Amendement Forissier : le dispositif Madelin devient reportable sur 5 ans
Le mercredi 30 novembre 2011, en séance à l'Assemblée nationale, la ministre du Budget s'adresse au député de l'Indre, Nicolas Forissier et lui dit : « Monsieur Forissier, la constance paye ! ». La Ministre, précédée par le rapporteur général du Budget, va en effet accepter un amendement n° 15 introduit par le député dans le projet de loi de finances rectificative 2011 et qui reprend des dispositions que le député avait cherché à faire voter à plusieurs reprises au cours des années, qui avait même été voté l'année précédente par l'Assemblée pour être finalement rejeté par le Sénat sur demande du gouvernement.
Cet amendement unifie les deux plafonds figurant dans l'article 199 terdecies 0-A du Code Général des Impôts qui permettait depuis 1994 à un investisseur dans une PME de déduire de son impôt sur le revenu 25% de son investissement :
le plafond traditionnel était de 20.000 € pour un individu, 40.000 € pour un ménage avec possibilité de reporter l'excédent au-delà du plafond sur 5 ans
l'autre plafond, introduit par Nicolas Forissier en 2008, de 50.000 € pour un individu, 100.000 € pour un ménage mais sans possibilité de report.
Dorénavant, le nouvel article permet de déduire 100.000 € par an avec possibilité de report sur 5 ans. Cependant, il limite le bénéfice de cette mesure aux investissements dans les PECs (Petites Entreprises Communautaires : moins de 50 salariés et moins de 10 millions de chiffre d'affaires ou de total de bilan) de moins de 5 ans, rejoignant par là les recommandations formulées par la Commission Européenne en 2006 et déjà appliquées par d'autres pays comme le Royaume-Uni dans le cadre d'un dispositif voisin : l'Enterprise Investment Scheme (EIS).
Nicolas Forissier exauce ainsi deux des vœux de l'iFRAP qui appelait dès 2007 à concentrer les incitations fiscales, à investir sur les PECs et non les PME, et à augmenter des plafonds qui découragent l'investissement direct. Cet amendement rapproche ainsi le dispositif Forissier de l'EIS où le plafond était de 1 million de livres sterling pour un ménage et vient d'être passé à 2 millions. Une incertitude était de savoir si le plafonnement global des niches (ramené pour 2012 à 18.000 € + 4% du revenu) n'excluait pas tout report au-delà de ce plafond. Une correspondance avec la Commission des finances de l'Assemblée nous a rassurés sur ce point et le plafonnement global n'empêcherait pas le report même si chaque année, le total déductible y comprenant la part reportée ne peut excéder ce plafond global.
On peut se réjouir de voir la banquise bouger petit à petit et surtout, avec la ministre, féliciter le député pour son obstination. Mais la France et l'entreprise vont avoir encore beaucoup besoin de lui car il est clair qu'avec la possibilité d'investir 500.000 € pour un ménage tous les 5 ans, nous sommes loin des 2 millions de livres des Anglais. Surtout le plafonnement global des niches ayant ramené la déduction du revenu à 18% alors que les Anglais la passaient à 30% et qu'en outre, ils bénéficient d'une exemption de plus-values pour une détention de plus de 3 ans, nous craignons fortement que l'incitation fiscale soit devenue insuffisante par comparaison avec les avantages dont disposent des investissements peu productifs de richesse comme celui dans des œuvres d'art ou des collections.
Il est assez remarquable de noter que le Président Obama, dont on ne peut dire qu'il soit un ultra-libéral (au sens français) ait fait voter une extension d'un dispositif déjà introduit provisoirement en 2011 qui exempte de tout impôt sur les plus-values tout investissement dans une entreprise de moins de 50 millions de dollars de capital social.
La France devra faire encore un énorme effort de réflexion pour comprendre que nous n'éradiquerons pas le chômage en restant avec 2 à 3 fois moins d'entreprises naissant avec salarié que les Anglais ou les Allemands et que nous continuerons à creuser l'écart en emplois marchands qui atteint déjà 5 à 7 millions, nous mettant ainsi sur la trace de la Grèce. Il nous faut cette réflexion pour permettre à des parlementaires qui ont la connaissance de l'entreprise d'opérer les réformes indispensables à notre avenir collectif.