Il y a urgence à voter une loi de finances rectificative 2021 !
La gestion budgétaire des derniers mois est fébrile. Déjà entre 2020 et 2021, le gouvernement a fait des reports pas très orthodoxes en faisant passer une vingtaine de milliards in extremis de 2020 vers 2021 en prenant un arrêté rétroactif faisant sauter le plafond de 3% maximum de report de crédit par programme figurant dans la loi organique des lois de finances.
Et cela continue le 6 mai dernier avec un décret d'avance qui permet de faire passer 7,2 milliards d'euros d'un programme voté par le Parlement pour financer les entreprises stratégiques en capital vers les mesures d'urgence, notamment le fonds de solidarité pour les entreprises. Rien que cette mesure aurait dû déclencher une loi de Finances rectificative pour 2021.
Pour un projet de décret d'avance, le montant est astronomique, mais légal. En effet, la loi prévoit que les crédits ouverts ne peuvent excéder un plafond de 1% des crédits. En cas de franchissement, le décret d'avance est illégal et il faut en passer par une loi de finances rectificative. Or le total des autorisations d'engagements et des crédits de paiement s'élevait en LFI 2021 respectivement à 771,9 milliards et à 723,5 milliards d'euros. L'ouverture des crédits représente donc 0,995% des crédits, soit en dessous de la barre fatidique des 1% (à 35 millions d'euros près).
Fonds de solidarité
La raison qui a conduit à ces redéploiements est évidente : le fonds de solidarité crédité de 19 milliards pour 2021 a déjà été consommé fin avril pour presque 13 milliards. Les 7,2 milliards permettront tout simplement de finir l'année 2021 avec les nouvelles annonces d'aides du gouvernement jusqu'en septembre pour les entreprises des secteurs qui rouvrent en ce moment.
Les 7,2 milliards d'euros sont ponctionnés sur le programme de « renforcement exceptionnel des participations financières de l'État », dispositif permettant à l'Agence de participation de l'État de monter au capital de certaines entreprises en difficultés. Doté de 20 milliards d'euros en 2020, le programme n'a été consommé qu'à hauteur de 8,3 milliards pour SNCF, EDF et Air France. Les crédits non consommés ont été intégralement reportés sur 2021, soit 11,7 milliards d'euros par un arrêté rétroactif du 21 décembre 2020 permettant un report dérogatoire à la limite posée par la LOLF de 3% des crédits non consommés d'un même programme et qui atteint ici 60% !
Les 7,2 milliards seront fléchés de la manière suivante : 6,7 milliards sur le fonds de solidarité et 500 millions d'euros sur le chômage partiel. L'urgence ne justifie pas tout. Une saine budgétisation aurait mérité une ouverture de crédits en bonne et due forme au sein du PLF 2021 au lieu de reports « sauvages » en provenance de l'exercice 2020. Comme le « financement » des mesures d'urgence en 2021 aurait également mérité une loi de finances rectificative intervenant dès le mois de mai 2021 au lieu de se voir reportée en juillet.
On comprend que le gouvernement ne veut pas afficher un taux de dette publique encore en augmentation, ni se prononcer sur la croissance future en 2021. Cela dit, il creuse tout de même le déficit public à hauteur de 0,3 point de PIB. Bref, l'exemplarité de la gestion budgétaire du gouvernement ressort de la crise écornée.
Si l'on compare à la précédente crise dite des subprimes, ces 7,2 milliards d'euros représentent presqu'autant que l'ensemble des décrets d'avance pris sous la présidence de Nicolas Sarkozy (7,4 milliards). Si le sujet est très politique sous ses airs techniques, une chose est certaine, ce décret d'avance est le dernier du gouvernement avant la loi de finances rectificative qui commence à devenir très urgente.