Le poids de la fiscalité verte en hausse continue depuis 10 ans
De nombreuses propositions de baisses de la fiscalité énergétique figure aux programmesdes candidats aux législatives. L'occasion de faire le point sur ce volet de la fiscalité : selon les périmètres retenus, la fiscalité environnementale représente en France entre 56 et 60 milliards € en 2019 (dernière année hors Covid). Selon les statistiques établies par le ministère des Finances, les montants devraient même s'élever à 64 milliards en 2021 en y incluant la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. La fiscalité environnementale n'a cessé de croître dans notre pays ces dernières années : +53 % depuis 10 ans.
Fiscalité environnementale : où se situe la France ?
Les chiffres de la fiscalité environnementale sont publiés chaque année en annexe au budget préparé par Bercy. Ils montrent une progression constante de la fiscalité environnementale.
Alors que l’Union européenne tente d’être pionnière en la matière et que la France se veut exemplaire, on observe toutefois que plusieurs de nos voisins ont entamé une baisse des impôts environnementaux. Ainsi en Allemagne ou en Suède, la fiscalité environnementale a reculé de 0,4 pt entre 2011 et 2019.
Taxes liées à l’environnementTotal, % du PIB (OCDE)
L’écart avec l'Allemagne équivaut à 0,7 pt de PIB soit 17 milliards € de plus. La hausse de la fiscalité tient à la progression de la taxe carbone mise en place en 2014. Elle s'élevait en 2015 à 14,50 € la tonne (hors TVA) et devait passer à 44,6 € en 2018 et 86,2 € en 2022. La crise des gilets jaunes en 2018 a conduit à une pause. La taxe carbone qui fût gelée devrait théoriquement augmenter pour atteindre 100 € en 2030.
Les différents impôts en faveur de l’environnement
L’annexe budgétaire récapitule la liste des ressources publiques environnementales. Ces ressources diffèrent des taxes retenues dans les comparaisons européennes avec un périmètre plus large. On note le poids des taxes énergétiques (dont 33,1 milliards € prévus en 2022 au titre des recettes de TICPE, 8 milliards € de recettes de TICFE et 2,4 milliards € de recettes de TICGN). On note aussi la multiplicité des taxes environnementales avec 19 taxes énergétiques, et 40 taxes sur le transport ou la protection de l'environnement. Certaines avec un rendement négligeable inférieur à 10 millions € par an. S’y ajoutent d’autres ressources publiques à hauteur de 4,1 milliards € qui recouvrent les recettes issues des amendes pour excès de vitesse (estimées à 2 milliards € au titre de 2021), de la vente aux enchères des quotas carbone (0,7 milliard €) et des écoparticipations filière REP (1,4 milliard €). Ces taxes vertes représentent un coût total de 64 milliards € si on ajoute les autres ressources publiques.
Qui paye la fiscalité énergétique ?
Les taxes sur l'énergie sont payées à 66 % par les ménages et à 34 % par les entreprises et administrations en 2020. Les ménages supportent en moyenne 900 € par an de fiscalité énergétique et cette fiscalité énergétique représente 29,7 % de leur facture énergétique. En ce qui concerne l'industrie, le poids de la fiscalité énergétique varie selon les secteurs : 0,30 % de la valeur ajoutée pour la pharmacie par exemple, 0,60 % pour la métallurgie, 1,2 % pour l'imprimerie.
Cette augmentation, au titre de la protection de l’environnement, pèse sur le budget des entreprises et des ménages. Une tarification qui aura un impact majeur sur les prix à la consommation de produits carbonés. À cela, il faut ajouter la TVA. C'est en effet une originalité de notre fiscalité de compter des taxes sur les taxes : c'est le cas pour les taxes sur la consommation d'eau, de gaz ou d'électricité. C'est aussi vrai pour la TICPE. Les montants de TVA collectés sur ces consommations correspondent entre 11 et 14 milliards € de recettes (7 % du total de TVA).
A quoi est affectée la fiscalité verte ?
La fiscalité écologique a pour principal objectif de dissuader les consommateurs d’utiliser des produits néfastes à l’environnement. Cette fiscalité est justifiée par le principe du pollueur-payeur, inscrit dans la Charte de l’environnement. Les taxes vertes sont donc majoritairement incitatives, mais à quoi ces recettes sont-elles affectées ? La TICPE, qui est la taxe environnementale qui rapporte le plus à l’État et la cinquième ressource budgétaire des administrations publiques n’est majoritairement pas orientée vers la transition écologique. Le lien avec l'environnement est parfois contestable, comme la contribution tarifaire d'acheminement qui finance les retraites des électriciens et gaziers.
Et si les recettes des versements transports sont affectées au développement des transports, celles des TEOM au service de traitement des ordures ménagères, ces investissements ne sont pas forcément liés à leur développement durable, mais aussi à leur bon fonctionnement. Enfin, une part des recettes de la fiscalité environnementale est affectée à l'intervention de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) : 0,4 % qui assure la collecte de 82 % du rendement de la fiscalité verte.
Le déploiement de la fiscalité énergétique doit être le plus neutre possible pour les citoyens/consommateurs/contribuables et se substituer à la fiscalité existante. Cela permettrait de décourager les comportements à risques sans pénaliser le pouvoir d'achat. Cette évolution impose aussi de maîtriser les dépenses publiques et plus globalement les dépenses courantes non environnementales pour financer les investissements nécessaires à la décarbonation de la société.
La fiscalité verte est-elle progressive ? Durant la campagne présidentielle, plusieurs candidats proposaient de renforcer la fiscalité environnementale (ISF climatique). Aujourd’hui, la fiscalité verte est proportionnelle et évolue en fonction de la consommation, comme c’est le cas de la TICPE ajustée au prix des produits énergétiques tels que le gazole ou l’essence. De plus, la TVA imposée sur l’énergie et les carburants, est aussi proportionnelle. Comme la fiscalité environnementale a pour objectif premier de désinciter à la consommation de produits polluants, une taxe proportionnelle n’a pas le même poids en fonction du revenu de la personne qui la paye. La totalité des taxes environnementales représente 4,5 % des revenus des 20 % les plus pauvres contre seulement 1,3 % des revenus des 20 % les plus aisés. Il existe également une disparité entre les milieux ruraux et urbains, la moyenne des taxes vertes pour les ménages dans les zones rurales correspond à 2,8 % de leur revenu contre 1,3 % pour les habitants de la région parisienne. Il est donc évident qu’une telle incitation fiscale n’a pas le même poids pour tous les foyers. Cependant, alors que les prix de l’énergie bondissent et que l’État rembourse une part des taxes aux foyers les plus démunis à travers le chèque énergie. On peut donc se demander si cela ne tend pas à rendre la fiscalité verte progressive. En 2021, 5,8 millions de ménages ont reçu un chèque énergie, représentant au total 866 millions €. La valeur moyenne des chèques émis est de 148 €. Ces ménages ont reçu 100 € supplémentaires en décembre 2021. |