Vers une charge de la dette à 3 % du PIB ?
Quand on se permet l'outrecuidance de tirer la sonnette d'alarme sur la charge de la dette , on nous dit qu'on a tout faux. Et même plus : qu'avec la période d'inflation que nous vivons, la charge de la dette ne va pas être de plus en plus lourde mais de plus en plus légère car elle augmenterait moins vite que la richesse nationale et les recettes publiques ?
Si le taux apparent (moyen constaté) de la dette publique est aujourd'hui faible avec 1,25 %, c'est le résultat d'une très forte baisse commencée depuis 1996 où il était de 6,6 %. Depuis 2010, la charge d'intérêt a baissé de 20 milliards d'euros alors que l'encours de dette a doublé. Cela a été rendu possible, notamment, par la politique ultra-accommodante de la Banque centrale européenne pour faire face aux crises. Mais aussi grâce à la chute de l'inflation. Mais ce temps-là est révolu : même si la BCE n'affiche pas encore clairement les dates de remontées des taux, on part a priori pour 2 hausses en 2022 et une au premier trimestre 2023.
Tout dépend de l'évolution du taux à 10 ans de la dette
La Fondation iFRAP a voulu expertiser le sujet en chiffrant deux scénarios avec une croissance moyenne de 1,8 % d'ici à 2027 et une inflation moyenne autour de 3 % sur la période. Si l'on considère un scénario plausible où le taux sur la dette serait à 10 ans de 2 % en 2023, puis 2,5 % en 2024 et jusqu'à 4 % en 2027, on aurait une charge de la dette de 124 milliards en 2027 soit 3,6 % de la richesse nationale française. Ou l'équivalent de la dépense d'enseignement. Si l'on considère maintenant un scénario plus catastrophique dans lequel le taux à 10 ans de la dette française monterait à 5 % en 2027, la charge de la dette arriverait alors à 159 milliards d'euros par an, soit 4,6 % du PIB.
Le taux apparent de la dette française monterait dans le scénario plausible à 3,17 % en 2027 et à 4,17 % dans le scénario catastrophe. Mais il y a un risque supplémentaire que les divers commentateurs du sujet ne prennent pas en compte : nous avons 11 % de notre dette publique indexée sur l'inflation (ce qui est très élevé en zone euro). A chaque fois que l'inflation prend un point, cela coûte environ 2 milliards d'euros de plus à nos finances publiques par an.
La France pourrait même se retrouver avec une charge d'endettement singulièrement plus lourde à cause d'une augmentation du volume de dette indexée … Dans le scénario catastrophe, si les obligations assimilables du Trésor (OAT) indexées sur l'inflation venaient à représenter beaucoup plus que 11 %, alors la charge de la dette en 2027 pourrait représenter plus de 5 % de notre richesse nationale. Autant dire que le financement de notre déficit public serait alors totalement hors de contrôle. A court terme toutefois, il est probable que le Trésor choisisse, comme en 2020, de nourrir le besoin de financement via la souscription massive de BTF (maturité inférieure à 1 an). Mais cette politique ne peut pas se poursuivre à moyen terme.
Jusqu'à une tutelle financière de la Commission ?
Forts de ces constats, préparons-nous à ce que la charge de la dette puisse atteindre, à la fin du quinquennat qui commence, 3 % du PIB (et plus !). La France serait alors en grande difficulté, quel que soit le niveau du solde primaire (hors service de la dette). Il y aurait alors un risque de crise qui pourrait entraîner des ponctions sur l'épargne des Français, le blocage des assurances-vie , des créations d'impôts exceptionnels et des coupes dans les dépenses que nous n'aurions pas nous-mêmes choisies. Cela pourrait même aller, dans le pire des cas, jusqu'à une tutelle financière de la Commission européenne ou de la BCE pour la France car le risque pour l'union monétaire serait très élevé.