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Loi TEPA et ISF : quelle efficacité sur l'emploi et les PME ?

Avec l'approche du 15 juin, date limite de dépôt des déclarations ISF, fleurissent les articles de journaux pour questionner l'efficacité de la déduction d'ISF, dite ISF-TEPA, et rappeler qu'un rapport de l'Inspection des finances dénonce les marges outrageuses que prendraient les intermédiaires.

Rappelons d'abord que ce sont des inspecteurs des finances chargés de formuler en mai et juin 2007 le texte de l'ISF-TEPA qui l'ont fait dérailler malgré les avertissements qui leur avaient été prodigués.

Il est en effet normal que des intermédiaires se sucrent à partir du moment où l'on crée une incitation fiscale qui ne correspond à aucune justification économique. L'idée centrale de l'ISF-TEPA était d'utiliser l'ISF pour pousser ceux qui paient cet impôt à investir dans la création d'entreprise et de compenser le risque pris par une participation de l'Etat dans la prise de risque ; c'est le schéma utilisé dans tous les pays anglo-saxons et la participation de l'Etat est d'environ moitié.
C'était bien le schéma qu'avait fait voter par la commission des finances du Sénat, Philippe Marini, à l'initiative de Nicolas Sarkozy, alors ministre des finances en 2004.
En 2007, le risque avait totalement disparu car le premier texte envisagé faisait prendre par l'Etat 100% du risque et il n'a été ramené à 75% que sur intervention du Conseil d'Etat, rappelant que 100% aurait été inconstitutionnel. L'objectif de créer des entreprises et de lutter contre le chômage était passé à la trappe et il n'était plus question que de faire un cadeau électoral aux assujettis ISF faute d'avoir le courage de supprimer cet impôt qui asphyxie notre pays.

Mais si avoir fixé un taux de déduction aussi élevé était une erreur, elle a été aggravée par deux autres erreurs encore plus sérieuses.

La première a été de fixer comme bénéficiaires les PME, des entreprises jusqu'à 250 salariés et pas des entreprises beaucoup plus petites où se situent les créations en mal de fonds d'amorçage ; c'est ce qu'avait compris Bruxelles et les Anglais, Bruxelles qui donne un accord automatique pour des incitations fiscales dirigées vers les PEC et pas pour les PME, les Anglais qui avaient limité aux PEC l'EIS, l'avantage fiscal qui pousse à investir dans les créations d'entreprise.
Résultat : le milliard d'investissement généré par l'ISF-TEPA va vers les PME et y est certainement utile car les PME manquent toujours de fonds propres mais ce milliard pèse peu auprès des quelque 20 milliards d'autofinancement que génèrent spontanément les PME chaque année ; ce milliard aurait été infiniment plus efficace, dirigé vers les créations d'entreprise qui, elles, manquent de fonds tout court.

La seconde est d'avoir mis des plafonds ridicules à l'incitation fiscale : au lieu de mobiliser les gros investisseurs dont nous avons besoin pour qu'un créateur d'entreprise puisse réunir 300 ou 500.000 euros sans avoir à trouver plus de 2 ou 3 actionnaires, on a visé les petits, ceux qui investissent moins de 66.666 euros pour l'ISF – et, à l'époque, 40.000 pour le Madelin -, rendant ainsi impossible un investissement direct et obligeant, pour que la mesure ne soit pas totalement vide, à passer par des fonds d'investissement ou des holdings. Oubliant ainsi la leçon que les Américains avaient découverte dès 1958, à savoir qu'un fonds n'investit pas, sauf exception, dans des entreprises en démarrage car les sommes à investir sont trop faibles et le risque trop grand pour leur assurer une rentabilité. Ce qu'avait confirmé l'expérience désastreuse des FCPI (Fonds communs de placement à risque) en 1999.

Lire la suite de l'article : Loi Madelin et déductions fiscales : une suite d'erreurs

ISF-TEPA et Madelin : qu'est-ce que c'est ?

A eux deux, ISF-TEPA et 199 terdecies du Code général des impôts sont deux niches fiscales représentant environ 2 milliards d'investissements sensiblement à parts égales mais avec un coût fiscal, le coût pour l'Etat, d'environ 1 milliard, dont environ 650 pour TEPA et 350 pour le terdecies.
Le 199 terdecies O-A dit Madelin [1] : investissement direct et par holdings, représentait en 2009 un coût fiscal de 190 millions, les FCPI [2] 110 millions, les FIP [3] 70 millions.

Sur ce total, des calculs précis menés par l'iFRAP conduisent à la conclusion qu'environ 40 millions, moins de 5% du coût fiscal, touchent la cible essentielle pour la création d'entreprises de croissance : les investisseurs qui investissent plus de 100.000 euros dans une entreprise et qui permettent à des créateurs d'entreprise de ne pas courir après 50 actionnaires pour réunir les quelques centaines de milliers d'euros nécessaires à leur démarrage.
Il devrait être possible de mieux faire.

[1] 199 terdecies O-A I à V

[2] Fonds communs de placement dans l'innovation, 199 terdecies O-A VI

[3] Fonds d'investissement de proximité, 199 terdecies O-A VI bis