Actualité

Programme de stabilité 2019-2022 : où est passée l’ambition ?

Tous les mercredis, avant le Conseil des ministres, Le Macronomètre, l'observatoire des réformes du gouvernement, lancé par la Fondation iFRAP, attribue une note aux réformes d'Emmanuel Macron. La note de la semaine du Macronomètre est présentée dans le Figaro. Cette semaine : 4/10 sur le programme de stabilité 2019-2022.

La France vient de transmettre son programme de stabilité 2019-2022 à la Commission européenne. Les fondamentaux macroéconomiques prévisionnels de ce programme sont raisonnables (hypothèse de croissance potentielle et écarts de production) comme le relève le HCFP (Haut conseil des finances publiques) et en accord avec le consensus des conjoncturistes. Cependant, la trajectoire des finances est établie par le gouvernement indépendamment des conclusions du grand débat national et des mesures «gilets jaunes» de décembre, et sans prendre en compte les conséquences potentielles, sur la croissance, d’un Brexit dur (0,3 point de PIB, CEPII) pour la France.

Dans cette programmation, la croissance a globalement été revue à la baisse par rapport au PLF 2019, passant de 1,7% en moyenne sur la durée restante du quinquennat à 1,4%. Mais pour aboutir à une croissance 2019 de 1,4 point de PIB, encore faudra-t-il accumuler une croissance trimestrielle moyenne de 0,4 point. Or l’INSEE, le 30 avril, a relevé pour le premier trimestre 2019 une croissance de 0,3 point. Si la France résiste bien pour le moment au ralentissement de la croissance européenne, nous ne sommes pas certains d’atteindre 1,4 point de croissance en 2019.

Le programme de stabilité du gouvernement surévalue clairement la charge de la dette et se laisse ainsi des marges de manœuvre. Il faut noter un écart de l’ordre de 0,3 point de PIB entre la prévision de l’exécutif français et la Banque de France à horizon 2021. Soit la possibilité pour le gouvernement d’afficher 7 milliards d’euros d’économies « faciles » en 2022.

En valeur, la croissance de la dépense publique ne serait que stabilisée et non freinée, croissant de 1,8% en moyenne entre 2019 et 2022 et retrouvant en 2022 son rythme de 2019 (+1,9%). Par ailleurs, à compter de 2020 des efforts inédits (réalistes ?) sont prévus dans le freinage des dépenses des collectivités (passage de 2,7% à 0,9% de croissance des dépenses en valeur) et de la sécurité sociale (passage de 2% de croissance à 1,6%).

Un programme de stabilité sans marge de manœuvre

Cette volonté de ne pas produire d’économies supplémentaires conduit le gouvernement à présenter un programme de stabilité sans marge de manœuvre. On sait par ailleurs que les annonces du président de la République à l’issue du grand débat national pourraient représenter un coût net estimé à 6 milliards d’euros en 2022 (baisse de l’IR, ré-indexation des pensions, l’abandon possible de l’objectif de -120.000 postes de fonctionnaires à horizon 2022 et le coût de l’embauche de 10.000 professeurs des écoles en cas de "dédoublement de classes jusqu’en CE1", qu’il reste à couvrir par des baisses de dépenses, et des suppressions de niches fiscales, voire d’augmentation du temps de travail non documenté. Enfin, le déploiement de certaines mesures est aujourd’hui décalé, impactant à la baisse les comptes publics : décalage de la « contemporanéisation » des aides au logement (-550 millions d’euros) et retard dans la mise en place des nouvelles règles d’indemnisation chômage (au moins -1 milliard d’euros).

L’ajustement structurel théorique de 0,6 point sur le déficit public annuel dans le volet préventif du pacte de stabilité n’est clairement jamais atteint sur l’ensemble de la trajectoire. Dans ces conditions, il est fort probable que les cibles de déficit effectif, de solde structurel et de dette, soient purement et simplement enfoncées. Dans ces conditions, la dette pourrait bien dépasser les 100% du PIB dès 2020, ce qui nous éloignerait durablement de nos engagements européens.