Taux du Livret A à 0,75% : 465 millions d'intérêts en moins
La décision du gouvernement est tombée : le taux du Livret A et des autres livrets similaires restera à 0,75% au lieu du 1% prévu. Un mode de calcul automatique avait pourtant fini par être décidé en 2003 puis modifié en 2016 pour mettre fin à des simagrées inutiles et coûteuses. Une échappatoire était naturellement prévue pour pouvoir intervenir en cas de crise majeure, ce qui n’est pas du tout le cas actuellement. Mais c’était sans compter avec le sentiment de pouvoir que procure l’intervention des responsables sur un sujet qui concerne des dizaines de millions de personnes.
Pour prendre une décision aussi minime (non augmentation de 0,25%) et valable seulement 6 mois, les services de la Banque de France ont travaillé jusqu’au niveau du gouverneur, ceux du ministère des Finances aussi, jusqu’au cabinet du ministre et au ministre lui-même, avec les feux verts des cabinets du Premier ministre et du président de la République, et sans doute les approbations d'Édouard Philippe et d’Emmanuel Macron. Les banques et les assurances ont aussi été consultées, et surtout la puissante Caisse des dépôts et consignations très concernée par ce sujet.
Pourquoi
Les conséquences de cette décision semblent minimales pour les Français. Un livret de 10.000 euros verra son revenu réduit de 12,5 euros en six mois, mais au total, les déposants des 372 milliards d'euros seront privés de 465 millions d'intérêts. Une somme qui devrait logiquement être ajoutée au compte des prélèvements obligatoires. L’idée que cette mesure va favoriser le financement du logement HLM en réduisant le coût des prêts de la CDC, est un argument populaire mais faible. Les taux sur le marché libre sont déjà très bas et les organismes HLM disposent de plus de capitaux qu'elles ne sont capables d'utiliser. En fait, ce prélèvement sur les épargnants va surtout profiter à la Caisse des dépôts et consignations1]. La Caisse avait obtenu en 2012 et 2013 un quasi doublement du plafond du Livret A et s’était battue pour en conserver la plus grande part centralisée. Mais cet afflux de capitaux est devenu beaucoup moins intéressant pour la Caisse quand les taux sur le marché libre sont devenus très bas, voire parfois négatifs.
Conclusion
La formule « dans chaque niche fiscale ou sociale, il y a un chien qui mord » est très populaire, indiquant que les particuliers et les entreprises qui bénéficient d’avantages, les défendent âprement. Mais cette formule amusante ne dit pas que devant chaque niche et son chien, veillent un ensemble de politiques et de fonctionnaires dont le pouvoir se manifeste dans la manipulation des différents leviers des niches. Beaucoup de contribuables préfèreraient simplement payer moins d'impôts, plutôt que l'Etat leur rende ensuite, par l'intermédiaire des niches, une partie de ce qu'ils ont payé. Mais les gardiens publics des niches n’ont qu’elles pour exister : les quinze plans différents d’aides à l’investissement locatif (du Robien au Pinel) ont par exemple offert la notoriété à quinze ministres et une occupation intéressante à de très nombreux fonctionnaires.
Les manipulations microscopiques du taux du Livret A, la fixation des dates des soldes pour chaque département, les tergiversations (bientôt illégales) sur les prix administrés de l’électricité et du gaz, ou le pouvoir de déterminer le montant des loyers des logements, quartier par quartier, reviennent au même symptôme : je décide donc je suis.
De très nombreux problèmes de fond (chômage, déficits, formation, sécurité intérieure et extérieure) devraient requérir toute l'attention de l'Etat, plutôt que celui-ci ne se laisse distraire par les décimales du taux d’intérêt du Livret A. Sur ce sujet précis, une mesure simple et équitable aurait été de réduire le plafond du Livret A, encourageant du même coup les investissements dans des placements plus productifs.
[1] (et marginalement aux banques)