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Le vrai coût du dialogue social dans la Fonction publique et son manque d’évaluation (874 millions d’euros minimums)

La Cour des comptes vient de publier un rapport thématique permettant de réaliser un point d’étape s’agissant du déploiement de la loi du 6 août 2019 relative à la transformation de la fonction publique. Les magistrats ne portent pas de regard sur « l’appréciation de la teneur du dialogue social » intervenu depuis l’entrée en vigueur de la réforme, mais sur les simplifications et les « économies » qu’elle devait porter s’agissant du dialogue social. Il en résulte le constat d’une réforme inaboutie et d’un coût toujours considérable et minimal de près de 874 millions d’euros. En particulier la réforme du cadre du dialogue social dans la sphère publique s’est traduite par la « fusion » des CT (comités techniques) et des CHSCT (comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) en une seule instance, les comités sociaux (CS), tandis que le nombre des CAP (commissions administratives paritaires) dont les compétences ont été réduites a été significativement abaissé. Si l’on constate qu’au niveau de la FPE (hors établissements publics) la gréviculture semble baisser depuis 1999, force est de constater que le coût du dialogue social imparfaitement connu pourrait être baissé significativement si les employeurs publics acceptaient d’appliquer strictement la loi au lieu de multiplier pour certains d’entre eux, les dérogations légales ou illégales qui font perdurer des situations exorbitantes du droit commun.

Le nombre des instances sociales a été réduit mais des mécanismes de contournement sont à l’œuvre :

Premier constat, la réduction du nombre d’instances de dialogue social a été importante de l’ordre de 20% au sein de la FPE, ces dernières passant d’un montant de 5000 en 2019 à environ 4000 en 2023. 

C’est en particulier vrai s’agissant des CAP, où l’on note des baisses drastiques pour les plus grands ministères employeurs représentant près de 60% des effectifs de la FPE, allant de -38,3% pour les ministères de l’Intérieur et de l’OM, et jusqu’à 96,5% au sein des ministères financiers, les CAP passant de 519 en 2019 à seulement 18 en 2023 dans ce dernier cas.  

Ministères

Effectifs physiques (en milliers)

Nombre de CAP ante Loi de transformation de la FP (2019)

Nombre de CAP post Loi de transformation de la FP (2023)

Solde

Evolution (%)

Education nationale

1 052,70

613

317

-296

-48,3

Intérieur et OM

303,3

154

95

-59

-38,3

Ministères économiques et financiers

130,7

519

18

-501

-96,5

Total

1 486,7

1 286

430

-856

-66,6

Source : DGAFP, MENJ, MIOM, MEF, calculs Cour des comptes.

Cependant, cette apparente simplification a rapidement marqué le pas. En effet, la baisse du nombre de CAP a été en partie compensée par la hausse du nombre de formations spécialisées (FSSCT[1]) lorsque l’effectif dépasse les 200 agents.

Or cette « faculté offerte de créer des instances spécialisées supplémentaires a été saisie par beaucoup de ministères ». En pratique dans la FPE le nombre de comités techniques est passé de 3.700 à 3.622 entre 2018 et 2022, soit une baisse de seulement 2,1%. S’agissant des ministères économiques et financiers (MEF), les comités techniques ont même augmenté de 80,3%, passant ainsi de 117 CHSCT à 211 FSSCT ; le nombre total d’instance de dialogue passant ainsi dans les MEF de 636 instances à 229 (soit une baisse totale de 64%). En réalité, pour expliquer cette augmentation des FSSCT au sein des MEF, il faut incriminer « l’impossibilité de conserver au niveau des services centraux et des services déconcentrés des CHSCT inter-directionnels non prévus par la loi. » En conséquence chaque CSA (comité social d’administration) a sécrété sa propre formation spécialisée. Enfin « dans un contexte social très délicat » 29 formations spécialisées de service ont été institués au sein de la DGDDI (douanes). 

