AME : la France est la plus généreuse pour les sans-papiers
La France indigne au regard de la condition des étrangers se trouvant illégalement sur son territoire, autrement dit des sans-papiers ?
Sait-on qu'en ce qui concerne le droit à la santé les sans-papiers ont les mêmes droits que ceux dont disposent les résidents réguliers sous le régime de la CMU complémentaire : l'Aide Médicale d'Etat (AME) est en effet calquée sur la CMUC (mêmes conditions de ressources et de résidence, remboursement des soins à 100%, pas d'avance des frais) [1] ?
Sait-on que la France est le seul pays européen (à part peut-être l'Espagne) à offrir ainsi aux sans-papiers des droits identiques à ceux des assurés sociaux ? En effet la Charte sociale européenne ne prévoit que l'égalité des droits entre nationaux et étrangers en situation régulière, mais la jurisprudence du Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS), organisme du Conseil de l'Europe, a étendu au bénéfice des sans-papiers l'exigence minimale de la fourniture des soins immédiats et urgents. La France connaît ainsi deux systèmes, l'AME et aussi l'aide d'urgence, cette dernière correspondant au minimum exigé par la Charte européenne, et ouverte à tous ceux qui ne sont pas éligibles à l'AME. Mais l'AME est sans équivalent dans les autres pays européens.
Sait-on encore qu'une proportion importante de pays est en infraction au regard du respect de l'article 13 de la Charte sociale européenne, et particulièrement de l'aide médicale (ou sociale) en faveur des étrangers en situation irrégulière ? Ce n'est pas le cas de la France, mais c'est celui en particulier de deux pays qui se sont récemment illustrés en donnant des conseils de vertu en la matière à notre pays : le Luxembourg (pays d'origine de la Commissaire Viviane Reding, qui y tint d'importantes responsabilités politiques), et l'Allemagne (qui appuya les déclarations de cette dernière). Pour ce qui est du Luxembourg le Comité relève « qu'il n'existe pas réellement de législation concernant l'accès des migrants en situation irrégulière aux soins de santé et aux prestations sociales ». Si, « en principe » les hôpitaux ne refusent pas une aide d'urgence, les soins sont limités, sauf accord spécifique du Ministère de la santé, à 2.500 euros. Il observe également que l'assistance sociale d'urgence peut être limitée à deux ou trois jours à certaines périodes de l'année, et en conclut « que le Luxembourg ne satisfait pas aux exigences de cette disposition de la charte ».
Concernant l'Allemagne, la situation des étrangers en situation irrégulière est encore plus difficile : tout d'abord, une disposition du droit interne allemand exclut de tout droit « les étrangers entrés sur le territoire allemand afin d'obtenir une assistance sociale » (sauf « traitement indispensable à la survie ») ; en second lieu les établissements de santé sont tenus de dénoncer aux autorités les patients en situation irrégulière, et enfin seuls peuvent être couverts par l'aide ceux qui ont déposé une demande d'asile ou de statut de réfugié et ont été exclus du statut. Ici encore « le Comité conclut que la situation de l'Allemagne n'est pas conforme à l'article 13§4 de la Charte, au motif qu'il n'est pas établi que toutes les personnes sans ressources qui se trouvent en situation irrégulière en Allemagne puissent obtenir une assistance sociale et médicale d'urgence ».
Sait-on enfin que Médecins du Monde, association qui prétend clouer au pilori notre Ministre de la Santé parce qu'elle demanderait une contribution annuelle de…15 euros ( !) aux sans-papiers (la moyenne des coûts se situe à près de 2.500 euros), a reconnu dans le rapport de son Observatoire européen de l'accès aux soins daté de septembre 2009 :
que le système français applicable aux sans-papiers gravement malades a « permis de sauver de nombreuses vies et reste un modèle au niveau européen »,
qu'en revanche au Royaume-Uni : « la définition de « résidence ordinaire » a été réduite à « résidence autorisée » et de nouvelles règles ont stipulé que les sans-papiers n'avaient plus droit aux traitements hospitaliers sans payer. L'enregistrement chez un médecin généraliste reste possible, au bon vouloir du médecin. En revanche, tous les examens complémentaires et soins de deuxième ligne sont payants à l'hôpital, où des officiers de recouvrement des coûts auprès des étrangers s'assurent, jusqu'au harcèlement, de la récupération des sommes dues ».
qu'encore aux Pays-Bas : « Les étrangers sans papiers ont toujours la responsabilité de payer les soins qu'ils reçoivent »
etc… ?
Alors, pas de désinformation, pas d'« instrumentalisation » politicienne de commentaires hypocrites provenant de voisins de qui nous n'avons aucune leçon à recevoir (et qui pratiquent systématiquement les expulsions de sans-papiers), et pas de stupides envolées médiatiques sur « la perte d'image que subit la France ». Et merci à Médecins du Monde de prendre en considération la poutre dans l'œil de nos voisins avant la paille qui ornerait éventuellement le nôtre.
Un dernier vœu aussi : que le gouvernement se défende énergiquement en faisant notamment connaître ce que nous venons de rappeler – et que bien entendu les Français (et peut-être le gouvernement lui-même ?) ignorent.
[1] L'AME coûte environ 700 millions d'euros par an et concerne environ 210.000 bénéficiaires.