Le débat biaisé des cadeaux aux entreprises
Depuis le printemps fleurissent de nombreuses critiques sur les aides aux entreprises en France qui seraient trop importantes. Tout le monde y va de son petit couplet pour dire que les entreprises seraient trop subventionnées en France et que cela coûterait de plus en plus cher. Ce débat est totalement tronqué et semble vouloir masquer le sujet de la maîtrise des dépenses publiques.
Cette tribune a été publiée dans les pages des Echos, le 4 septembre 2023. |
Que sont ces aides aux entreprises ? Ce sont massivement des allégements de taxes, impôts et cotisations sociales… Sur 157 milliards en 2019, on dénombre 32 milliards de subventions proprement dites et 125 milliards de baisses de prélèvements obligatoires dont 25 milliards sur les impôts de production, 35 sur l'impôt sur les sociétés et plus de 60 sur les charges sociales.
Un écart qui tarde à se résorber
Si ces allégements d'impôts n'existaient pas, nos entreprises seraient dans une situation fiscale totalement intenable et beaucoup d'entre elles auraient déjà mis la clé sous la porte. Malgré ces milliards en moins, les prélèvements obligatoires sur l'ensemble des sociétés représentent 14,6 % du PIB, soit presque 6 points de plus que nos voisins de la zone euro en moyenne. Et force est de constater que cet écart se résorbe très lentement depuis 2017 en dépit de toutes les mesures adoptées.
Même en comptant les aides, qu'elles soient sociales, budgétaires ou fiscales, les entreprises françaises paient 120 milliards de plus que les entreprises allemandes en 2022 en prélèvements obligatoires. Avec des écarts particulièrement importants sur les taxes de production (69 milliards de plus) et sur les cotisations sociales (49 milliards de plus).
Il est aussi intéressant de comparer avec les Etats-Unis D'aucuns disent que les Américains avec l'IRA vont subventionner tous azimuts les entreprises… Là encore, on confond allégrement dépenses budgétaires et mesures fiscales, puisque la majeure partie des mesures de l'IRA sont des crédits d'impôts ou des baisses d'impôts : 300 milliards sur 391 milliards du paquet climat, soit plus de 76 % des mesures !
L'écart se creuse avec les Etats-Unis
Par ailleurs, si l'on additionne prélèvements obligatoires et aides, nos entreprises paient 100 milliards de plus que les entreprises américaines en prélèvements obligatoires. Avec l'IRA, l'écart va encore se creuser. Le problème numéro 1 pour produire en France pour nos entreprises reste évidemment de payer trop d'impôts sur la production et sur le travail.
Ce boulet fiscal et social, et c'est en grande partie pour cela que nous avons détruit 2 millions d'emplois dans l'industrie depuis les années 1980, a divisé par deux la part de l'industrie dans le PIB et fait passer dans le rouge notre balance commerciale sur les biens depuis le début des années 2000.
A la veille de la discussion budgétaire pour 2024, la crainte que l'on peut émettre est que ces discours sur les aides fassent flores et que certains veuillent raboter qui le crédit impôt recherche, qui les allégements de charges sur les salaires. La niche sur le gazole non routier est d'ailleurs déjà dans le viseur. Ce seront des impôts en plus pour nos entreprises qui n'en ont clairement pas besoin !
Lorsque le gouvernement s'apprête à baisser la CVAE de 1 milliard en 2024, cela va dans le bon sens, mais c'est très loin des engagements initiaux de supprimer 8 milliards en deux ans. Là, ce sera 8 milliards en cinq an s, une allure de tortue. Quand on a plus de 100 milliards d'euros d'écart avec les pays comparables à la France, cela frise le ridicule et perturbe les anticipations des entrepreneurs.