Les niches fiscales sont, par définition, des impôts
On a connu « au-dessus de 40.000 Nouveaux Francs, je prends tout », et la « cagnotte fiscale » alors qu'il s'agissait d'une modeste baisse du déficit. Aujourd'hui, la nouvelle baguette magique, c'est la suppression des niches fiscales. D'un coup, le déficit de l'État serait réduit de 40 milliards d'euros. Mais de quoi parlent les promoteurs de cette réforme ? De fiscaliser les intérêts du Livret A, de supprimer la demi-part par enfant, la réduction d'impôts sur les dons aux Restos du cœur et les facilités d'investissement dans la production de films ? Car, rappelons-le : les niches fiscales… ce sont, par définition, des impôts !
L'impôt est un prélèvement effectué sous la contrainte par la puissance publique pour financer les dépenses qu'elle juge indispensables, nécessaires, voire simplement souhaitables. En principe, les impôts ne sont pas affectés à une dépense précise mais au contraire banalisés dans un vaste pot commun.
Les niches fiscales renvoient à la logique générale des impôts, prélever pour financer, à deux exceptions près : le versement est en partie volontaire et les sommes sont fléchées vers des domaines précis, par exemple les universités ou les économies d'énergie dans le logement.
Un mécanisme basé sur la motivation
La plupart des contribuables préfèrent choisir eux-mêmes ce à quoi seront affectés leurs impôts. Soit qu'un domaine leur tienne particulièrement à cœur, soit qu'ils redoutent les pertes en ligne dans les circuits de l'État. En contrepartie de cette satisfaction, l'État impose des contraintes aux utilisateurs de niches fiscales. La plus fréquente consiste à devoir contribuer au-delà du montant légal de leurs impôts. Typiquement, pour pouvoir déduire 100 euros de ses impôts, l'État exige que le contribuable verse 150 euros. La durée est une autre contrainte fréquemment utilisée : le contribuable renonce à disposer d'un capital pendant quelques années. C'est le cas des Plans d'Épargne Logement ou de l'Assurance Vie. Dans tous les cas, une niche fiscale est un contrat dans lequel les deux parties doivent être gagnantes.
Selon les cas, l'avantage que le contribuable retire d'un investissement volontaire est très divers. Bénéfice moral, sans espoir d'un avantage direct, par exemple pour les dons aux œuvres sociales ou caritatives. Une satisfaction personnelle directe mais sans réel bénéfice financier : entretien de bâtiments historiques. Enfin, avec certaines niches, les contribuables peuvent espérer retirer à terme un profit financier : Outre-mer, logement, PME, films. La défiscalisation est alors la condition nécessaire pour décider des particuliers à investir dans des secteurs soit risqués soit critiques pour le pays. C'est toujours sans aucune garantie et dans tous les cas, cela conduit l'intéressé à payer plus tout de suite pour un avantage éventuel à terme.
Niches ou politique sociale ?
Des avantages comme la demi-part fiscale par enfant ou la demi-part supplémentaire pour personne handicapée sont parfois assimilés à des niches fiscales. L'argument est un peu indirect, mais il est vrai que la démarche est la même : pour favoriser la démographie et faciliter la vie des familles, l'État accorde des avantages fiscaux de ce type. Sans doute estime-t-il que cela est « moins coûteux » pour la société qu'une baisse de la natalité, l'abandon de leur travail par l'un des conjoints ou la mise en place de services publics supplémentaires de prise en charge des enfants et des handicapés.
Niches, signe d'un État interventionniste
Quand l'État décide de créer une niche fiscale, c'est qu'il croit savoir mieux que les Français dans quels domaines les intéressés devraient consacrer une plus grande part de leurs ressources. Et dans ces secteurs, l'État estime qu'il devrait investir lui-même si les contribuables ne le faisaient pas à sa place : enfants, œuvres sociales, production culturelle, entretien de monuments historiques, emplois, logement, Outre-mer, jeunes entreprises innovantes …
Si les domaines et les taux sont correctement choisis par l'État, les niches peuvent constituer une méthode originale, gagnant/gagnant : davantage de ressources pour des causes utiles, et investies plus directement que par les canaux étatiques. On attend des opposants aux niches fiscales, la liste de celles qu'ils souhaitent supprimer, et comment ils comptent financer les activités indispensables auxquelles ces financements sont actuellement consacrés.
Contrairement au sentiment général, les niches fiscales ne sont pas créées par l'État pour favoriser les contribuables, mais pour les inciter à investir dans un but d'intérêt général, motivant aussi pour eux-mêmes. Supprimer les niches fiscales, loin de réduire le déficit, coûterait très cher à l'État.