Pourquoi il ne faut pas augmenter le budget de l'Union européenne
Pour l'exercice 2013, la Commission a proposé une augmentation de 6,8% du budget pour atteindre les 138 milliards d'euros en paiement [1]. Cette proposition semble d'autant plus irréalisable qu'elle s'inscrit dans un contexte difficile de rigueur budgétaire aux niveaux nationaux. Dans le projet de loi de finances pour 2013, la contribution de la France au budget européen passera quant à elle de 18,9 milliards d'euros en 2012 à 19,6 milliards d'euros.
1. Le budget de l'Union européenne
Le budget de l'UE est doté de trois principaux types de ressources propres :
les droits de douane, les prélèvements d'origine agricole ainsi que les cotisations sur le sucre et les glucoses. Ce sont les ressources propres traditionnelles (« RPT »). Elles sont perçues auprès des opérateurs économiques par les États membres pour le compte de l'Union et représentent un peu plus de 13% du budget européen ;
les ressources fondées sur la taxe sur la valeur ajoutée (« TVA »). Il s'agit d'un taux de pourcentage uniforme qui est appliqué à l'assiette TVA harmonisée de chaque État membre. Elles représentent plus ou moins 12% du budget de l'Union ;
les ressources fondées sur le revenu national brut (« RNB »). Il s'agit d'un taux de pourcentage uniforme appliqué au RNB de chaque État membre. Elles représentent environ 70% du budget de l'Union. Le budget est également alimenté par d'autres recettes qui représentent moins de 5% des recettes. Le total des recettes de l'Union s'élève en 2011 à 130 milliards d'euros [2].
Les dépenses se structurent selon un cadre financier pluriannuel (« CFP ») qui définit des plafonds pour chaque grande catégorie de dépenses, pour une période clairement délimitée.
Le budget européen est essentiellement un budget d'investissement. Plus de 90% de ses crédits sont consacrés à la stimulation de la croissance économique et de l'emploi ainsi qu'au renforcement du rôle d' « acteur mondial » de l'Union européenne. Environ 6% des dépenses sont consacrées aux frais d'administration. Il s'agit d'un budget de nature totalement différente par rapport aux budgets des États membres qui sont eux destinés à financer les dépenses relatives aux fonctions traditionnelles des pouvoirs publics telles que la protection sociale, la santé, l'enseignement, les affaires économiques, la défense, l'ordre ou la sécurité publique.
2. Regard critique sur le budget de l'Union
Plusieurs critiques sont régulièrement formulées à l'encontre du système actuel de financement du budget de l'Union européenne [3] :
en ce qui concerne les RPT, les États membres conservent 25 % de leur montant pour compenser leurs frais de perception. Pour l'Allemagne, ces coûts de perception sont trop élevés ;
la ressource TVA pourrait être considérée comme régressive dans la mesure où la part de la TVA est plus grande dans les pays moins prospères (ceux où l'on n'épargne pas). Cependant, pour limiter cet effet régressif, l'assiette de la TVA prise en compte pour l'application du taux est limitée à 50 % du RNB de chaque État membre ;
l'assiette de la ressource RNB ne représente rien de tangible. Par ailleurs, cette ressource était au départ une variable d'ajustement, c'est aujourd'hui la ressource principale. Il s'agit là d'une anomalie ;
au contraire des RPT qui peuvent être associées à la politique commerciale commune et à la politique agricole commune, il n'existe pas de liens entre la TVA et le RNB et certaines politiques. Toutefois, cette « asymétrie » peut être corrigée si on la met en balance avec l'impératif de respect du principe d'universalité applicable au budget de l'Union.
Plusieurs critiques sont également formulées en ce qui concerne la gestion des dépenses de l'Union. Tout d'abord, bien que l'association d'une programmation budgétaire pluriannuelle et d'une discipline budgétaire renforcée soit aisément concevable (il est plus probable d'atteindre graduellement l'équilibre des finances publiques), un cadre financier pluriannuel trop strict ne permettrait pas de répondre de manière instantanée à une crise. Par ailleurs, l'articulation des crédits de dépenses dans un cadre financier pluriannuel a également été dénoncée parce qu'elle entraînait une sous-consommation chronique des crédits. La longueur des procédures administratives européennes ainsi que a qualification parfois très faible des administrations nationales ou locales qui reçoivent ces crédits ralentissent fortement leur consommation [4].
3. Quelle évolution du budget européen ?
Pour répondre aux dysfonctionnements ou aux « défauts » du système budgétaire européen, certains « européanistes » [5] plaident pour des réformes de grande ampleur. La plupart de ces réformes nécessiteraient une augmentation sensible du budget européen. Elles répondent à l'impératif de financement des nouvelles compétences du Traité de Lisbonne et de la mise en œuvre du projet « Europe 2020 » qui impliquent la recherche de nouveaux moyens financiers. L'objectif de ces nouvelles propositions est de transformer le budget européen en véritable instrument de lutte contre la crise capable de financer des politiques contra-cycliques pour soutenir l'investissement et la demande au moment où les États membres se serrent la ceinture.
