il s’agit des retraites dont vous remplissez les conditions d’attribution (notamment la condition d’âge de départ).

Pour poursuivre une activité relevant d'un autre régime, il est nécessaire de s’adresser à la caisse de retraite correspondante à l’activité, pour connaître les modalités.

Le cumul intégral est alors possible :

  • à partir de l’âge d’obtention de la retraite au taux maximum (aussi appelé retraite à « taux plein », 67 ans pour les personnes nées en 1955 ou après) ;
  • ou dès que vous avez à la fois l’âge légal (de 62 à 64 ans selon votre année de naissance) et la durée d’assurance nécessaire pour obtenir une retraite au taux maximum.

Les périodes cotisées* de votre nouvelle activité vous donne droit à une autre retraite. Ces nouveaux droits ne modifient pas le montant de la retraite que vous percevez.

Vous pouvez reprendre une activité, quelle qu’elle soit, immédiatement. Si vous reprenez une activité chez votre dernier employeur, vous devrez impérativement respecter un délai de 6 mois. Si ce délai n'est pas respecté, votre nouvelle activité ne vous génèrera jamais de nouveau droit.

À l’arrêt de votre activité, une nouvelle retraite vous est versée. Le montant de cette nouvelle retraite ne peut pas dépasser 5 % du plafond annuel de la Sécurité sociale. Son attribution n’est pas automatique, vous devez en faire la demande. Une fois la seconde retraite obtenue, vous ne pouvez pas cotiser pour une troisième retraite.

Cumul plafonné d’une retraite et d’un revenu d’activité

Si vous ne remplissez pas les conditions pour bénéficier d’un cumul intégral, vous pouvez cumuler votre retraite et vos revenus d’activité dans une certaine limite.

La limite de cumul

Le total mensuel de votre nouveau revenu et de vos retraites (de base et complémentaires) ne doit pas dépasser la moyenne mensuelle de vos revenus d’activité des 3 derniers mois civils (ou 1,6 fois le Smic si ce montant est plus avantageux).

En cas de dépassement, le montant de votre retraite est réduit (en fonction du montant du dépassement). Dès que votre revenu d’activité baisse ou si vous cessez de travailler, prévenez votre caisse régionale afin que le montant de votre retraite puisse être réajusté à votre nouvelle situation.

La date de reprise d’activité

Vous pouvez reprendre une activité professionnelle immédiatement chez un nouvel employeur.

En revanche vous devez attendre 6 mois après le point de départ de votre retraite pour reprendre une activité chez votre dernier employeur. Avant ce délai, le paiement de votre retraite est suspendu.

Le paiement de votre retraite reprend quand vous cessez votre activité ou au plus tard le 7e mois suivant le point de départ de votre retraite.

Extraits du site Assurance retraite : https://www.lassuranceretraite.fr/portail-info/home/actif/montant-retraite/cumuler-emploi-retraite.html

 


[1] https://www.lesechos.fr/economie-france/social/emploi-des-seniors-ce-qui-devrait-changer-2133054

[2] https://www.insee.fr/fr/statistiques/7767123?sommaire=7767424

[3] https://manouvellevie.groupama.fr/s-informer-retraite/retraite-base-complementaire/systeme-retraite-france-et-monde

[4] https://igas.gouv.fr/sites/igas/files/files-spip/pdf/RM2012-067P_Tome_2_def.pdf

[5] https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2023-06/Fiche%2022%20-%20Le%20profil%20des%20assur%C3%A9s%20cumulant%20emploi%20et%20retraite.pdf

[6] https://www.publicsenat.fr/actualites/sante/deserts-medicaux-le-senat-adopte-une-mesure-pour-favoriser-le-cumul-emploi-retraite-des-medecins

[7] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/dossiers/cumul_emploi_retraite_pro_sante

[8] https://www.handelsblatt.com/politik/deutschland/rente-praemie-fuer-spaetere-rente-bundesregierung-beschliesst-anreize-fuer-laengeres-arbeiten/100062441.html