Tests de sensibilité et analyses autour du PLF 2016
Dans la continuité de notre étude d’octobre 2015, nos conclusions sur PLF 2016 sont les suivantes (à voir aussi en une de l'édition de l'Opinion du 28 octobre). Dans notre réplication du scénario PLF 2016, le solde des administrations publiques s’établirait à -3,24 points de PIB (72,3 milliards d’euros) en 2016, -2,7 points de PIB (-61,9 milliards d’euros) en 2017 et -1,76 point de PIB en 2018 (-41,8 milliards d’euros). Le solde primaire ne redeviendrait positif qu’en 2018. Et le poids de la dette dans le PIB ne connaîtrait également son retournement qu’en 2018.
Le retour vers l’équilibre des finances publiques envisagé paraît désormais porter davantage sur des économies de dépenses. Le ratio des dépenses publiques en points de PIB passant ainsi de 57,2% en 2015 à 56,6% en 2016 et 55,2% en 2018 alors que le poids des recettes publiques en points de PIB stagne entre 2015 et 2018 (53,5%). Concernant les tests de sensibilité réalisés sur certaines des hypothèses économiques du PLF qui nous paraissent trop favorablement aider au retour à l’équilibre :
- Une inflation un peu plus faible que prévu (0,7% de progression de l’IPC en lieu et place de 1% en 2016 comme dans le PLF) détériorerait le solde public de 600 millions d’euros en 2016 (-0,03% de PIB) et d’encore 320 millions en 2017.
- Une demande mondiale moins forte qu’envisagé dans le PLF (progression de 4,6% plutôt que 5,2%) occasionnerait une détérioration du solde public de 1,4 milliard d’euros en 2016 (-0,06 du PIB) et 2,4 milliards d’euros en 2018.
- Une masse salariale privée moins dynamique qu’envisagé dans le PLF (progression de 2,1% plutôt que 2,8% du fait d’une progression plus faible du salaire moyen par tête) déboucherait sur une détérioration du solde public de 3,7 milliards d’euros en 2016 (-0,17% du PIB) et -4,5 milliards d’euros en 2018 (-0,19% du PIB).
Si tous les risques analysés (plus faible demande mondiale, plus faible progression des prix, moindre dynamisme de la masse salariale privée, se matérialisaient ensemble en 2016, on peut estimer, sur la base des tests réalisés, que le solde public serait dégradé de 5,75 milliards d’euros (0,26 point de PIB) en 2016 et encore 6,7 milliards d’euros en 2018 (0,28 point de PIB).
Et donc, en 2016, 3,56% du PIB en déficit public au lieu des 3,3% annoncés par le gouvernement.
L’analyse de ces différents risques montre que la projection des rentrées fiscales et sociales (taxes et cotisations) est assez sensible à ces hypothèses. Si l’ensemble des risques considérés venait à se réaliser, le solde public serait détérioré de 0,26 point de PIB (5,75 milliards d’euros) en 2016, soit la moitié de l’effort d’amélioration du solde public envisagé pour 2016 (passage d’un solde public de -3,73% à -3,24% du PIB) et un montant équivalent à la totalité de l’effort réalisé en 2015 (passage d’un solde public de -3,93% à -3,73% du PIB). Certaines des hypothèses « optimistes » du PLF rendent probable que les recettes soient moins dynamiques qu’escompté (notamment les cotisations sociales ce qui pèserait sur l’équilibre du compte des administrations de Sécurité sociale). Si la trajectoire de retour vers l’équilibre du solde public qui figure dans le PLF 2016 et le programme de stabilité 2015-2018 était maintenu, ces moindres rentrées de prélèvements obligatoires devraient déboucher sur des suppléments d’économies de dépenses publiques.
En matière d’ampleur de l’ajustement structurel, notre réplication du scénario gouvernemental (PLF2016 et Programme de stabilité 2015-2018) fait apparaître un ajustement structurel de 0,47% du PIB en 2016, à 0,50% du PIB en 2017 et 0,58% en 2018. Cependant, cette apparente adéquation avec les obligations européennes (nécessité d’un ajustement structurel de 0,50% par an) est assez fragile :
- Dans le cadre d’un scénario économique « rigoriste » qui verrait se manifester les trois risques analysés dans nos tests de sensibilité, la croissance du PIB serait inférieure à celle du scénario central en 2016 puis supérieure en 2017 et 2018 tandis que le solde public serait dégradé. Il en ressort que l’ajustement structurel ne serait que de 0,24% du PIB en 2016, 0,39% en 2017 et 0,44% en 2018. Sur la période 2015-2018, la prise en compte d’hypothèses moins « optimistes » en matière d’inflation, de masse salariale privée et de demande mondiale, débouche sur le constat d’un moindre effort structurel de 0,50% en trois ans (11 milliards d’euros).
- Nous devons rappeler qu’à l’occasion du Programme de stabilité 2015-2018, le Gouvernement français a revu à la hausse sa trajectoire de croissance potentielle par rapport à celle de la LPFP 2014-2019, ce qui détériore le solde conjoncturel et aboutit à considérer que l’amélioration du solde public est davantage un effort structurel. Les différences d’ajustement structurel lorsqu’on retient la croissance potentielle de la LPFP 2014-2019 sont de -0,12% du PIB en 2016 et 2017 et -0,08% en 2018. Sur la période 2015-2018, le remplacement de la trajectoire de croissance potentielle de la LPFP 2014-2019 par une trajectoire plus élevée renforce donc l’apparence de l’ajustement structurel de 0,32% (7 milliards d’euros).
- Si on tient compte des deux redressements effectués (celui du niveau de la croissance potentielle et celui associé au scénario économique), l’ajustement structurel n’est plus que de 0,12% du PIB en 2016, 0,27% en 2017 et 0,36% en 2018. Dans ce cadre-là, pour que les ajustements structurels des trois prochaines années soient au moins égaux aux exigences de la Commission européenne (effort structurel de 0,5% du PIB par an), il faudrait un supplément d’ajustement structurel de 0,75% du PIB (soit 16,5 milliards d’euros : 7,9 milliards d’efforts en 2016, 5,4 milliards en 2017 et 5,2 milliards en 2018).