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Pourquoi la France est à -629 milliards en position extérieure nette ?

La balance des paiements de la France très dégradée à cause de la dette publique

La balance des paiements est un état statistique qui rassemble et ordonne sous une forme comptable l’ensemble des flux de transactions économiques et financières d’une économie avec le reste du monde au cours d’une période donnée. Les flux économiques et financiers représentatifs de ces transactions sont répartis en distinguant le compte de transactions courantes, le compte de capital et le compte financier.

En dépit de son appellation, la balance des paiements n’a plus vocation à rendre compte des paiements, mais des transactions entre résidents et non-résidents. Elle est présentée suivant les règles de la comptabilité en partie double. Elle est donc toujours équilibrée, chaque transaction, financière ou non financière  avec un non-résident ayant nécessairement pour contrepartie une variation d’avoir ou d’engagement vis-à-vis des non-résidents.

Dans le cas le plus simple, une exportation ou une cession de titres par les résidents se traduit, en contrepartie, par une augmentation de leurs avoirs (par exemple, des dépôts des résidents auprès de banques non résidentes) ou par une diminution de leurs engagements (par exemple un remboursement d’avances précédemment obtenues auprès de banques non résidentes).

La position extérieure de la France retrace, à la date d’arrêté, l’ensemble des stocks de créances et d’engagements des résidents vis-à-vis des non-résidents. Les créances ou avoirs sont ajoutés, les dettes ou engagements retranchés. Elle fournit ainsi des indications sur le montant et la structure du patrimoine financier des résidents en actifs étrangers et des non-résidents en actifs français. À la différence de la balance des paiements, la position extérieure de la France retrace les encours (créances ou engagements) et non les transactions.

La position extérieure représente le patrimoine ou l’endettement net de la Nation vis-à-vis du reste du monde. Alors que la balance des paiements retrace des flux, la position établit des stocks (encours)

  1. La balance des paiements est composée de plusieurs soldes qui relatent nos relations avec le reste du monde.
  • Le compte des transactions courantes :

Le compte des transactions courantes retrace : 

La somme des échanges internationaux de biens et de services. Un solde négatif (balance commerciales) indique que la valeur des importations est supérieure à celle des exportations 

Les revenus primaires comme les salaires ou les revenus des investissements. Par exemple, les profits d’une entreprise étrangère implantée en France et rapatriés dans le pays d’origine apparaissent comme débit dans les revenus primaires. À l’inverse, le salaire d’un Français allant chaque jour travailler en Suisse ou au Luxembourg apparaîtrait au crédit des revenus primaires.

Enfin, les revenus secondaires qui représentent l’aide internationale et les envois d’argent à l’étranger, les accords internationaux de prestations sociales, les transferts…

  • Le compte de capital :

Le compte de capital retrace les achats ou ventes d’actifs non financiers, comme les brevets ou les droits d’auteur. 

La somme des soldes du compte courant et de capital correspond à la capacité ou au besoin de financement de la nation dans les comptes nationaux. Elle est égale, aux erreurs et omissions près, au solde du compte financier.

  • Le compte financier :

Le compte financier représente la somme des flux financiers entre un pays et le reste du monde : investissements directs, investissements de portefeuille (actions, obligations, etc.), ainsi que d’autres types d’investissements (produits financiers dérivés, avoirs de réserve, etc.).

Selon les normes comptables en vigueur, un solde positif des flux du compte financier représente un accroissement des avoirs nets de la France, et un solde négatif une réduction de ces avoirs nets.

Le poste « autres flux financiers » regroupe principalement les crédits commerciaux, les délais de paiement, les prêts bancaires, l’achat et la vente de produits dérivés et la variation des réserves de change (devises ou or détenues par la banque centrale).

  • Les erreurs et omissions :

Les erreurs et omissions représentent à la fois des erreurs ou arrondis dans la collecte des données ainsi que certains décalages de paiement dans le temps. Par exemple, le paiement d’un avion est généralement effectué sur plusieurs années alors que la livraison s’effectue une année donnée. Il y a donc, pour chaque année, un décalage entre flux commerciaux et flux financiers qui se retrouve dans le poste « erreurs et omissions ». La somme des soldes du compte de transactions courantes et de capital est égale, aux erreurs et omissions près, au solde du compte financier.

La balance des paiements est par nature équilibrée dans le sens où un déficit des transactions courantes se traduit par un accroissement proportionnel des engagements financier vis-à-vis du reste du monde Le schéma suivant tiré de la note méthodologique publiée par la banque de France illustre ce mécanisme. 

A noter qu’il existe des différences statistiques, liées à des différences méthodologiques, entre les chiffres publiés par l’Insee et ceux publiés par la banque de France.

