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Niches fiscales et sociales : un diagnostic erroné

Pas de suppression de niche sans réforme de fond

A chaque élection présidentielle son lot de promesses phares. On a connu la relance des charbonnages, la nationalisation des banques, des assurances et de groupes industriels, celle de l'école privée, les 35 heures, la retraite à 60 ans. Toutes ont échoué. Pour 2012, c'est raboter ou supprimer les niches fiscales et sociales qui résoudrait tous les problèmes de dette et de déficit de la France. Mais dans la plupart des niches, ce n'est pas un contribuable qui s'abrite, c'est un problème que les politiques y ont caché pour ne pas avoir à s'y attaquer.

En France, le sentiment général est que les niches, notamment fiscales, sont créées par les gouvernements pour satisfaire une catégorie de contribuables. Cette croyance est commode, dédouanant les politiques de leurs responsabilités et permettant de stigmatiser les abus de privilégiés qui profiteraient de ces mécanismes. Mais au contraire, c'est généralement pour traiter un problème qu'il ne sait pas ou ne veut pas résoudre, qu'un gouvernement crée une nouvelle niche fiscale. Une des plus célèbres, l'emprunt Pinay (exempté de droits de succession) l'illustre bien. Aucun groupe de pression ne manifestait pour obtenir cet emprunt, mais c'est l'État aux abois qui l'a lancé pour résoudre ou au moins repousser ses problèmes.

Un curieux tête-à-queue idéologique

A travers les centaines de niches qu'il a créées, c'est bien l'État qui décide de ce qu'il juge bon pour les Français : avoir plus d'enfants, consacrer leurs ressources au logement, financer des organismes privés d'aide sociale, entretenir les bâtiments historiques privés… Un pouvoir extraordinaire, enivrant pour les politiques, leur permettant de montrer leur clairvoyance et leur puissance.

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"Les niches fiscales sont, par définition, des impôts".

Et aussi leur habileté : le contribuable qui utilise une niche fiscale, doit souvent investir volontairement 30 à 50% en plus du montant de son impôt (énormément plus pour les enfants). On s'attendrait donc à ce que ces niches soient défendues par les étatistes de droite et surtout de gauche. Curieusement, ce sont les intellectuels et les politiques de gauche qui veulent maintenant supprimer ces niches, signe pourtant d'un État fort. Beaucoup à droite proposent de les raboter. Certains libéraux, eux, plaident au contraire pour laisser les individus investir librement là où ils le souhaitent, et donc pour une baisse des prélèvements obligatoires et l'élimination des niches.

Les niches cache-problèmes

La baisse ou la suppression de ces niches entraînerait automatiquement une réduction ou une suppression du financement de programmes décidés ou approuvés par l'État. Dans de nombreux domaines, cela serait difficile à supporter si les problèmes de fond qui étaient plus ou moins dissimulés dans ces niches ne sont pas traités. C'est évident pour les défiscalisations des investissements Outre-mer, une aide artificielle et peu efficace mais qui calme l'agitation sociale et a évité de traiter au fond le problème de l'économie des DOM/TOM. C'est aussi le cas pour les défiscalisations dans la production de films qui maintient cette activité sous perfusion. Même si la moitié des films ne passent jamais en salle, cela évite des mouvements sociaux de type intermittents du spectacle et de repenser la politique culturelle de l'État. C'est aussi vrai pour les aides au logement locatif (Borloo, de Robien, Scellier…) qui évitent d'avoir à mettre de l'ordre dans les HLM et à rééquilibrer les relations entre locataires et propriétaires. C'est même le cas pour la TVA à 5,5% dans la restauration et dans la construction d'HLM, ou pour la baisse des charges sociales pour les emplois familiaux et les salariés agricoles saisonniers. Le montant des prélèvements obligatoires est globalement trop élevé en France par rapport aux autres pays. Ces rustines appliquées à quelques cas particuliers ont permis de toujours repousser le moment de traiter le problème de fond.

Niche Copé

La suppression de la « niche Copé » est souvent mise en avant pour ne pas avoir à parler des niches très populaires. Cette mesure est technique : taxation des plus-values de ventes de filiales. Son coût depuis 3 ans est élevé (environ 7 milliards d'euros par an). Mais la plupart des autres pays européens ont depuis longtemps un règlement similaire, et les experts estiment que la matière à taxer disparaîtrait purement et simplement si cette niche était supprimée : soit les entreprises réaliseraient ces fusions à l'étranger, soit elles conserveraient des structures inutilement complexes.

Il existe des niches fiscales dont les contribuables sont les seuls bénéficiaires. Par exemple les tickets restaurants. Mais la remise en cause de cette niche qui compense en partie l'absence de Comité d'Entreprise dans les très petites entreprises nécessiterait une réforme complète des aides sociales, par exemple leur globalisation. Autre exemple : l'exonération de charges sur les heures supplémentaires. Mais la suppression de cette niche qui a permis de contourner les 35 heures, suppose la remise en cause complète de cette mesure et le retour aux 39 heures.

La définition même de « niche fiscale ou sociale » pose problème : le quotient familial, le taux réduit de TVA pour l'alimentation ou les taux d'imposition réduits sur les premières tranches de l'impôt sur le revenu sont-ils des niches ? En 2012, de chaque candidat proposant de raboter ou supprimer une niche, il faut exiger une réponse claire à la question : comment la politique publique dépendant de cette niche sera-t-elle rabotée, supprimée, financée ou réformée ? Leur enthousiasme pour une suppression brutale des niches sera certainement ramené à la réalité.