Impôts, ISF : ce que coûtent (ou font gagner) les propositions des candidats à la présidentielle
Chaque semaine, la Fondation iFRAP passe au crible une mesure au coeur du débat de la présidentielle en partenariat avec l'Express. Cette semaine, la question de la fiscalité sur la fortune.
Après un quinquennat de quasi-stabilité fiscale (de 45,1 % de taux de prélèvements obligatoires en 2017 à 44,9 % en 2021...), le vent va-t-il tourner pour faire face à l'endettement massif de l'Hexagone ? Si les candidats de droite proposent plutôt une nouvelle baisse de la fiscalité en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune, ceux de gauche militent sans surprise pour un alourdissement de la taxation des plus aisés, qui sont déjà fortement mis à contribution. En France, la fiscalité directe est en effet extrêmement concentrée : en 2019, les 10 % les plus fortunés payaient 55 % de l'impôt sur le revenu, 66 % de la taxe d'habitation, 76 % de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), et 30 % de la CSG et des contributions sociales associées. Décryptage des propositions des candidats
Impôt sur le revenu : entre une baisse de 5 milliards et un alourdissement de 32,8 milliards d'euros
S'agissant de l'impôt sur le revenu, le candidat proposant les mesures d'alourdissement les plus significatives est Jean-Luc Mélenchon. Celui-ci développe la mise en place d'un impôt direct universel touchant les personnes physiques et morales, triplant quasiment le nombre de tranches actuelles (14 tranches contre 5 actuellement) avec un taux marginal de 65 %. Son rendement serait de 15 milliards d'euros environ auxquels s'ajouterait la limitation des écarts de rémunération en entreprises de 1 à 20. Fabien Roussel propose quant à lui un impôt sur le revenu à 15 tranches pour un rendement voisin. Par ailleurs, pour Jean-Luc Mélenchon l'impôt serait totalement individualisé (suppression du quotient conjugal, + 10,8 milliards d'euros d'impôt), tandis que la CSG serait aussi alignée sur ce barème mais resterait distincte à rendement constant (ce qui alourdirait très fortement la fiscalité pesant sur les revenus importants et sur les revenus de capitaux). Le candidat propose en outre l'établissement d'une taxe sur les transactions financières (5 milliards d'euros), le rétablissement de l'exit tax (2 milliards) et l'imposition au barème des revenus de capitaux mobiliers (rendement neutre, voire négatif à cause des effets anti-redistribution).
Anne Hidalgo reprend l'idée d'une limitation des rémunérations de 1 à 20 sans chiffrer la mesure. Elle se positionne également comme Yannick Jadot sur un renforcement de la progressivité de l'impôt sur le revenu. Celui-ci y ajoute aussi son individualisation (comme Jean-Luc Mélenchon) et aussi la suppression du quotient familial (+ 19 milliards d'euros d'impôts) remplacés par des crédits d'impôts. Ces deux dernières mesures pourraient augmenter l'imposition des plus aisés de près de 8,9 milliards d'euros.
A droite, Valérie Pécresse propose un doublement du plafond de crédits d'impôts sur les services à la personne (- 0,5 milliard d'euros) et la défiscalisation des pensions alimentaires pour le parent ayant la garde des enfants à charge (- 0,5 milliard). Enfin la candidate envisage un crédit d'impôt pour les ménages pour les investissements de proximité plafonnés à 20 000 euros et déductible à 50 % (- 0,5 milliard).
Eric Zemmour propose une augmentation du plafond du quotient familial à 3 000 euros contre 1 592 actuellement (- 1,3 milliard d'euros). Marine Le Pen propose une pleine part fiscale dès le premier enfant (- 2,2 milliards d'euros), sans toucher au plafond du quotient familial, et une mesure d'exonération totale d'IR pour les moins de 30 ans (- 2,8 milliards d'euros).
Un ISF climatique à gauche
A gauche, la plupart des candidats se prononcent pour la mise en place d'un ISF climatique situé entre + 6 et + 8 milliards d'euros si l'on se base sur la proposition de Greenpeace par rapport au rendement de l'IFI actuel. Au rétablissement de l'ISF dans sa version de 2017 (+1,6 milliard) s'ajouterait un complément d'imposition de 4,3 milliards d'euros lié à une composante carbone. Fabien Roussel évoque, lui, un triplement de l'impôt sur la fortune (ISF) dans sa version de 2017, soit + 13 milliards d'euros d'impôt en plus par rapport à l'IFI actuel, plus progressif et sans niche fiscale. Il est le seul dans son camp à ne pas le rendre explicitement "climatique" à ce stade.
A droite, aucun candidat ne propose de suppression sèche de l'IFI dans sa forme actuelle. Valérie Pécresse se positionne pour un renforcement de l'abattement pour la résidence principale à 50 % (- 170 millions). Eric Zemmour se positionne pour une sortie de la résidence principale de l'assiette de l'IFI en lieu et place de l'abattement de 30 % actuel (- 600 millions d'euros). Marine Le Pen propose une inversion partielle d'assiette en "sortant" la résidence principale ou le seul actif immobilier détenu (lorsque la personne est locataire de sa résidence principale) tout en exonérant les propriétés agricoles. Elle rétablirait l'imposition de la fortune mobilière en y ajoutant les oeuvres d'art (soit + 1,4 milliard d'euros pour "l'imposition sur la fortune financière", IFF, par rapport à l'IFI actuel).