Quand le basculement du CICE en baisse de charges fait exploser la recette de l’impôt sur les sociétés
La note du Macronomètre de cette semaine : 4/10 sur l'évolution de l'impôt sur les sociétés d'ici 2020.
Les entreprises vont payer 16,4 milliards d’euros de plus d’impôt sur les sociétés en 2020. Difficile de comprendre cette envolée, car il y aura bien une hausse de la recette liée à la transformation du CICE en baisse de charges (logique), mais elle ne sera que de 9,6 milliards seulement selon les documents budgétaires.
Il y a - en sens inverse - la baisse du taux d’Impôt sur les sociétés (IS) en 2020 qui passe à 28% pour les entreprises ayant un résultat fiscal de moins de 500.000 euros et reste à 31% pour les autres… et ce pour 2,5 milliards de baisse de l’IS. Cette baisse devait être initialement de -4,4 milliards si on avait baissé le taux d’IS pour toutes les entreprises à 28%.
4,6 milliards de hausse inexpliqués de l’IS en 2020
On a donc environ 10 milliards de hausse de l’IS en plus. Le gouvernement reconnaît que la transformation du CICE en baisse de charges implique un effet mécanique de « retour » d’IS d’environ 4,7 milliards dus au fait que, quand les charges baissent, le bénéfice taxable à l’IS augmente d’autant. Restent toutefois 4,6 milliards de hausse inexpliqués de l’IS en 2020.
Le gouvernement et Bercy ont beau nous dire que les hausses complémentaires viennent de l’évolution spontanée de l’IS (+12,2% alors que la hausse spontanée en 2019 était beaucoup plus faible) et de la moindre utilisation des niches fiscales, on a du mal à y croire. Sauf si on reprend la chronologie des faits.
Le CICE a été basculé en baisse de charges en 2019 mais seulement à 6% de masse salariale et non à 7% comme en 2017 (effet sur les recettes en 2018 de 4 milliards en moins). La baisse de charges est donc moindre que ce qu’elle aurait dû être si le gouvernement s’était calé sur le CICE à 7%. Il en résulte cependant un « retour d’IS » permanent minoré à compter de 2019.
Mais il y a un autre effet non pris en compte, qui est la baisse progressive des créances sur l’IS du CICE restant à liquider : 21 milliards en 2019 mais encore 8,3 milliards en 2020 puis 6,8 en 2021 pour tomber à 1,9 en 2023.
Le gouvernement a sous-calibré sciemment les baisses de charges nettes de retour d’IS. Cela ne se voit pas trop en 2020 mais cela se verra de plus en plus car les créances d’IS encore à valoir vont fondre dans les prochaines années et la recette d’IS augmenter d’autant. Dit autrement, le produit net de l’IS va se rapprocher de son produit brut.
En 2023, les baisses de charges seront toujours de 22 milliards mais les recettes d’IS auront vraisemblablement gagné mécaniquement 7 milliards… Non seulement le gouvernement ne s’est pas calé sur des baisses de charges de 7%, non seulement il a ralenti la baisse d’IS mais encore il récupérera un tiers des baisses de charges dans la recette d’IS d’ici la fin du quinquennat. Du grand art budgétaire.
Un « jackpot » pour 2020 et les années à venir
On l’aura compris, la très grande imbrication des facteurs en jeu (fin du CICE, retour d’IS, baisse du taux d’IS, baisse des créances dues sur le CICE…) concourt à brouiller la dynamique de l’IS. Retenons cependant que la bascule CICE/baisse de charges entre 2019 et 2020 aboutit à une croissance de l’IS de près de 16,4 milliards d’euros, dont 14,3 milliards lui sont directement imputables en 2020. Si Bercy avait voulu gommer les effets inflationnistes complémentaires de 4,6 milliards sur la recette 2020, il aurait dû, non pas ralentir mais accélérer la baisse du taux d’impôt sur les sociétés de façon à compenser les retours d’IS liés à l’extinction du CICE à valoir, et tenir son engagement d’une accélération du CICE à 7% de la masse salariale. En sous-calibrant les baisses de charges et en reportant la baisse de taux d’IS, c’est donc le « jackpot » assuré pour 2020 et pour les années à suivre.
Le paradoxe ? Nous aurons certes un taux d’IS à 25% mais un rendement de l’IS à plus de 50 milliards d’euros par an à horizon 2023… Un doublement de l’IS quand les charges n’auront pas baissé d’autant.