Imposition retraités : attention danger
A quelques brèves semaines des élections, les candidats égrènent lentement leurs propositions. Presque chaque jour notre attention est savamment tenue en haleine par de nouvelles surprises, et nous en tirons surtout l'impression que les candidats vont retenir l'information jusqu'au bout par peur d'aborder les sujets qui fâchent et font perdre des voix. Quelle différence avec la stratégie qu'avait naguère suivie David Cameron avec le mérite de la clarté !
En matière de fiscalité, nous avons récemment eu droit à la tranche de 75% du candidat socialiste, relayée par l'annonce présidentielle de la pénalisation des exilés fiscaux. A quoi faut-il s'attendre demain, ou surtout après l'élection ? Michel Sapin a déclaré quant à lui que François Hollande conservait par devers lui des « cartouches ». Il serait bien venu de les tirer sans attendre, cela s'appelle le jeu de la démocratie.
Les retraités vont être très sollicités
Les retraités ne font encore l'objet d'aucune annonce de la part de candidats. Et pourtant tout le monde sait que cette catégorie de la population est en première ligne pour supporter les effets de l'austérité promise : sauf exception, ni eux-mêmes, ni leur patrimoine, composé de biens au soleil immobiliers ou d'assurances-vie, ne sont délocalisables. Le silence est donc suspect. C'est ce que remarque par exemple Jean-Marc Vittori, éditorialiste aux Echos, qui ne craint pas d'affirmer sous le titre « Retraités, un silence trompeur », qu'il n'y a aucune raison « qu'ils [les retraités qui vivent bien] échappent à l'effort collectif ».
Dans le collimateur : d'abord les retraites elles-mêmes, dans la mesure où elles bénéficient de deux niches fiscales, l'une portant sur l'abattement pour frais professionnels de 10% dont disposent les salariés, l'autre sur la CSG, prélevée à des taux variables suivant leurs ressources et au maximum de 6,6% sur leurs pensions, au lieu de 7,5% sur les salaires. Ces niches, et surtout la seconde, sont de plus en plus évoquées, et le CESE (Conseil Economique, Social et Environnemental) s'est prononcé l'année dernière en faveur de la suppression de cette seconde niche en vue de participer au financement de la prestation dépendance.
Imposition des loyers implicites : une proposition injustifiée
Par ailleurs, il y a la question de l'imposition des loyers fictifs autrement appelés loyers implicites (ceux que les propriétaires sont censés se verser à eux-mêmes lorsqu'ils occupent leur propre logement). Sujet que l'iFRAP a évoqué plusieurs fois au cours des précédents mois pour s'y opposer. Rappelons aussi que plusieurs économistes (Patrick Artus, Thomas Piketty, proche des socialistes), ont proposé l'instauration de cette taxe. L'éditorialiste des Echos affirme quant à lui que cela n'aurait rien d'utopique, puisque cela existe dans plusieurs autres pays, et en France jusqu'en 1965. Mais il commet là une erreur par omission.
L'imposition des loyers implicites ou fictifs existe en effet déjà sous la forme de l'ISF et de la taxe foncière. Car l'ISF frappe en réalité les revenus tirés du patrimoine auquel il s'applique, et quand il s'agit d'un logement, que l'on occupe ou non ce dernier. D'autre part la taxe foncière, dont le montant est calculé sur la base de la valeur locative du bien immobilier, est aussi une imposition sur les revenus censés provenir du capital auquel elle s'applique.
La taxe foncière a en réalité remplacé après 1965 l'imposition des loyers en question. Il n'a pas échappé aux Français que les taux de cette taxe ont considérablement augmenté ces dernières années. Comme les produits de cette taxe vont aux collectivités locales, exposées elles-mêmes à des dépenses en forte augmentation, on voit le risque se préciser de nouvelles augmentations.
L'imposition des loyers implicites constituerait une révolution pour les millions de Français, généralement membres des fameuses « classes moyennes », qui ont épargné – et emprunté - leur vie durant pour acquérir un logement pour leurs vieux jours. Nombre d'entre eux se trouveraient dans l'impossibilité de faire face à une imposition qu'ils n'avaient pas prévue. C'est une fois de plus la caricature de l'instabilité fiscale dont la France se fait championne, et qui touche entreprises comme individus. Instabilité dont les conséquences seraient ici inacceptables.
Retraités, attention danger, vous risquez des lendemains qui déchantent ! La moindre des choses en démocratie serait d' « annoncer la couleur » en temps utile. Aussi demandons-nous avec insistance aux candidats de se prononcer honnêtement sur leurs intentions sur ce sujet de la fiscalité des retraités.