On retrouve une logique analogue au ministère de l’Education national et de l’enseignement supérieur où des CSA spéciaux régionaux ont été créés dans 8 régions académiques. Les 31 CSA spéciaux académiques ont conduit à une création systématique de FS (formations spécialisées) avec application stricte du seuil d’effectif de 200 agents prévus par la loi, conduisant à « une augmentation du nombre de FS prévues par rapport au nombre (…) [antérieur] de CHSCT. »


Dans la fonction publique territoriale (FPT) les évolutions sont plus contrastées :

  • S’agissant des CAP, l’effet mesuré n’est perceptible que pour les collectivités les plus importantes chargées de l’organisation de leur CAP. En effet les CDG sont compétents pour les collectivités de moins de 350 agents. Par ailleurs ainsi que le souligne la Cour : « la réduction significative du nombre de questions [essentiellement disciplinaires] susceptibles d’être inscrites à l’ordre du jour des CAP soulève la question de la portée de l’obligation imposée aux collectivités locales de respecter le rythme de deux réunions annuelles prévues par (…) [le] décret du 8 décembre 2020. » Désormais les CDG qui abritent des CAP pour les collectivités les moins importantes font figure de « tiers de confiance » notamment en matière d’avancement de grade. 

  •  Une meilleure reconnaissance syndicale des contractuelle a été introduite via la mise en place d’une CCP (commission consultative paritaire) commune aux trois catégories de personnel (A,B,C) dans chaque collectivité territoriale ou établissement public ou en cas d’affiliation auprès du CDG concerné. Cela démontre la montée en puissance de la contractualisation au sein de la FPT et la reconnaissance de sa spécificité sur le plan syndical.

  • Enfin s’agissant des FS (formations spécialisées), la Cour relève que la DGCL ne dispose pas des données suffisantes pour savoir si les 4.800 CHSCT ont été remplacés par davantage de formations spécifiques ou non. Notamment par que les FSSCT sont de droit pour les collectivités locales >200 agents et facultatives pour celles comprises entre 50 et 200 agents. Cependant il semble qu’au niveau territorial « la réduction du nombre d’instances spécialisées, si elle n’est pas quantifiée, est bien réelle. » La volonté d’enjamber les élections syndicales de 2022 a conduit à ne déployer la réforme qu’à compter de 2023... la réforme sera donc visible à compter des RSU 2023 (rapports sociaux uniques) qui seront disponibles début 2025 (ainsi que leur synthèse nationale). 

Pour la fonction publique hospitalière, une représentation clarifiée et simplifiée bien que toujours atypique : dans la mesure où les 10 CAP locales existantes restent en place au niveau départemental pour assurer la gestion des agents affectés dans les plus petits établissements, mais désormais pour les agents contractuels, les CCP déclinées autrefois par catégorie hiérarchiques le sont désormais territorialement de façon unique pour les 3 catégories (comme pour la FPT), à raison d’une par département adossée à un établissement public de santé du ressort. Au niveau technique et sanitaire, le CTE (comité technique d’établissement) et les CHSCT laissent place au CSE (comité social d’établissement) et à sa formation spécialisée (F3SCT). Ces dernières ne sont plus applicables dans l’ensemble des établissements dès 50 agents comme pour les CHSCT d’avant la réforme, mais à compter de 200 agents, ce qui n’impose cette instance que pour 25% seulement des établissements (excluant beaucoup d’établissements sanitaires et sociaux dont des EHPAD. Visiblement leur création facultative pour des structures de 50 à 200 agents « n’a pas été une solution majoritairement retenue. » Désormais le F3SCT n’a plus la personnalité morale contrairement à son prédécesseur, seul le CSE (comité social d’établissement) conserve cette faculté. Plus largement au sein des établissements « seul le personnel non médical a été concerné par la mise en œuvre de la loi de transformation de la fonction publique. » Ce qui veut dire très concrètement que l’on ne touche pas dans les établissements au CME (la commission médicale d’établissement réservée aux personnels médicaux, sans candidature des OS) dont les prérogatives touchent au fonctionnement de l’établissement, tandis que le CSE réservé aux OS, s’attachent spécifiquement à la gestion des ressources humaines (que ne gère que marginalement le CSE[2]).

