Tribune

L’absence de contrôle de nos finances publiques plombe notre destin

Urgence. Pour sortir de la spirale l’endettement, l’État doit dès aujourd’hui revoir à la baisse ses coûts de fonctionnement

Cette tribune a été publiée dans le journal Le Point le vendredi 11 avril 2025

Il y a un moment où la dégradation des finances publiques devient mortifère. Nous avons dépassé en France ce moment. Ce n’est pas l’ampleur des chiffres budgétaires qui devrait nous inquiéter. C’est que notre avenir est en jeu. Il y a 20 ans, le service de notre dette publique (paiement des intérêts) était de 47,8 milliards d’euros par an. Mais ce poids pourrait doubler dans un proche avenir. Nous consacrons maintenant 58 milliards d’euros au service de la dette. Dans 2 à 3 ans, si rien n’est fait, nous en serons à 98 milliards par an.

Et comment payons-nous cette dépense colossale ?

Par plus d’emprunts, bien évidemment. Car chaque année, nous laissons grossir notre dette publique. Depuis 2017, nous en avons accumulé plus de 1000 milliards d’euros supplémentaire. Plus de 200 milliards rien qu’en 2024 ! Soit 500 millions d’euros par jour de dette en plus. Par rapport à notre PIB, notre dette publique est aujourd’hui à 113% contre 50 à 60% il y a 20 ans. Un doublement ! Depuis 2022, nous avons laissé en moyenne notre dépense augmenter d’environ 60 milliards d’euros par an. Et, par rapport à la richesse nationale, la dépense publique en France ne baisse pas, mais augmente, passant de 56,9% en 2023 à 57,1% en 2024.  Et il n’est pas impossible que, contrairement aux annonces, la dépense continue de grimper en 2025.  Ce qui est frappant, c’est que la dépense votée par le Parlement en loi de Finances initiale est systématiquement largement dépassée : 95,8 milliards d’euros de plus en 2022, 27 milliards de plus en 2023 et 32 milliards de plus en 2024. On voit bien que ce ne sont pas seulement les prévisions de recettes des impôts, taxes et cotisations sociales qui sont erronées, mais aussi bel et bien les prévisions de dépenses !  On essaye bien de lever des impôts pour financer ce « mur de l’endettement ». Mais nos prélèvements obligatoires (les plus élevés de l’Europe) n’y suffisent pas. Nos budgets sont donc votés en déficit. Et ce depuis 50 ans. Ce déficit ne devrait jamais dépasser 3% du PIB selon nos engagements de Maastricht. Mais nous en sommes à 5,8%. Encore près du double ! Or, un déficit de 5,8 points de PIB quand la croissance économique à 0,7% et l’inflation autour de 1,5% et que nous empruntons sur le marché à 3,5% à 10 ans est une équation impossible à tenir à moyen terme. Par ailleurs, dès à présent, les milliards supplémentaires qui passent dans le financement de la dette ne financent pas nos politiques publiques. Rien qu’entre 2023 et 2024, c’est 7,4 milliards d’euros de plus qui ont été stérilisés par l’augmentation du service de la dette. 

Terrible constatation pour notre pays !

La cause fondamentale de ce glissement fatal avec « toujours plus de dettes » résulte de l’excès de nos dépenses publiques. Nous dépensons 8 points de PIB de plus que la moyenne des pays de l’Union européenne. Soit 230 milliards d’euros de plus par an ! Peut-on réduire cette dépense publique sans porter atteinte aux spécificités du modèle social français ? Et tout en augmentant la qualité de nos services publics ?  La réponse est oui ! Il suffit de lire nos deux derniers ouvrages qui proposent toutes les solutions pour s’en sortir par le haut avant que d’autres ne nous imposent des potions beaucoup plus amères. Si nous ne renversons pas la pente actuelle, dans quelques années, nous ne pourrons plus payer les fins de mois et nos échéances d’endettement public. Les coûts d’intérêts seront devenus abyssaux. Il faut donc agir aujourd’hui même. Ce que nous constatons est loin des enjeux. Il faut se fixer comme cap une réduction volontaire, et soutenue de la dépense publique. L’Allemagne avec 15 millions d’habitants de plus que la France a 5 millions de fonctionnaires alors que nous en avons 5,7 millions. Mais l’Allemagne a une dette maîtrisée alors que la nôtre ne fait que croître. Nos coûts bureaucratiques sont 50 milliards d’euros plus chers par an par rapport à nos voisins d’Outre-Rhin. L’effort de baisse de la dépense doit toucher en priorité les coûts administratifs. 

Le redressement est possible comme nous l’avons démontré. Encore faut-il s’y mettre !

Jacques de Larosière Gouverneur Honoraire de la Banque de France, ancien Directeur général du FMI, auteur de Le Déclin français est-il réversible ? Renverser la table et sortir de la servitude aux Editions Odile Jacob

Agnès Verdier-Molinié, Directrice de la Fondation IFRAP pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques, auteur de Face au mur Les solutions pour s’en sortir aux Editions de l’Observatoire.