La majorité des pays européens n’a pas, à ce jour, reconfiné toute sa population !
La panique semble avoir gagné. A nouveau, nous sommes dans l’attente de nouvelles annonces « tour de vis » comme on dit maintenant. Soi-disant en faisant comme « tous les pays » sont en train de le faire ? Mais, à ce jour, quand on regarde dans le détail, mise à part l’Irlande, aucun pays autour de nous n’a vraiment à nouveau confiné toute sa population.
Cettre tribune, publiée par le Figaro le 28 octobre 2020, est co-signée par Agnès Verdier-Molinié, directeur de la Fondation iFRAP et Michaël Peyromaure, chef du service d'urologie de l'hôpital Cochin, à Paris. |
En Espagne ? les restaurants sont ouverts jusqu’à minuit. Certes, Madrid et quelques autres villes espagnoles sont partiellement reconfinées mais dans ces mêmes villes, les restaurants, bars, hôtels sont toujours ouverts et ferment… à 23h.
A Berlin, le couvre-feu commence à 23 heures.
Au Royaume-Uni, les commerces vendant de la nourriture à consommer sur place doivent fermer à 22h et le télétravail, recommandé, n’est pas obligatoire. Seul le Pays de Galles a reconfiné toute sa population.
La France a déjà, lors du confinement du printemps, appliqué un confinement beaucoup plus dur et strict que dans la plupart des pays de l’Union. Nous sommes déjà à 10 points de perte de richesse nationale alors que les Allemands qui ont moins confiné que nous, qui n’ont pas arrêté leurs chaînes de production, qui ont permis aux secteurs dits « non essentiels » de tourner, vont être à -5,8% de PIB. Dans la zone euro, la moyenne est de -7,9%.
Voulons-nous aller encore plus loin dans la récession ? Nos entreprises ne le supporteront pas et nos emplois non plus.
Aucune activité ne doit être totalement stoppée contrairement au précédent confinement. Ni les commerces, ni les restaurants, ni les transports publics, ni la poste, ni l’industrie ni les services. Tout doit continuer à tourner. Et aucune distinction entre activité essentielle ou pas essentielle ne doit être faite. Pour chacun d’entre nous, le commerce dans lequel nous travaillons, ou l’association ou l’entreprise, quelle qu’elle soit, est essentielle. Qui peut déterminer ce qui est essentiel ou non dans notre économie ? Les politiques, les syndicats, les médecins ? Ce serait bien présomptueux. Ce serait encore un boulevard pour les plateformes en ligne.
La continuité du travail doit être le fil rouge des décisions publiques. Incitation au télétravail oui, mais pas de frein aux activités non « télétravaillables ». La France n’est pas faite que de geeks ou de traders qui peuvent travailler à distance. La France n’est pas faite que de titulaires de postes à vie qui ne craignent pas le chômage. La France est faite aussi de petits commerçants, de TPE, de PMI, de professions libérales qui sont déjà surendettés et qui ne pourraient pas supporter un nouveau stop sur leur activité.
Inutile de répondre à cela que l’État va apporter des aides et prendre en charge certaines dépenses courantes. Ces aides supplémentaires n’empêcheront ou n’empêcheraient aucunement le délitement de notre écosystème entrepreneurial. Elles ne feraient que masquer pauvrement les lézardes qui fissurent déjà notre économie. Choisissons le travail avant tout.
Ce ne serait pas possible car le sanitaire doit primer, au nom du taux d’occupation des lits de réanimation dont on ne comprend même pas comment il est calculé ? 2918 patients atteints du Covid dans des lits de réanimation, nous dit Santé publique France ? Mais on comprend ensuite que l’on mélange tous les types de lits dans cette statistique. Que nombre de ces patients sont en fait dans des lits de soins intensifs ou dans des lits d’unités de surveillance continue. Soit, selon les chiffres de la Drees 2018, 18.917 lits en France métropolitaine sur l’ensemble des établissements de santé et pas 5.800 lits comme affiché. Quel est aujourd’hui le vrai taux d’occupation des lits de réanimation ?
Par ailleurs, le nombre de morts en Ehpad ne doit-il pas être dissocié du nombre de morts à l’hôpital pour éviter, comme pour le 27 octobre, un affichage catastrophique de 523 morts sur la journée alors que le nombre de décès à l’hôpital est de 290 et que le nombre de morts en Ehpad est une compilation des données sur plusieurs jours ? Ne faut-il pas suivre aussi le nombre total de décès toutes causes comprises en comparant aux années précédentes ?
Où est la transparence sur ces statistiques qui sont et vont être décisives dans les nouvelles décisions du gouvernement ? Le classement d’un département en rouge ou rouge écarlate repose notamment sur deux indicateurs : nombre de nouveaux cas positifs supérieurs à plus de 250 pour 100.000 habitants (taux d’incidence) et taux d’occupation des lits de réanimation supérieur à 30%.
De surcroît, et il faut s’en féliciter, l’évolution des traitements (par antithrombotique et oxygène haut débit sans intubation) diminue le besoin de lits en réanimation et de personnel associé. Le 2 octobre, le porte-parole du gouvernement expliquait : « on a progressé sur la connaissance du virus, on traite mieux aujourd’hui les malades qui arrivent avec des formes graves à l’hôpital, on a moins besoin de les intuber. »
Comment se fait-il que les spécialistes des soins à domicile qui savent oxygéner les patients avec une télésurveillance ne soient pas plus associés en ce moment aux décisions sanitaires ? Comment se fait-il que les médecins et infirmières en retraite ne soient pas déjà réquisitionnés ? Où est passée la réserve sanitaire déjà largement sous employée en mars-avril ? Comment comprendre que l’appel de réanimateurs à former leurs collègues dont ce n’est pas la spécialité n’ait pas encore été entendu ?
Médecine de ville, hôpitaux, cliniques privées, soins de suite, hospitalisation à domicile, soins à domicile, la solution repose sur toute la chaîne de soins et pas seulement l’hôpital comme nous le fait systématiquement penser (ou croire) notre système hospitalo-centré.
Quelle est la stratégie depuis la première vague ? Allons-nous sacrifier l’économie française sur l’autel des problèmes de coordination et d’anticipation dans notre système de soins ? En sommes-nous vraiment arrivés là ?