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Allégement des charges pour le travail à domicile, oui mais…

En date du 19 avril 2015, a été publié le décret d’application de l’article 10 de la Loi de Financement de la Sécurité sociale pour 2015 (LFSS 2015) doublant la déduction forfaitaire de cotisations sociales des parents employeurs de garde d’enfant(s) âgé(s) de 6 à 13 ans dans la limite de 40 heures par mois et déclarés via Pajemploi.

Ce décret, attendu depuis le vote en décembre 2014 de la loi de Financement de la Sécurité sociale 2015 devait être une bouffée d’oxygène pour le secteur de l’emploi à domicile dont la dégradation depuis 3 ans touche aussi maintenant la garde des enfants (- 0,7% en masse salariale sur un an[1]).

Néanmoins la limitation du périmètre de cette mesure et sa complexité permettront-ils d’infléchir la courbe ? 

Le secteur de l’emploi à domicile est très sensible à l’équilibre entre coûts et soutien. En réduisant le montant des déductions fiscales en 2011, puis en supprimant le forfait en 2013 et en augmentant les charges destinées aux organisations syndicales en 2014, les gouvernements successifs ont déstabilisé ce secteur.  Les mesures prises au nom des économies à réaliser enclenchent une « machine à perdre » comme le travail au gris ou au noir qui, en cette période difficile pour tous, intéresse, sans doute, aussi bien l’employeur que le salarié mais creusent les déficits sociaux et créent des futurs retraités pauvres.

En période de crise de l’État, la tentation est toujours grande lorsqu’on est au pouvoir de diminuer les aides visibles octroyées à un secteur... sans prendre en compte qu’à la crise des finances publiques s’ajoute la crise des ménages. Mais les conséquences d’une suppression d’allègement de charges mettent plusieurs années à être analysées et encore quand elles le sont ! Dans le PLFSS 2013, qui a supprimé la déclaration au forfait des salariés à domicile, un rapport d’impact devait être présenté aux parlementaires début 2014. Ce rapport n’a jamais été diffusé mais force est de constater, qu’après 3 ans de reculs répétés de l’emploi à domicile (-3,6% en volume horaire déclaré en 2014 et - 2,2% (après une baisse de 3,0%) sur un an en masse salariale nette), le gouvernement a décidé d’adopter en décembre dernier une réforme rétablissant certains allègements fiscaux.… mais en partie seulement.

En effet le gouvernement a choisi une mesure très partielle en doublant certes la déduction de cotisation patronale mais en la limitant aux gardes d’enfants de 6 à 13 ans et jusqu’à 40 heures de travail par mois (soit 9 h par semaine) et encore, hors congés payés et enfin, à condition qu’il soit déclaré par Pajemploi.

Cette nouvelle déduction ne s’appliquera donc pas aux heures de ménage ou de repassage ni aux heures au-delà des 40 h par mois (soit 9 h par semaine) et toujours pas aux heures réglées en congés payées, ce qui est une cachoterie bien chère pour les employeurs, sur le coût réel annuel d’un salarié.

Les dispositions envisagées permettent ainsi de compenser très partiellement des mesures antérieures qui avaient pu porter préjudice à l’emploi à domicile.

Pour le Gouvernement, il faut afficher et assurer un soutien mais dans un budget contraint, trouver les mesures les moins onéreuses pour les finances publiques.

Comme d’habitude en France on coupe le tuteur d’une branche qui s’épanouit et puis on s’étonne qu’elle casse, alors on remet un tuteur plus petit et qui ne soutient qu’une partie, avec des fils qui l’entortillent et l’obscurcissent. Ce qui fait que personne n’y comprend plus rien… et que les organismes de recouvrement sont dans l’obligation de développer de nouveaux outils déclaratifs et explicatifs, toujours plus complexes : à quels coûts ?

Aujourd’hui c’est donc Pajemploi qui doit intégrer une disposition déclarative supplémentaire : l’âge, non pas du capitaine mais des enfants et le nombre d’heures de travail pour appliquer un ou deux taux différents… En effet, le dispositif ne sera pris en compte qu’à la condition de déclarer son salarié qui garde un enfant de 6 à 13 ans via Pajemploi et moins de 40 h par mois.

Mais qui décidera quel sera le dispositif à appliquer aux familles qui évolueraient de un à plusieurs enfants qui ont eux « l’audace » de grandir et qui, de plus, emploieraient un salarié plus de 10 h par semaine ? Comment les familles vont-elles pouvoir intégrer ces modifications dans l’anticipation de leur budget ?

Est-ce que les familles qui ont déclaré un salarié pour leur enfant de plus de 6 ans par le CESU pour le 1er trimestre, bénéficieront de la rétroactivité ?

Une circulaire précisera ces nombreux points qui ne sont finalement que ce qui différencie l’extraordinaire inventivité des rédacteurs des textes qui nous régissent pour tenter de concilier des finalités contradictoires (soutenir un secteur et faire des économies) et la vraie vie.

Cette déduction complémentaire ne s’applique pas aux collectivités et départements d’Outre-mer qui, eux, conservent un taux de déduction de 3,70 euros par heure travaillée.

Le dispositif d’allègement propose donc ainsi 3 taux différents : 0,75 euros, 1,50 euro et 3,70 euros.

Une mesure de soutien à l’emploi est toujours une bonne nouvelle

Néanmoins, il serait temps que nos gouvernements arrêtent de faire le yoyo entre soutien et taxation et s’interdisent d’empiler les dispositifs, les seuils, les taux, les lieux et les âges des enfants, mesures qui coûtent très cher à expliquer, à comprendre, à déclarer, à contrôler et qui tuent l’emploi légal, parce ce que coûts trop élevés et complexité sont les ennemis de l’emploi et de l’emploi à domicile en particulier.


[1] Acoss Stat 15 avril 2015