Mais des situations illégales qui perdurent

 

Tout d’abord les auteurs du rapport constatent l’existence d’un important dialogue social informel en dehors des structures institutionnelles, ce qui permet bien souvent de désamorcer très en amont des crises. Mais à ces groupes de travail entre employeurs et OS non formalisés, s’ajoute également un dialogue social organisé qui poursuit des pratiques antérieures pourtant abrogées par la loi.

Au niveau des collectivités territoriales, mais aussi des établissements hospitaliers, on relève des cas de consultation préalable des élus du personnel pour les actes de gestion de carrière alors même que les CAP ne sont plus compétentes en la matière. Au ministère de l’Intérieur et de l’Outre-mer a mis en place un dialogue informel « dans le cadre des mobilités au fil de l’eau » mais également plus formel « dans le cadre du mouvement annuel de mutation » à la demande des OS, ce qui tend à perpétuer les pratiques antérieures. Idem au ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire où « pour les avancements et les promotions, les organisations syndicales rencontre individuellement, chaque année, le chef du service des ressources humaines afin de défendre la situation des agents qui les ont mandatés et pour lesquels elles estiment que des éléments objectifs justifient une attention de l’employeur. » Ces éléments sont clairement contraires à l’esprit de la loi et pour le ministère de l’Intérieur relèvent d’une quasi-cogestion de certaines décisions RH.

Un coût du dialogue social dans l’administration considérable (874 M€ au minimum) :

La gréviculture dans l’administration n’est bien documentée que dans la FPE et dans certaines entreprises publiques[3]. Sur longue période, le nombre de jours de grève tend plutôt à baisser, malgré la grande variabilité des jours de grèves enregistrés par la DGAFP, depuis 1999 (ministères hors établissements publics). 

Source : DGAFP – Cabinet du directeur général

Si l’on réalise un zoom depuis 2017, la décomposition par ministère est la suivante :

Ministère ou service

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Agriculture et Alimentation

3 333

5 302

10 958

4 516

1 804

4 758

Armées (personnels civils)

4 755

6 435

12 981

5 410

774

3 447

Culture

3 188

3 328

5 749

3 315

1 310

2 701

Education nationale, Enseignement 

supérieur, Recherche et Innovation

207 259

362 995

1 255 502

426 923

198 098

283 001

Europe et Affaires étrangères

356

3 611

8 637

3 046

2 469

3 743

Intérieur et Outre-Mer

2 976

4 379

7 620

2 723

307

423

Justice

5 091

7 634

11 098

4 772

3 028

3 425

Ministères économiques et financiers

65 990

84 059

208 476

39 265

28 363

24 279

Ministères sociaux

6 529

6 583

20 210

7 373

48 968

1 047

Services du Premier ministre

80

156

334

101

2

8

Transition écologique et solidaire,

 Logement et Habitat durable et Cohésion des territoires

14 218

17 471

31 694

10 118

2 252

6 480

Ensemble des ministères 

(hors établissements publics)

313 775

501 953

1 573 259

507 562

287 375

333 312

Caisse des dépôts et consignations

360

401

493

229

23

100

Total Min + CdC

314 135

502 354

1 573 752

507 791

287 398

333 412

Source : DGAFP – Cabinet du directeur général

Il est alors possible de constater que les ministères de l’Education nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche représentent en moyenne entre 2017 et 2022 près de 76% des jours de grève par an. Les ministères économiques et financiers arrivent en seconde position à hauteur de 12,6% en moyenne, suivis par les ministères sociaux (3,9%) et le ministère de la Transition écologique et solidaire 2,46%. Par ailleurs, alors que le nombre d’actifs dans la fonction publique d’Etat représente entre 11% et 12% du total des actifs employés dans les entreprises et la FPE, les jours de grèves en représentent 22,2% soit près du double. Il s’en suit que pour les pouvoirs publics le dialogue social revêt dans l’administration un rôle central. L’estimation de son coût est alors décisive. 

