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Zones tendues : la taxe sur le foncier non bâti amendée, mais attention pour 2017

La Fondation iFRAP s’était émue dans une note récente du 15 octobre 2015 des effets terriblement nocifs des majorations de la valeur locative cadastrale des terrains constructibles, instituées dans les zones tendues, notamment sous l’empire de la loi de finances rectificative n°2012-354 du 14 mars 2012, dispositif recentré par l’article 31 de la loi de finances rectificative pour 2014. Une disposition en particulier retenait l’attention : la majoration forfaitaire de 5 euros/m² instituée qui s’ajoutait à la majoration de 25% décidée dans le cadre du dispositif de « libération du foncier ». Sur ce point, une lettre du ministre des Finances, Michel SAPIN, en réponse à une saisine de la député de l'Essone Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, permet de dissiper tout doute et de procéder aux dégrèvements des montants de cotisation les plus choquants. Nous la reproduisons aujourd’hui en exclusivité. Malheureusement, l’ensemble des dispositions que nous voulions voir rapportées n’a pas été retenu par Bercy, ce qui pourrait obérer l’avenir.

Le mea culpa du gouvernement représente plutôt un jugement de Salomon 

La question de la majoration de TFNB en zone « tendue » avait abouti, voilà quelques mois après que les effets en aient été repoussés au 1er janvier 2015, à des situations fiscales individuelles explosives : majorations de 10 à 100% voire même 1000% du montant de la cotisation de TFNB due. En cause, une première majoration de 25% de la TFNB à laquelle s’ajoutait une majoration forfaitaire de 5 euros/m² pour les terrains zonés (impositions de 2014 et de 2015), puis de 10 euros/m² à compter de 2016. Nous avions pu récemment, avec documents fiscaux à l’appui de certaines situations particulièrement choquantes, montrer que non seulement la majoration en elle-même induisait des situations d’expropriation pures et simples, mais qu’en outre, un usage imparfait du PLU par certains maires indélicats, mettait même des entreprises en grande difficulté, alors même qu’elles se trouvaient en zones industrielles. Il s’en suivait donc des effets de bord particulièrement indésirables sur le tissu économique local, alors même que l’objectif du dispositif initial était au contraire d’encourager la construction de logements sociaux.

C’est dans ce contexte incertain visant près de 618 communes, que certains parlementaires se sont émus de la situation particulièrement difficile dans le cadre de la discussion de la loi de Finances rectificative pour 2015 n°2015-1786 du 29 décembre 2015. La question a été soulevée durant la 2ème séance du mercredi 2 décembre 2015 lors de la première lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale, et fera l’objet du dépôt de deux amendements parlementaires (n°64 et 97) ainsi que d’un amendement gouvernemental (n°679) lui-même sous-amendé (n°730).

Le compte-rendu des discussions vaut d’être cité :

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avons reporté à plusieurs reprises l’entrée en vigueur du dispositif. Nous l’avons circonscrit à 818 communes. Nous en avons exonéré les terrains agricoles. En somme, nous avons passé notre temps à corriger les effets d’un texte que vous aviez voté.

Quant à la majoration de 5 euros par mètre carré, c’est votre majorité qui l’a mise en place, madame Dalloz.

Pour autant, le Gouvernement, soucieux de rester dans des proportions équitables, a déposé cet amendement no 679.

Au titre de 2016, les effets de la majoration de plein droit seront en partie suspendus, afin de donner aux propriétaires le temps de prendre leurs dispositions. En effet, si vous adoptez cet amendement, seule la majoration de 25% de la valeur locative sera maintenue l’année prochaine : la majoration forfaitaire de 5 euros par mètre carré ne sera pas appliquée en 2016.

Pour la taxe foncière due au titre de l’année 2016, afin d’exonérer les plus petits terrains, qui ne se prêtent pas à des projets de construction d’envergure, la surface des terrains sera prise en compte après un abattement de 200 mètres carrés.

À compter de 2017, les aménagements apportés au dispositif permettront de mieux tenir compte des situations locales. En effet, nous proposerons, pour les impositions dues au titre de 2017 et des années suivantes, que la majoration de 25% soit supprimée et que le tarif de la majoration de plein droit soit fixé à 3 euros par mètre carré, en laissant aux collectivités la possibilité de moduler ce taux entre 1 euro et 5 euros par mètre carré. Si les collectivités locales le souhaitent, elles pourront supprimer la réduction de 200 mètres carrés, notamment si elles veulent lutter contre ce que l’on appelle entre nous les « dents creuses », que certains souhaitent voir comblées, en particulier dans les zones tendues.

En outre, afin que les propriétaires concernés puissent prendre leurs dispositions pour bâtir ou céder des terrains, l’avis de taxe foncière 2016 les informera de cette réforme, qui permettra d’arriver à une situation plus équitable.

J’indique par avance que le sous-amendement no 730, que Mme la rapporteure générale s’apprête à vous présenter, recueillera un avis favorable du Gouvernement, puisqu’il traite de la situation et des dégrèvements possibles pour l’année 2015.

La disposition modificatrice sera codifiée une première fois dans l’article 25 quinquiès, puis au travers de l’article 62 de la loi de Finances rectificative 2015 définitive.

Il en ressort que les arbitrages adoptés sont en définitive objectivement importants mais limités :

  • D’une part, la majoration de 25% est conservée, mais la majoration forfaitaire est annulée pour les années 2015 et 2016, et cette suppression prend la forme « d’un dégrèvement accordé à tous les contribuables » ;
  • D’autre part, à compter de 2016 un abattement de 200 m² est pratiqué avant application de la majoration forfaitaire afin de tenir compte des petits terrains (jardins, etc.) ;
  • Enfin, à compter de 2017, la majoration de 25% est quant à elle supprimée (alors que c’était elle qui pesait le moins), tandis que les maires retrouvent la faculté d’appliquer et de moduler éventuellement à la hausse une majoration forfaitaire de plein droit de 3 euros/m² qui pourra évoluer au gré des arbitrages municipaux (majoration ou minoration sur délibération) entre 1 et 5 euros/m². Par ailleurs, l’abattement sur 200 m² introduit à compter de 2016 pourra en 2017 être rapporté s’agissant de la majoration de plein droit ou de la majoration (ou minoration) sur délibération du conseil municipal (ou intercommunal).

Une victoire partielle, qui ne préjuge pas de l’avenir 

Soucieux de désamorcer un dispositif particulièrement décrié sans vouloir pour autant se désavouer, la majoration de 25% sera maintenue jusqu’en 2017 puis disparaîtra, tandis que l’imposition forfaitaire de plein droit la plus injuste, notamment pour les grandes parcelles, disparaîtra opportunément juste avant les élections présidentielles pour réapparaître seule ensuite, avec possibilité de retour à la situation théoriquement présente en 2015 (jusqu’à 5 euros/m²), sans atteindre les sommets confiscatoires prévus jusque là pour 2016 (avec 10 euros/m²).

Dans ces conditions, les propriétaires sont aujourd’hui largement épargnés, mais pour peu de temps. D’ici deux ans, les mêmes problèmes se reproduiront à l’identique, alors même que la majorité présidentielle et législative auront éventuellement évolué.

Par ailleurs, les autres éléments constitutifs des cas les plus paroxystiques, notamment s’agissant des entreprises, ne sont pas substantiellement modifiés. Le fait de préciser que l’application des majorations dans les zones tendues devait impérativement à peine d’erreur manifeste d’appréciation, s’entendre comme respectant les PLU, n’a pas été retenue. Ce qui devrait simplement reporter de deux ans des difficultés pourtant bien identifiées en 2015. Wait and see.