Néanmoins, l'un des principaux arguments en défaveur d'une croissance sensible du budget de l'Union européenne est l'influence de l'augmentation des contributions des États membres sur leurs soldes budgétaires. Il est contradictoire de réclamer une augmentation du budget européen au moment où l'on souhaite resserrer la discipline budgétaire des États membres.
Un bon point revient cependant à la Commission qui a adopté, le 13 décembre 2011, un paquet de propositions qui visent à réformer et à rationaliser la fonction publique de l'Union européenne. Ces nouvelles dispositions contiennent quelques mesures phares comme la diminution des effectifs de 5% sur la période 2013-2017, l'augmentation de la durée de travail hebdomadaire de 37 à 40 heures et le recul de l'âge normal du départ à la retraite de 63 à 65 ans.
Entre 2014 et 2020, la Commission propose de reconduire sur sept ans le budget de 2013. Ce gel en valeur nominale des dépenses relatives à la politique de cohésion et à la politique agricole commune, ouvrirait des marges budgétaires qui seraient affectées aux investissements d'avenir : la recherche, l'innovation, et une nouvelle enveloppe dotée de 50 milliards d'euros pour financer les interconnexions entre États membres dans les domaines des transports, de l'énergie et des technologies numériques. Sur base de ce cadre de négociation, trois tendances peuvent être observées. Quinze pays, dont la Pologne en tête, refusent toute réduction budgétaire afin de préserver le financement de leurs investissements de croissance. Quelques États, dont la France, défendent la politique agricole commune. Enfin, les autres États dont l'Allemagne et la Grande-Bretagne réclament 100 milliards d'euros de coupes budgétaires par rapport à la proposition de la Commission. Les Institutions européennes quant à elles défendent l'idée de ne pas baisser les investissements en raison de la crise.
Conclusion
Dépenser plus au niveau du budget européen ne fera pas renouer l'Europe avec la croissance. Cette idée qui vise à faire accepter une augmentation du budget et donc des contributions des États est un leurre. En ce qui concerne la crise « structurelle » de l'économie européenne, le budget doit rester neutre et ne pas contribuer à creuser les déficits des État membres. Les États membres doivent renouer le plus vite possible avec des finances publiques en équilibre. La plupart des pays membres gèlent leurs budget alors que, on l'a vu, la contribution de la France au budget européen passera de 18,9 milliards € en 2012 à 19,6 milliards € en 2013. Ne serait-il pas judicieux de geler en valeur la contribution des États membres au budget de l'Union quand il est si difficile pour les États de réaliser des économies ? 700 millions d'euros de plus entre 2012 et 2013, c'est ajouter une ligne supplémentaire à une addition déjà très chargée.
Au-delà de cela, il faudrait également évaluer de façon plus systématique l'utilisation des crédits et contrôler l'emploi de ces crédits par les administrations nationales et locales qui les reçoivent.
[1] Le budget de l'Union comporte deux types de montants : les engagements (décisions d'allouer des fonds à des initiatives spécifiques) et les paiements (prévisions des paiements à effectuer au cours de l'exercice d'une année budgétaire).
[2] Voir http://ec.europa.eu/budget/figures/….
[3] Voir également P. CATTOIR, « Option for an EU financing reform », Policy Paper n°38, Notre Europe, 21 décembre 2009, spéc. pp. 9-16.
[4] Ce problème de capacité d'absorption était assorti, depuis 2000, de la règle dite de « dégagement d'office » : toute part de crédits engagés au plan communautaire de l‘année « n » non justifiés par des dépenses à la date du 31 décembre de l'année « n+2 » était perdue ; elle n'était réallouée ni au programme concerné, ni au pays concerné. Cette règle aurait entraîné une forte sous-consommation des crédits. Toutefois, celle-ci a été assouplie sur la période 2007-2013 puisque le dégagement des crédits intervient désormais en « n+3 ». A. KELBER, « La politique de cohésion et les nouveaux États membres de l'Union européenne », Bulletin de la Banque de France n° 181, 3e trimestre 2010, pp. 111-123, spéc. pp. 115-116.
[5] Voir par exemple A. LAMASSOURE, « Vers un impôt européen ? L'Europe en quête d'un vrai budget » ; Question d'Europe n°164, Fondation Robert Schuman, 29 mars 2010 ; Sénat, « Rapport d'information fait au nom de la commission des affaires européennes (1) sur les ressources propres du budget de l'Union européenne », par M. Pierre BERNARD-REYMOND, Sénateur, le 21 février 2012 ; E. RUBIO, « What European budget for post-crisis Europe ? », Tribune, Notre Europe, 30 juillet 2012 ; ou encore P. CATTOIR (2009), Op. Cit..