Or l’étude d’impact de la loi pour la transformation de la fonction publique estimait que sa mise en œuvre « devait se traduire par une économie budgétaire » liée à la diminution du temps de préparation et de réunion des CAP mais aussi de leur nombre. Mais contre toute attente « les administrations ne se sont pas dotées d’instruments de mesure des moyens qu’elles accordent au dialogue social. » Ainsi :

  • Les moyens alloués aux organisations syndicales (OS) « font rarement l’objet d’un suivi par les employeurs publics[4] » ;

  • Des autorisations d’absence sont néanmoins accordées pour une pluralité de pratiques informelles citées plus haut. Il n’y a pas de suivi de la consommation des moyens accordés aux OS ;

  • Aucune administration n’a développé de méthode permettant de calculer le coût du dialogue social… pas plus d’ailleurs qu’un guide de la part de la DGAFP ;

En conséquence la Cour des comptes a-t-elle procédé par sondage auprès des administrations concernées et des différents établissements publics et collectivités. Par ailleurs si les moyens humains peuvent être cernés à travers différentes catégories d’autorisations d’absence (A(S)A), de décharges de fonction (DF) et de mises à dispositions (MAD) qui sont accordés aux mandats syndicaux, il n’en est pas de même s’agissant des moyens matériels et financiers. Les magistrats de la rue Cambon notent que « les éléments de chiffrage (…) rassemblés sont incomplets dans la mesure où les informations sur les locaux mis à disposition des organisations syndicales [gracieusement ndlr] sont rarement renseignées de manière satisfaisante. » En conséquence de quoi, ils ne peuvent pas être correctement valorisés. Ne figure dans le chiffrage que les subventions versées par les ministères à l’exception de celles des opérateurs, des collectivités locales et des établissements hospitaliers.

 

Moyens humains alloués aux OS en 2022

 Fonction publiqueNombre d'ETPValorisation €
Décharges interministérielles

FPE

71

4 092 549

Décharges ministérielles

6325

363 024 164

Autres autorisations spéciales d'absence

3687

211 635 668

 

Total FPE

10 083

578 752 381

Crédits de temps syndicaux tirés de la représentativité

FPT

3246

121 171 121

Autres autorisations spéciales d'absence

946

35 320 114

Mises à dispositions

103

3 844 990

 

Total FPT

4 295

160 336 225

Crédits de temps syndicaux tirés de la représentativité

FPH

2025

97 509 589

Autres autorisations spéciales d'absence

590

28 423 049

Mises à dispositions

102

4 912 728

 

Total FPH

2 717

130 845 366

Total 

17095

869 933 972

Source : Cour des comptes, octobre 2024.


Ainsi les moyens humains consacrés aux OS en 2022 dans les trois fonctions publiques pouvaient s’élever à 17.095 ETP, pour un coût estimatif de 869,9 millions d’euros, dont 578,7 millions pour la FPE (10.083 ETP), 160,3 millions d’euros pour la FPT (4.295 ETP) et 130,84 millions d’euros pour la FPH (2.717 ETP).

Mais il faut également y ajouter des moyens matériels et financiers pour un montant très incomplet de 4,1 millions d’euros uniquement identifiée dans la FPE (ce qui ne préjuge pas de ceux offerts par la FPT et dans la FPH). La ventilation serait la suivante, toujours en 2022 :

 Montant (FPE uniquement)
Subvention annuelle versée aux OS représentatives de la FPE

2 178 207

Subvention annuelle exceptionnelle versées aux OS de la FPE

200 000

Autres subventions annuelles versées par les ministères

1 736 306

Total

4 114 513

Source : Cour des comptes octobre 2024.

