Recettes fiscales : où sont passés les 100 milliards de G. Carrez ?
Au voleur. Qui est parti avec les 100 milliards cumulés sur 10 ans du budget de l'Etat ? Gilles Carrez, le Rapporteur général du budget est sur le sentier de la guerre pour les retrouver. « La France a accumulé, depuis 2000, les baisses d'impôts, sans les gager par des réductions de dépenses ». Mais au lieu de proposer de réduire le « train de vie de l'Etat », la solution avancée serait d'augmenter les recettes fiscales afin d'éponger la différence.
Explications :
L'État aurait perdu entre 100 et 120 milliards d'euros de recettes fiscales, "environ les deux tiers étant dus au coût net des mesures nouvelles - les baisses d'impôts - et le tiers restant à des transferts de recettes aux autres administrations publiques" précise Gilles Carrez. La solution ? Augmenter le taux de prélèvements obligatoires plutôt que de vraiment tailler dans les dépenses, et récupérer un maximum de recettes sur IR, IS et ISF. Le député chiffre par exemple les baisses d'impôt sur le revenu qui représenteraient “environ la moitié des diminutions d'impôts d'État entre 2000 et 2009″ et leur impact sur le budget général de l'État en 2009 “entre 33 milliards d'euros et 41,5 milliards d'euros (soit entre 1,7% et 2,2 % de PIB)”.
La solution du Rapporteur ? Faire évidemment le coup de rabot le plus large possible sur les niches fiscales et récupérer des recettes pour l'Etat. La vision du Rapporteur général du Budget est évidemment très orientée sur les recettes, selon lui insuffisantes, de l'Etat. Mais, en réalité, sur la période 2000-2008 (2009 étant une année à part), on a vu les recettes fiscales nettes de l'Etat passer de 243,5 milliards à 265,1 milliards. Ces recettes de l'Etat ont donc bel et bien augmenté de 144 milliards entre 2000 et 2008 en euros courants et en cumulé. Dans le même temps, le budget de l'Etat passait de 253 milliards à 285 milliards.
Cependant, pendant que les recettes fiscales de l'Etat ne grimpaient pas assez vite, les recettes des collectivités et de la sécurité sociale grimpaient, elles, à un rythme soutenu (voir courbes ci-dessous) pour couvrir la flambée de leurs dépenses respectives (voir notre article sur les dépenses des collectivités). Et l'Etat jouait les « pompiers en dernier ressort » en transférant aux collectivités et à la « Sécu » entre 32,9 et 41,6 milliards d'€ de recettes supplémentaires, mais sans réduire ses dépenses et continuait, moins vite il est vrai, à alourdir sa charge (dont plus de 40 % sont toujours des dépenses de personnels).
Entre 2000 et 2008, le taux de prélèvements obligatoires est effectivement passé de 44 % à environ 43 % mais, quand on regarde sur une période plus longue (voir courbe ci-dessous), on comprend que, entre 1974 et 2007, le taux de prélèvements obligatoires a pris 10 points supplémentaires en France. En 2000, le montant des prélèvements obligatoires était de 653 milliards, 8 ans plus tard, il atteignait 845,7 milliards.
Le montant des prélèvements obligatoires s'est donc considérablement alourdi entre 2002 et 2008 avec + 23 % en euros courants. Sur la même période, le PIB a augmenté de 26 % passant de 1441 milliards à 1950 milliards d'euros mais il faut souligner que, au même moment, la part des dépenses publiques est passée de 51,7 % à 55,5 % entre 2000 et 2009. Une part de l'augmentation du PIB est directement liée à l'augmentation des dépenses publiques. En effet, la valeur ajoutée des services administrés (calculée au coût de production) a progressé de 40 % en euros courants contre 30 % seulement pour la valeur ajoutée de l'industrie et des services entre 2000 et 2009. Mécaniquement, la part du secteur marchand producteur de recettes fiscales décroît ainsi sur cette période dans le PIB.
Et dans le reste du monde ?
La charge fiscale globale représentait 39,8 % du PIB dans l'Union Européenne en 2007. Par rapport au reste du monde, la pression fiscale demeure généralement élevée en Europe, dépassant celle des États-Unis et du Japon de quelque 12 points de pourcentage.
La France est donc encore bien au-dessus de la moyenne en ce qui concerne son taux de prélèvements obligatoires par rapport au PIB. On peut comprendre qu'en période de crise, il soit difficile de tenir la promesse de passer le taux de 44 % à 40 % mais le problème de Gilles Carrez et, avec lui, du Trésor et du Budget qui ont fourni ce « travail remarquable » sur le chiffrage des 100 milliards disparus, est non pas de faire augmenter les recettes en priorité mais, d'abord, de baisser les dépenses.
Rappelons-nous l'épisode délirant de la cagnotte : la baisse des dépenses ou le désendettement sont toujours la dernière roue du carrosse. Malgré une recherche approfondie pour accuser les baisses d'impôts et les transferts de notre désastreuse situation budgétaire, les arbres ne grimpent pas jusqu'au ciel et tous les contribuables solvables se seront envolés avant que le taux de prélèvements obligatoires ne rejoigne notre taux de dépenses publiques dans le PIB. Pour juguler l'effet de ciseau : il n'y a plus qu'à couper…