Par exemple :

Biens

Banque de France

 
exportations

636,6

  
importations

773,9

  
services

Banque de France

 
exportations

326,9

  
importations

274,9

  
solde biens

-137,3

  
solde services

52

  
Biens et services

Banque de France

Insee TEE2022

B de F - Insee
export biens et services

963,5

915,4

48,1

import biens et services

1048,8

1017,7

31,1

solde balance commerciale

-85,3

-102,3

17

TEE : tableau économique d’ensemble. Sources : Banque de France ; Insee

Voici les données pour 2021 et 2022 concernant la balance des paiements :

FLUX

2021

2022

Évolution 

Transactions courantes solde

9,0

-53,9

-62,9

Biens solde

-67,4

-137,3

-69,9

Biens hors énergie

-24,8

-27,1

-2,3

Énergie

-42,6

-110,2

-67,6

Services solde

35,0

52,0

17,1

Voyages

4,0

17,4

13,4

Autres services

30,9

34,6

3,6

Revenus solde

41,4

31,4

-10,0

Revenus primaires

82,6

76,7

-5,8

Revenus secondaires

-41,2

-45,3

-4,2

compte de capital solde

9,6

10,7

1,1

Compte financier solde

4,6

-57,7

-62,3

Avoirs

442,5

520,1

77,6

Engagements

437,8

577,8

140,0

Investissements directs solde

11,7

11,0

-0,7

Français à l'étranger

37,8

45,6

7,8

Étrangers en France

26,1

34,6

8,5

Investissements de portefeuille solde

12,6

-119,3

-131,9

Avoirs

115,1

28,4

-86,7

Engagements

102,6

147,8

45,2

Instruments financiers dérivés solde

17,8

-40,9

-58,7

Avoirs

129,7

237,4

107,7

Engagements

112,0

278,2

166,2

Autres investissements solde

-60,2

89,6

149,8

Avoirs

137,0

206,8

69,8

Engagements

197,2

117,2

-80,0

Avoirs de réserve

22,8

1,9

-20,9

erreur ou omission

-14,0

-14,5

-0,5

  1. La position extérieure de la France reflète la situation financière du pays c’est-à-dire la différence entre les avoirs et les engagements des résidents français vis-à-vis du reste du monde. Elle se calcule par rapport à la situation de l’année antérieure. A noter que la banque de France révise ses statistiques tout au long de l’année mensuellement. Ce qui a pour conséquence des différences entre les publications annuelles. Par exemple, la position extérieure 2021 publiée dans le rapport 2021 est de    -801.9 Mds elle est de -772.8 dans le rapport 2022. Etant donnée l’égalité, aux erreurs et omissions près, de la somme des soldes du compte des transactions courantes et du compte de capital avec le solde du compte financier le calcul peut se faire de deux façons. 

Soit à partir de la somme des soldes des comptes de transactions courantes et de capital à laquelle on ajoute les variations de change, de cours de bourse et autres variations comme le présente le tableau suivant :

année

2021

2022

Évolution n/n-1

Position nette année n-1

-709,4

-772,8

-63,4

Variation  transactions courantes et compte de capital

20,7

-43,2

-63,9

Variation de change

19,0

-16,5

-35,5

Variation de prix d’actifs

-86,7

200,5

287,2

Autres variations

-45,6

2,5

48,1

Position nette à fin année n

-801,8

-629,3

172,5

correction 2021-22

29,0

 

143,3

Soit par l’inventaire du compte financier en appliquant les mêmes variations :

STOCK

2021

2022

Évolution 

Position extérieure nette publiée 2022

-772,8

-629,3

143,5

Investissements directs solde

437,0

556,0

119,0

Français à l'étranger

1282,9

1396,8

113,9

Étrangers en France

845,9

840,8

-5,1

Investissements de portefeuille solde

-1035,1

-1018,7

16,4

Avoirs

2909,3

2577,8

-331,5

Engagements

3944,4

3596,5

-347,9

Instruments financiers dérivés solde

-113,1

-98,1

15,0

Prêt et emprunts solde

-306,5

-296,8

9,7

Avoirs de réserve solde

215,9

228,1

12,2

position extérieure nette calculée (publiée2021)

-801,8

-629,5

172,3

position extérieure nette révisions 2021-22

29,0

 

143,3

La position par secteurs est la suivante :

Position extérieure nette par secteur

2021

2022

Évolution 

Banque de France

216

215

-1

Administrations publiques

-1298

-1163

135

Banque 

-442

-581

-139

Autres secteurs

722

900

178

Total

-802

-629

173

Comme on peut le constater les administrations publiques sont celles qui ont le plus recours à des financements de non-résidents suivies par les banques. Les autres secteurs, sociétés d’assurance fonds de pension, société non financière sont prêteurs plus qu’emprunteurs auprès de non-résidents.

En ce qui concerne les investissements directs à l’étranger, on constate un net déséquilibre entre les investissements directs français à l’étranger qui en cumul représentent 1396.8 milliards d’euros et les investissements directs étrangers en France 840.8 Mds.

Il est évident que nous n’obtiendrons pas une position nette équilibrée sans une augmentation sensible de nos exportations notamment de biens et un retour à l’équilibre budgétaire. Ce qui suppose des réformes structurelles et organisationnelles de nos administrations publiques et un retour à une plus grande compétitivité de nos entreprises.