Le total ainsi dégagé de près de 874 millions d’euros constitue donc un plancher quant aux moyens réellement mis à disposition des organisations syndicales (OS). Or les mises à dispositions de locaux, leur valorisation etc. pourraient parfaitement faire l’objet d’une section particulière au sein du RSU des ministères et/ou des établissements et des collectivités concernées. Il est indispensable qu’une vraie transparence soit faite à cet endroit afin de pouvoir disposer d’une vision à coût complet du dialogue social et de l’organisation des élections professionnelles dans le secteur public[5]

Un renforcement du recensement des moyens syndicaux est nécessaire

 

Les lacunes identifiées plus haut appellent à des mesures correctives qui passent par un renseignement minutieux à intégrer dans les RSU ministériels, des opérateurs et des collectivités locales et des établissements hospitaliers :

  • Recenser pour l’ensemble des organismes des jours de grèves ;

  • Recenser l’ensemble des coûts liés à l’organisation des élections professionnelles dans le secteur public (et les coûts croisés s’il y a lieu[1]) ;

Recenser l’ensemble des coûts financiers et des mises à disposition de locaux et de moyens à titre gratuit aux OS dans les 3 FP par chaque employeur public.

Mais des coûts indus perdurent à cause du maintien de situations avantageuses :


Ainsi, malgré la promulgation de la loi, le volume des droits syndicaux réglementaires calculés à partir du nombre d’électeurs inscrits au comité technique ministériel (CTM) à raison 1 ETP/230 électeur aurait dû conduire avec la baisse des effectifs de certains ministères à une baisse corrélative des droits réglementaires à chaque élection.

Si l’on prend l’exemple des ministère économiques et financiers, après les élections de 2018 les droits réglementaires pour ces derniers ont baissé de 651 ETP à 608 ETP. En 2022 ils auraient dû encore baisser pour atteindre 553 ETP soit -9%. Pourtant ces droits ont été maintenus. En effet lors de la réunion du CTM (comité technique ministériel) le 23 juin 2022 le ministre des comptes publics à annoncé qu’il « souhaitait le maintien d’un dialogue soutenu » et « qu’il n’y aurait pas de baisse des droits réglementaires ». La baisse attendue de 55 ETP syndicaux n’a pas eu lieu et ce pour l’actuelle mandature 2023-2026. 

Il existe par ailleurs un volume de droits supplémentaires dérogatoires résultant de la consolidation de droits historiques. Ainsi toujours pour les MEF, un contingent de ce type existe de 217 ETP fin 2011, sa mise en extinction progressive aurait dû déboucher sur sa suppression fin 2021. Mais ce dispositif a également fait l’objet d’un dispositif d’accompagnement, permettant d’exclure de cette baisse les permanant partant à la retraite l’année de leur départ et les permanents confédéraux (38 ETP). En 2021 et 2022 les ministres ont accordé le report d’une partie des droits syndicaux non consommés à raison de l’impossibilité d’organiser des réunions syndicales soit 37 ETP. Par ailleurs afin d’organiser les élections professionnelles de 2022, un bonus électoral a été accordé à titre exceptionnel, de 12 ETP. Par ailleurs lors du même CTM du 23 juin 2022, le ministre des comptes publics a « annoncé le maintien de la prise en charge des permanents « confédéraux » dans la limite de 45 ETP, et des permanents partant à la retraite dans l’année, ainsi que la prise en charge des frais de déplacement des suppléants des FSSCT. »

Ces différents reports ou facilités non prévues par les textes (comme la prise en charge des frais de déplacement des suppléants) reposent au mieux sur de simples décisions ministérielles et nuit à l’équité de traitement des agents publics. Ainsi la préservation de droits réglementaires dérogatoires est à l’origine du maintien d’une centaine d’ETP pour un surcoût pour le MEF de 14,6 millions d’euros

Dans les ministères sociaux aux 84 ETP mis à disposition pour exercer un mandat national, s’ajoute pour les catégories A un disposition de MAD spécifique. 

