Investissements publics : la France a lâché l’affaire et cela a des conséquences sur la croissance
Avec 59% du PIB, en 2021, la France est au premier rang des 29 pays de l’Union européenne en matière de dépenses publiques. La part des dépenses des collectivités territoriales ne représente que 19% de ces dépenses tandis que les investissements s’élèvent à 3,6% du PIB (15ème rang) dont plus de 58% sont à l’initiative des collectivités, cette part importante place notre pays au 2ème rang européen et reflète le rôle central des collectivités dans le domaine. Ces investissements par rapport à l’ensemble des dépenses ne sont que de 6,1% ce qui nous place au… 23ème rang sur les 28 pays de l’Union. La France se caractérise donc en étant un pays extrêmement dépensier… mais qui investit très peu.
L’investissement public n’est pas une priorité gouvernementale
Les aides diverses à l’investissement sont de l’ordre de 1,2% du PIB (6ème rang) dont le tiers provient des collectivités locales cette part correspond au 2ème rang européen. Par rapport au total des dépenses ces aides représentent 2% (9ème rang) et 3,6% des dépenses des collectivités (2ème rang). Ces aides à l’investissement ne peuvent stricto sensu être considérés comme des investissements publics, ils sont des transferts en capital opérés par les APU. Soit des «transferts en capital en nature», c’est-à-dire le transfert de la propriété d’un actif fixe corporel (autre que des stocks ou des espèces) ou l’annulation d’une dette par un créancier sans contrepartie. Soit des «transferts en capital en espèces», qui est le transfert d’un montant en espèces, soit qu’une des parties à l’opération a obtenu en cédant un ou plusieurs actifs (autres que des stocks), soit que l’autre partie est supposée ou tenue d’utiliser pour acquérir un ou plusieurs actifs (autres que des stocks). Cette seconde partie – ou bénéficiaire – est obligée d’utiliser les espèces en question pour acquérir un ou plusieurs actifs comme condition de la réalisation du transfert.
Le déficit public et la charge de la dette sont de très loin supérieurs aux montants investis avec respectivement 6,5% du PIB, 23ème rang ; (11% des dépenses, 21ème rang) et 1,4% du PIB, 12ème rang ; (2,4% des dépenses, 17ème rang). Ceci reflète le fait que notre dette publique, loin de servir à financer nos investissements, est en grande partie consacrée à financer des déficits d’exploitation. Ce n’est pas une généralité puisque, 11 pays membres de l’UE affichent un taux d’investissement supérieur à leur déficit public (Suède, Croatie, Finlande, Danemark, Pays-Bas, Estonie, Luxembourg, Lituanie, Irlande).
Malgré des taux d’intérêt très bas pour financer nos déficits, la charge d’intérêt représente 1.4% de notre PIB et nous place en 20ème position juste devant la Croatie, la Belgique, Chypre, la Hongrie, le Portugal, la Grèce l’Italie et l’Islande, bien loin derrière l’Allemagne 11ème rang.
Des dépenses orientées vers la protection sociale, la santé et l’administration
Sur les dix dernières années, la France est sans surprise le pays dont les dépenses publiques sont les plus élevées (57,2% du PIB). En particulier, la dépense en matière de protection sociale nous place au second rang européen juste derrière la Finlande avec 24,5% du PIB et près de 43% du total des dépenses. La lourde charge liée à la protection sociale est principalement liée au poids des retraites qui représentent à elles seules 51,7% du total, mais aussi du chômage 12,1%.
Viennent ensuite, la santé avec 8,17% des dépenses (9ème rang), les services généraux des administrations, 6,4% du PIB (18ème rang) puis, les affaires économiques 5,6% du PIB (13ème rang), l’enseignement 5,44% du PIB (10ème rang), la défense 1,81% (3ème rang), l’ordre et sécurité publique 1,62% (20ème rang), loisirs et culture 1,48% (9ème rang), logements et équipements collectifs 1,17% du PIB (4ème rang) enfin, la protection de l’environnement 0,98% du PIB (6ème rang).
Des investissements orientés vers les affaires économiques et les services généraux des APU
Sur les dix dernières années, la part des investissements publics dans les dépenses est de 6,1% soit le 23ème rang européen. A elles seules les affaires économiques représentent 33% (19ème rang) des investissements publics, ces investissements sont principalement ciblés sur le transport pour 50% et sur la recherche et développement pour 30%.
13% des investissements sont au profit des services généraux des APU (21ème rang).
L’enseignement capte 10% des investissements (22ème rang) c’est 4 points de pourcentage de moins que l’Allemagne, 16 points de moins que l’Islande.
La santé 10% également (11ème rang), la part des investissements est de 9 points inférieure à celle de l’Autriche, et 7 par rapport au Danemark.
La France consacre 9% de ses investissements pour la défense (6ème rang) c’est moins que l’Estonie (13%), l’Italie (11%), l’Allemagne (10%).
En revanche, la France consacre la même part (9%) de ses investissements pour les loisirs, la culture et les cultes (4ème rang), 7% pour le logement et les équipements collectifs (8ème rang), la protection de l’environnement absorbe 6% des investissements publics (10ème rang), 4% des investissements pour la protection sociale (6ème rang) et enfin 3% pour l’ordre et la sécurité publique (19ème rang).
Quelles conséquences sur la croissance
Le tableau ci-dessous relie le taux de croissance du PIB à prix courant avec celui des investissements publics, la part de ces investissements dans les dépenses publiques et enfin, la part des dépenses publiques dans le PIB. 23 pays de l’union sont comparés sur une période économique relativement calme de 2013 à 2019.
En vert les données qui classent le pays dans les douze premiers, en rouge celles qui le classent dans les onze derniers.
Le constat est assez simple, les pays qui cumulent une forte croissance des investissements publics avec un forte part de leurs dépenses publiques dans ce domaine et une dépense publique par ailleurs modérée par rapport à leur PIB connaissent une forte croissance du PIB.
Ceci devrait être source d’inspiration pour nos gouvernants, il convient certainement en France de réorganiser nos administrations publiques en redéfinissant les compétences entre les échelons locaux et nationaux, développer des partenariats public-privé, afin de faire baisser nos dépenses tout en préservant nos investissements publics.
Ce faisant le pays retrouverait une croissance qui par les recettes générées améliorerait notre situation financière et apaiserait les tensions sociales.