Les baisses d’impôts, financées par la dette, sont-elles réelles et pérennes ?
Le gouvernement vient de présenter le dernier budget du quinquennat avec un seul mot d’ordre : communiquer sur les baisses d’impôts pour les ménages. Alors, on évoque beaucoup les baisses (IR, TH) mais pas beaucoup les hausses (CSG…) On oublie que nous sommes toujours 4 points devant nos partenaires de la zone euro en impôts, taxes et cotisations. On oublie surtout qu’un chemin pérenne vers des baisses d’impôts durables passe par des baisses de dépenses.
Le volet du taux de prélèvements obligatoires présente certes un bilan positif puisqu’il aura baissé de plus d’un point entre 2016 et 2022, passant de 44,6% à 43,5% du PIB. L’effort peut donc être évalué à une trentaine de milliards d’euros d’allègements sur le quinquennat…
Une trentaine de milliards de baisses de prélèvements obligatoires, est-ce suffisant ? Non, car malgré les efforts apparents les entreprises françaises paieront toujours, en 2022, plus de 140 milliards d’impôts taxes et cotisations de plus par an par rapport à leurs homologues de la zone euro.
Ce sont nos entreprises -et c’est une bonne nouvelle- qui sont les premières bénéficiaires des baisses nettes d’impôt. Ces baisses viennent d’ailleurs principalement de mesures nées sous le quinquennat de François Hollande : baisse des cotisations sociales pour les entreprises prévues par le CICE, pacte de responsabilité et baisse du taux d’IS. Il faut y ajouter, à l’initiative de ce gouvernement, la baisse des impôts de production (-10,5 milliards) en 2021 : -7,27 milliards de CVAE (suppression de la part régionale de la taxe), -1,75 milliard de taxe foncière (entreprises) et -1,53 milliard de CFE.
Et du coté des ménages ? Le gouvernement insiste sur 5 milliards d’euros de baisse sur l’impôt sur le revenu et sur 16,5 milliards d’euros de baisse de taxe d’habitation. Sauf que, dans cette présentation, l’exécutif oublie d’inclure l’énorme augmentation de la CSG qui a caractérisé le début du mandat et qui est bien plus lourde que la baisse des cotisations sociales salariales. Il oublie aussi d’évoquer la hausse de la taxe foncière ou la hausse d’impôt sur le revenu lié à la mise en place du prélèvement à la source ou encore la hausse de la TICPE... Sur l’impôt sur le revenu des ménages, par exemple, la baisse n’est pas flagrante puisque la recette passe de 73 milliards en 2017 à plus de 82 milliards en 2022, une augmentation coordonnée avec le PIB… Sur la totalité des impôts directs, on a du mal à voir où est vraiment la baisse.
Quant à elles, les dépenses publiques ont cru de manière exponentielle en France avec, hors dépenses d’urgence et de relance, environ 28 milliards d’euros de plus par an ce qui est considérable. Nos dépenses publiques atteindront toujours plus de 56% du PIB en 2022 contre 49,6% en zone euro. Et on annonce une nouvelle fuite en avant avec un nouveau plan d’investissement à 30 milliards d’euros, financé aussi par la dette, d’ici 2030.
Donc nos impôts ont baissé de plus d’un point de PIB depuis 2016 mais la dépense publique monte de 28 milliards par an et la dette aura augmenté fin 2022 d’environ 690 milliards… On comprend que le Haut Conseil des Finances Publiques appelle à la « plus grande vigilance sur la soutenabilité à moyen terme des finances publiques ».
On peut aussi légitimement se demander quelle est la durée de vie des baisses d’impôts qui ne sont pas financées ? Et ce alors qu’il nous faudrait encore un effort de 3 à 4 points de PIB de baisses d’impôts, financés non par de la dette mais par des baisses de dépenses, pour rendre nos entreprises compétitives et booster la croissance potentielle de la France.
Le risque est donc grand pour la France, en multipliant les chèques et les annonces de dépenses, de gâcher une possibilité unique de consolider les baisses d’impôts et de les poursuivre massivement comme il serait nécessaire pour combler notre retard de compétitivité.