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Allocation sociale unique : le projet que pourrait adopter le gouvernement

Faire en sorte "qu'au bout [du] travail, ça paye plus de travailler que de ne pas travailler"... Voilà le principe que le Premier ministre, Michel Barnier, veut mettre en place. Pour cela, il promet de lancer le chantier d'une "allocation sociale unique" en 2025. Une proposition défendue par la Fondation IFRAP dans une étude dédiée en mars 2016, puis une étude sur la nécessaire nouvelle vague de décentralisation en février 2022. Les points clés de la réforme proposée par la Fondation sont que cette allocation unique :

  • Ne doit concerner que les prestations non contributives, c'est à dire celles ne reposant sur aucune cotisation et dépendant uniquement de la solidarité nationale,
  • Doit ouvrir un droit à crédit d’impôt dans le cas des ménages imposables et doit être soumise à l'impôt afin qu'un euro perçu au titre de la solidarité soit égal à un euro perçu du travail,
  • Soit soumise à un plafond de cumul fixé à 100 % du smic dans un premier temps, puis à 90 % du smic afin de garantir que le travail paye toujours plus. 

1ère étape : recentraliser la gestion des prestations non contributives... 

La responsabilité des départements est surtout sociale et ces dernières y consacrent 60 % de leur budget. Les dépenses sociales des départements se concentrent actuellement autour du RSA (pour une enveloppe de 12 milliards €), l’aide sociale à l’enfance et les placements (environ 8 milliards €), l’aide sociale aux personnes handicapées, y compris l’allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) et la prestation compensatrice de handicap (PCH) des 60 ans ou plus (encore pour 8 milliards € environ) et l’aide sociale aux personnes âgées (pour 7,8 milliards €). Il convient d’y ajouter les frais de personnel, services communs et autres frais d’intervention sociale d’environ 3 milliards € pour obtenir une dépense totale à transférer de 40 milliards €. 

Cette compétence, les départements ont de plus en plus de mal à assumer : depuis le 1er janvier 2022, par exemple, le financement du RSA pour la Seine-Saint-Denis a été recentralisé. D'autres collectivités ont bénéficié de cette reprise en main de la part de l’État Comme l'Ariège, les Pyrénées-Orientales, Mayotte, la Guyane et La Réunion. 

La proposition de la Fondation IFRAP est donc :

  • D'un côté, de recentraliser le RSA selon l’idée que l'État soit le financeur et le gestionnaire principal de l’ensemble des allocations sous conditions de ressources qui seront encadrées dans une allocation sociale unique. Ces allocations représentent, actuellement, un périmètre de 138 milliards € de dépenses publiques en 2022. 
  • Et en face, que la gestion et les 8 milliards € de dépenses liées à l’aide sociale à l’enfance et aux placements reviennent aux communes qui doivent devenir l’unique guichet de contact pour les bénéficiaires de prestations sociales. 

Les communes récupéreraient alors la charge des 83 000 opérationnels de l’action sociale dont 31 000 personnels socioéducatifs et 37 000 assistants familiaux. Par effet de synergie et du transfert de compétences et via la nouvelle répartition des effectifs, il apparaît possible de rationaliser les effectifs de 30 000 agents, pour une économie de 1,5 milliard. 

... pour mettre en place une allocation sociale unique (ASU)

L’objectif est d’atteindre un système à deux niveaux qui doit permettre de mettre en place une allocation sociale unique (ASU) gérée automatiquement, au niveau de l’État, par les services fiscaux en fonction des besoins des foyers et un guichet unique de détection et d’examen des situations familiales au niveau des communes. 

Concrètement, les services sociaux à l’échelon des communes proposeront une prise en charge personnalisée (hébergement, assistance…) et détermineront la situation familiale du foyer fiscal qui devra être communiquée aux services des impôts (nombre d’enfants, handicap, personnes âgées dépendantes…). Les services des impôts calculeront ensuite les allocations monétaires correspondantes et, dans le cas des ménages imposables, ce montant sera déduit des impôts via un droit à crédit d’impôt (si l’impôt dû est inférieur au montant de l’allocation unique la différence est versée au foyer fiscal). L'objectif ? Mettre fin à la distinction entre foyer social et fiscal pour simplifier les échanges et ne plus donner d'une main ce qui a été prélevé de l'autre. 

Enfin pour conforter l'idée que le travail doit toujours rapporter plus que les revenus de solidarité, il faut que cette allocation sociale unique soit soumise à un plafond de cumul fixé à 100 % du smic, dans un premier temps, puis 90 % dans un second temps. Il est essentiel aussi que les prestations sociales non contributives soient soumises à l'impôt afin qu'un euro perçu au titre de la solidarité soit égal, aux yeux de l’État, à un euro perçu du travail. 

À terme, ces mesures cumulées doivent permettre d'économiser 5 milliards d'euros sur les prestations et en réduction de frais de gestion.

Quelles aides seraient concernées ?

Selon la Fondation IFRAP, une allocation sociale unique doit exclure les prestations contributives, c'est à dire versées en contrepartie de cotisations et qui relèvent d'un régime assurantiel. Ne seront donc concernées que les prestations sociales non contributives, c'est à dire à la charge exclusive de la solidarité nationale et des finances publiques. 

Ces dernières sont très nombreuses : on en compte plus de 60 pour un montant total de plus de 138 milliards d'euros en 2022, soit 16% des dépenses totales de prestations sociales (selon les données issues de l'étude annuelle La protection sociale en France et en Europe.

A cette liste, s'ajoute de nombreuses prestations annexes mais impossible à lister à cause des différentes formes qu’elles prennent :

  • des versements au bénéficiaire par virement, par chèque, par bon d’achat de livres, de tickets loisirs ;
  • des réductions de charges (tarifs sociaux pour l’énergie) ;
  • des prêts à taux réduit, voire nuls (par exemple pour équiper son logement) ;
  • des versements à un tiers comme un bailleur ;
  • des aides directement versées à des structures qui prennent en charge les bénéficiaires : crèches, foyers d’accueil, logement social, établissement et service d’aide par le travail (Esat), établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), professionnels de santé, hôpitaux, soins de suite et de réadaptation (SSR).