Tribune

Mais enfin, ne recommençons pas le concours Lépine des impôts les plus bêtes !

L’Europe nous regarde en riant. Nous fonçons toutes voiles dehors vers la crise de la dette. Notre modèle social nous coûte 300 milliards d’euros de plus par an par rapport à nos voisins européens, et nous sommes aussi le pays le plus taxé. Nous avons, ces dernières années, dépensé sans vergogne 50 milliards d’euros de plus par an, creusé le déficit public, mais, au lieu d’annoncer des listes d’économies, nos chers décideurs sont tous en train d’imaginer des augmentations d’impôts tous azimuts.

Cette tribune a été publiée dans les pages du Figaro, le jeudi 19 septembre 2024.

Pourrait-on organiser parmi nos parlementaires le concours Lépine de la baisse des dépenses plutôt que le feuilleton convenu de la hausse des impôts avec les vieilles recettes vues et revues : ISF, taxer le capital comme le travail, taxer les rentes, les super-riches, les superprofits… ? De vieilles recettes moisies qui n’ont jamais marché pour résoudre notre équation budgétaire, au contraire…

Quatre pistes d’augmentation d’impôts semblent malheureusement sur la table.

La première piste est une surtaxe exceptionnelle à l’IS. Cette surtaxe de peut-être 4 points serait une catastrophe pour nos entreprises. D’abord parce que nous avons encore un taux d’impôt sur les sociétés - même avec sa baisse de 33 % à 25 % - très supérieur à la moyenne européenne, qui est en dessous des 22 %. Catastrophe car cela viendrait s’ajouter au fait que nos entreprises paient déjà plus de 150 milliards de charges, impôts et taxes de plus par rapport à leurs homologues de la zone euro. Catastrophe enfin car une surtaxe exceptionnelle n’est jamais exceptionnelle, ni supprimée, comme on l’a vu avec la surtaxe à l’IR adoptée en 2011 (contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, ou CEHR) et qui perdure depuis, ou encore avec la CRDS, qui devait disparaître en 2024 quelque trente ans après sa création et a finalement été prolongée jusqu’en 2033. 

La deuxième piste consiste en une augmentation de la flat tax, le prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital qui pourrait passer de 30 % à 33 % ou 34 %. Ce qui annulerait le bénéfice de cette mesure qui a permis de contrer les effets très négatifs pour l’économie de la taxation au barème des revenus du capital par François Hollande. Taxation au barème qui, d’ailleurs, n’avait pas rapporté plus que la flat tax précédente (le prélèvement forfaitaire libératoire), car les dividendes et les plus-values avaient beaucoup chuté durant la période. En gros, les bénéficiaires faisaient le gros dos en attendant des jours meilleurs. Au contraire, quelle ne fut pas la surprise des soi-disant experts lorsque les recettes, en valeur, ont doublé sur les revenus du capital lors de son retour… D’ailleurs, la plupart de ceux qui interviennent sur ce sujet ne savent pas qu’il existe déjà une « surtaxe sur la flat tax » pour ceux qui déclarent plus de 250.000 euros de revenus (3 %) ou plus de 500.000 euros (4 %), la fameuse taxe exceptionnelle sur les hauts revenus.

La troisième piste est celle de baisser les soi-disant aides aux entreprises qui sont en réalité des exonérations de charges ou d’impôts et qui permettent à nos entreprises de continuer à exister, tout simplement. Qui sait que, dans les 150 milliards d’euros d’aides, 125 milliards sont des prélèvements obligatoires payés en moins et que seulement 30 milliards sont des subventions qui sont touchées à plus de 80 % par des entreprises publiques ou à mission de service public ? Toucher les aides voudrait dire là encore augmenter la pression fiscale sur nos entreprises, alors qu’elle est déjà beaucoup trop forte.

Reste la quatrième piste : faire jouer la rétroactivité fiscale et taxer les « superprofits » des énergéticiens et des « profiteurs » durant la crise. Une mesure qui serait insérée au sein du PLF 2025 mais qui agirait dès 2024 pour contribuer au redressement du solde public (- 5,6 % du PIB de déficit, au dire d’une note du Trésor). Le genre de taxe qui, on nous le promet, doit ramener 3 milliards d’euros mais qui risque de ne rien rapporter du tout, car son adoption serait anticonstitutionnelle.

Le gouverneur de la Banque de France nous propose la répartition de l’effort suivant sur les 120 milliards de redressement de nos comptes publics à réaliser en 5 ans : un quart de hausses d’impôts et trois quarts de baisses de dépenses. Cela supposerait que, chaque fois qu’il y a la proposition de 1 euro de hausse d’impôts, on identifie en face 3 euros de vraies baisses de dépenses. Étonnamment, tous ceux qui disent qu’il faut faire des économies, qu’ils soient à la Cour des comptes, à la Banque de France ou ailleurs, ne disent jamais comment ils comptent le faire et quelle serait leur liste d’économies possibles, comme s’ils ne voulaient pas se saisir des constats maintes fois identifiés dans les revues de dépenses.

Le gouverneur de la Banque de France sait pourtant très bien comment faire des économies. À la Banque de France, entre 2015 et 2021, le budget est passé de 1,049 milliard à 857 millions d’euros, une réduction en valeur de - 18 % ! Soit une baisse de 290 milliards d’euros, si on appliquait la même méthode à l’ensemble des dépenses publiques de la France. Pour réaliser cela, la Banque de France a gelé ses crédits et a appliqué le non-remplacement des départs à la retraite de ses agents, soit une baisse de 25 % de ses effectifs… Ils sont là, les 300 milliards par an de surcoût de notre sphère publique et de notre modèle social.

À tous les conseillers vertueux qui poussent à taxer plus, demandons des idées d’économies à réaliser dès 2025. Que fait la commission des finances de l’Assemblée nationale en la matière ? Où est sa liste d’économies ? Ce n’est plus le temps du buzz mais le temps du faire. Si nos élus ne le comprennent pas, avant que le concours Lépine des impôts les plus bêtes ne soit clôturé, la crise de la dette battra son plein au grand détriment de nous tous, de l’intérêt général et de la démocratie. Chiche, Messieurs qui aimez tellement taxer l’argent des autres, essayez de réfléchir à comment vous dépenseriez si c’était votre propre argent. Vous trouveriez vite 10 % d’économies.