Mais qui paie l'impôt, mille sabords ?
Selon l’Insee, les mesures sociales et fiscales prises durant la crise du Covid-19 ont davantage profité aux plus riches. C’est aller un peu vite en besogne.
Cette tribune a été publiée dans les pages de Valeurs Actuelles, le 1er décembre 2022. |
Les bras nous en tombent: pensez-vous, les 50 % les plus riches — à partir de 2000 euros de revenus par mois — auraient bénéficié de 420 euros de niveau de vie en plus en moyenne par an, contre 130 euros pour l’autre moitié plus pauvre des ménages. Autrement dit, un vrai scandale.
Et si de scandale il n’y avait point ? Prenons au hasard les 10 % des ménages qui déclarent le plus de revenus. En gros, on leur reproche d’avoir bénéficié d’une baisse de la taxe d’habitation plus importante que les autres ménages en 2021 (240 euros), alors que 60 % des ménages n’en ont pas eu du tout.
Mais n’est-ce pas tout simplement parce que les 10 % dits les plus riches en question n’avaient pas bénéficié jusqu’en 2020 de cette baisse ? Et parce que les 60 % qui n’en ont pas eu payaient déjà zéro euro de taxe d’habitation, la baisse ayant commencé pour eux en 2018.
Si on rétablit les chiffres, la baisse moyenne de taxe d’habitation est de 290 euros et certains ménages, qui sont dans la moitié des ménages les moins aisés, ont eu plus de baisse de taxe d’habitation depuis 2018 que les plus aisés. Par exemple le 5e décile, avec 330 euros de baisse de taxe depuis 2018.
Donc, le procès des plus riches est juste le constat que les ménages les plus modestes ne paient quasi plus de taxe d’habitation depuis 2018 alors que les 20 % les plus aisés n’avaient pas cette chance avant 2021.
D’ailleurs, la mesure du gouvernement était prévue uniquement, à l’origine, pour les ménages déclarant moins de 2000 euros par mois. Ce que le Conseil constitutionnel avait censuré, obligeant l’exécutif à étendre la mesure à tous les ménages.
S’agissant de l’impôt sur le revenu (IR), là encore, l’étude montre que c’est la moitié la plus aisée qui en a le plus bénéficié. Mais faut-il rappeler que seuls 44 % des ménages “les plus aisés” sont imposés sur leurs revenus ? Ce sont donc les ménages qui paient l’IR qui bénéficient de baisses quand elles sont votées. Monsieur de La Palice n’aurait pas dit mieux. Étrangement, aucun organisme public n’a récemment analysé comment le prélèvement à la source augmentait la fiscalité en année N des ménages assujettis. Ce serait pourtant fort intéressant, surtout en période d’inflation.
En effet, le barème de l’impôt sur le revenu continue étonnamment d’être revu par Bercy à partir de l’inflation de l’année précédente et non de celle de l’année en cours. En 2021, par exemple, l’inflation a été officiellement de 1,6 % mais la révision du barème de l’impôt fut seulement de 0,2 %. Résultat: un trop payé par les ménages (les plus aisés) qu’on peut estimer à 1,6 milliard d’euros en 2021.
Enfin, une question se pose quant au panier de recettes fiscales à prendre en compte pour évaluer gains et pertes de pouvoir d’achat. Pourquoi ne pas prendre en compte par exemple, la hausse des taxes foncières qui, pour ce qui est des bases cadastrales, a été décidée par le gouvernement?
Méfions-nous des conclusions hâtives sur des données non totalement exhaustives. Comme conclure que les prétendus “riches” paient de moins en moins d’impôts alors que la concentration des impôts directs, CSG comprise, est en réalité de plus en plus importante : les 10 % qui déclarent le plus paient en effet la moitié de la note des impôts directs. Factuellement, entre 2010 et 2021, le taux de redistribution en faveur des plus pauvres s’est accru de 34,5 points, tandis que les plus riches se sont vus ponctionner de 4 points. Dommage qu’une petite musique laisse toujours entendre le contraire.