Le risque de cette dépendance de financements étrangers est une perte de confiance de ces derniers qui nous rendrait insolvables.

Ce qui est certain c’est que le creusement de notre dette publique met notre position extérieure dans le rouge sans lui nous serions proche de l’équilibre.

  1. La comparaison avec nos voisins de l’UE montre que tous les pays ouverts aux échanges internationaux ont des investissements directs à l’étranger (avoirs) et des investissements directs de non-résidents sur leur territoire très importants. Ce qui assure à tous une présence industrielle et commerciale sur leurs différents marchés. Nous ne dérogeons à la règle.

On observe aussi que la part détenue par les non-résidents dans la dette publique et le montant de celle-ci influent sur la position extérieure nette. C’est particulièrement le cas pour notre pays.

Il est certain aussi que la compétitivité des entreprises résidentes à l’exportation est cruciale comme le montre les donnée sur la somme des soldes des transactions courantes et du compte de capital qui influe sur la position extérieur chaque année.

En résumé, une bonne gestion des affaires publiques alliée à une compétitivité des entreprises et une bonne dynamique d’investissements directs croisés avec l’étranger sont les garantes d’une position extérieure équilibrée ou positive et d’une plus grande indépendance nationale. C’est ce que montre un examen attentif des données du tableau suivant.

Dette brute consolidée du gouvernement

Investissements directs 

Solde transactions courantes et capital

 Position extérieure nette 

non-résidents

% du total

montant

Résidents vers l'étranger

 Etrangers dans le pays 

 solde 

  
Allemagne

20,3

 521,0   

 2 859,4   

 1 921,4   

 938,0   

 143,0   

 2 692,5   

Pays-Bas

39,7

 190,5   

 5 836,3   

 4 947,7   

 888,6   

 195,0   

 720,7   

Belgique

55,4

 319,9   

 1 002,2   

 851,0   

 151,2   

-4,7   

 319,6   

Danemark

25,0

 28,2   

 342,8   

 225,5   

 117,3   

 51,4   

 221,5   

Suède

14,9

 26,3   

 612,4   

 524,6   

 87,8   

 30,8   

 166,4   

Italie

26,8

 738,3   

 703,3   

 609,8   

 93,5   

-21,2   

 93,1   

Autriche

61,4

 215,5   

 307,4   

 255,9   

 51,5   

-0,7   

 78,6   

Luxembourg

52,1

 10,0   

 4 861,6   

 3 940,8   

 920,8   

 6,1   

 36,5   

Malte

22,0

 2,0   

 556,8   

 580,6   

-23,8   

-0,4   

 14,5   

Slovénie

54,8

 22,6   

 13,1   

 24,7   

-11,6   

-0,8   

-0,9   

Lituanie

61,4

 15,8   

 13,2   

 32,5   

-19,3   

-2,7   

-4,7   

Finlande

49,4

 96,3   

 189,5   

 136,9   

 52,6   

-6,4   

-6,0   

Estonie

73,6

 4,9   

 21,7   

 42,6   

-20,9   

-1,0   

-7,3   

Lettonie

64,0

 10,2   

 6,5   

 23,7   

-17,2   

-1,6   

-10,3   

Bulgarie

47,7

 9,2   

 8,2   

 58,7   

-50,5   

-0,4   

-11,1   

Croatie

32,4

 14,9   

 8,3   

 36,7   

-28,4   

-0,2   

-17,3   

Chypre

93,2

 21,8   

 382,1   

 419,4   

-37,3   

-2,1   

-26,7   

Tchéquie

31,6

 39,2   

 83,2   

 219,7   

-136,5   

-11,6   

-52,7   

Slovaquie

48,0

 30,4   

 19,3   

 68,0   

-48,7   

-6,8   

-66,9   

Hongrie

34,1

 41,5   

 421,2   

 492,4   

-71,2   

-10,4   

-85,7   

Roumanie

49,6

 66,8   

 16,8   

 120,3   

-103,5   

-19,0   

-115,5   

Portugal

44,7

 121,8   

 85,6   

 194,5   

-108,9   

-0,5   

-202,7   

Pologne

35,7

 115,3   

 77,1   

 301,4   

-224,3   

-12,4   

-218,8   

Irlande

53,1

 119,3   

 1 699,6   

 1 857,2   

-157,6   

 53,4   

-591,2   

France

47,3

 1 394,8   

 1 917,0   

 1 361,1   

 555,9   

-43,2   

-629,3   

Espagne

40,8

 612,6   

 783,7   

 1 017,8   

-234,1   

 20,7   

-807,6   

Sources Eurostat: [gov_10dd_ggd][bop_iip6_q](BPM6) [bop_c6] 

Sources utilisées : Banque de France ; Insee ; La finance pour tous ; FMI.

Les montants sont en milliards d’euros