Dans les secteurs sanitaire, social et médico-social des MAD ont lieu sans fondement juridique. Si des MAD pour des mandats nationaux existent dans la FPT et la FPH à hauteur respectivement de 103 agents et 102 agents, les OS bénéficient dans les établissements privés à but non lucratif de MAD à hauteur de 56 ETP financés sur fonds publics. Via deux accords distincts, (31 octobre 1951 et 23 avril 2015) le coût de remplacement du salarié est compensé à l’établissement par une majoration de la dotation de l’établissement.

Point de fuite également, les collectivités territoriales disposent toujours de la « possibilité d’offrir aux organisations syndicales des conditions plus avantageuses que celles fixées par le décret » relatif à la FPT du 3 avril 1985. Cette faculté devrait tomber avec une mise en application rigoureuse de l’esprit de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019. 

Conclusion :

Le dialogue social dans la fonction publique a un coût qu’il s’agirait d’évaluer au plus juste afin de permettre une comparaison effective avec le secteur privé. Pour cela, le RSU (rapport social unique) des différentes entités publiques doivent comporter des indicateurs permettant de renseigner la fréquence des grèves (nombre d’heures), les moyens humains et financiers affectés aux OS, ainsi que leur évaluation monétaire lorsqu’ils sont attribués en nature.

Par ailleurs, il est nécessaire de mettre progressivement fin aux pratiques sans base légale ou proprement contra legem, qui perdurent en matière de dialogue social, afin de dégager les économies prévues initialement par la loi du 6 août 2019 et ainsi améliorer l’évaluation de son déploiement ex post. Pour cela la réflexion actuelle menée sur la suppression des corps dans la FPE qui pourraient être remplacés par des filières d’emplois, devraient ajouter à la simplification de ce même dialogue social et permettre des redéploiements en direction d’une meilleure GPEEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) autorisant les employeurs publics à consacrer plus de temps à leur gestion RH. La contractualisation de la fonction publique en marche est désormais bien documentée y compris en terme de dialogue social via le déploiement de CCP (commissions consultatives paritaires) communes à l’ensemble des catégories (A,B,C). Cela constitue une bonne nouvelle car elle acte toujours un peu plus le caractère progressivement dual de la fonction publique ; une dynamique qu’il convient encore de renforcer pour déboucher sur une gestion vraiment égalitaire entre contrat et statut. 


[1] FSSCT pour formations spécialisées en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail. 

[2] On peut regretter cette organisation bicéphale, laissant la gestion RH au contrôle des OS, tandis que le fonctionnement de l’hôpital serait « désyndicalisé » au moins facialement. Ce qui limite la mise en place de rationalisations et d’économies s’agissant de la gestion des effectifs en place. 

[3] Voir en particulier Manon Meistermann, En finir avec les abus du droit de grève, Société Civile n°259, septembre 2024 https://www.ifrap.org/la-revue/en-finir-avec-les-abus-du-droit-de-greve

[4] Ni les jours de grèves d’ailleurs puisque l’on ne dispose pas de statistiques consolidées pour la FPH et la FPT ni pour l’ensemble des opérateurs de l’Etat… or à chaque fois une synthèse des RSU devraient permettre d’en dégager les grandes masses. 

[5] Le coût des élections professionnelles dans les trois versants de la fonction publique n’est pas davantage documenté. Contrairement à celui des élections politiques. 

[6] Ainsi par exemple au ministère de l’intérieur, le coût des élections pour 2022 était évalué à 2,297 M€ dont 1,524 M€ pour la seule solution de vote. Ce montant doit être rapproché de la subvention versée par le ministère pour le financement des OS, soit 1,445 M€/an, soit un coût unitaire de 159% tous les 4 ans de ses subventions habituelles au dialogue sociale. Aucun recensement général n’existe d’après la Cour des comptes.