Il faut indexer tout de suite le barème de l’impôt sur le revenu sur la vraie inflation!
Sur le pouvoir d’achat, nous assistons à une valse d’annonces de pompiers pyromanes. Car l’inflation que nous vivons est en très grande partie le résultat de la politique économique et monétaire poussée par le gouvernement.
Cette tribune a été publiée dans les pages du Figaro, le mercredi 6 juillet 2022. |
Les dépenses publiques colossales des États européens causées par les plans d’urgence et de relance, conjuguées à la politique économique du «stop and go» liée aux phases de confinement et de déconfinement, et le rebond technique des économies européennes en 2021 ont créé un choc de demandes et une mise sous tension des chaînes de production. Par ailleurs, l’endettement important de la France avant la crise du Covid a entraîné son soutien à une politique monétaire expansive décomplexée.
Dès octobre 2021, l’inflation était largement chiffrable au-delà de 5 % pour 2022. Le gouvernement a fait le choix de minimiser cette inflation et de surestimer la croissance. À cause de ces deux erreurs, les dépenses ont continué à couler à flots et les marges de manœuvre financières sont quasi nulles. C’est ce qui fait dire à Bruno Le Maire - maintenant que la présidentielle a eu lieu - que la France a atteint sa cote d’alerte.
Voilà en réalité bien longtemps que la France est entrée en zone rouge. Maintenant que l’inflation est là, que la Banque centrale européenne va relever ses taux, le roi est nu. Déjà, la Fondation iFrap avait pu estimer, pour 2022, à 10 milliards la charge de la dette budgétaire en plus à payer sous l’effet des 10 % de titres indexés sur l’inflation. Bercy reconnaît maintenant une hausse de 17 milliards. À horizon 2027, nous avons pu évaluer que nous serons à plus de 100 milliards d’euros de charge de la dette, soit 3 % de la richesse nationale si la tendance actuelle devait se prolonger.
Et, derrière les grands débats sur le pouvoir d’achat, nous sommes subrepticement en train de nous faire tondre à bas bruit par l’impôt. En effet, la particularité de cette situation est que les recettes publiques rentrent à plein régime, car elles sont très dépendantes de l’évolution du PIB en valeur dopé par l’inflation: + 11 % de recettes sur l’impôt sur le revenu à fin avril, + 37 % de recettes sur l’impôt sur les sociétés, + 14,4 % de recettes sur la TVA par rapport aux recettes de l’État de l’année dernière à la même date. Les cotisations sociales suivraient, selon nos informations, sur la même cadence (environ + 15 % de recettes par rapport à l’an dernier à la même date). Le pire serait un débat sur la cagnotte fiscale à l’automne alors qu’il faudra financer l’augmentation de la charge de la dette.
La fiscalité directe locale ne sera pas en reste. Les bases viennent d’augmenter de 3,4 % pour 2022 et des rattrapages (car l’inflation anticipée pour 2022 était bien plus basse) interviendront en 2023 en sus de l’inflation projetée à cette date. Certaines collectivités vont également relever leurs propres taux, l’augmentation dépassant 10 % en moyenne pour 2022 (Marseille + 14 %, Tours + 15,4 %, Strasbourg + 12,6 %, Nantes + 11,5 %). Bref, un matraquage fiscal se profile pour la fin de l’été sur la taxe foncière et la taxe d’habitation sur les résidences secondaires.
Tout l’enjeu des mesures de pouvoir d’achat pour le gouvernement est de nous faire oublier les impôts (et les futurs impôts) que nous payons en plus ; et d’annoncer ostensiblement les augmentations de pouvoir d’achat qui vont être votées - mais qui auraient eu lieu de toute façon. En effet, sur les quelque 25 milliards annoncés (dont 5 milliards d’indexation des pensions, 1,5 milliard sur les minima sociaux et 7,5 milliards sur l’augmentation du point d’indice des agents publics), une grande proportion serait automatique dès janvier 2023. Le gouvernement accélère donc juste le tempo.
Les retraites de base sont forcément indexées sur l’inflation et les minima sociaux aussi. Même les agents publics ont déjà un dispositif qui leur verse leur différentiel de salaire avec l’inflation. Toute l’affaire pour Bercy est de présenter certaines mesures comme discrétionnaires alors qu’elles sont automatiques. Faire, en somme, ce que Bercy sait le mieux faire: rendre peu d’une main ce que l’on a pris à pleine poignée de l’autre. Tout en soulignant bien que c’est grâce à l’État qu’on s’en sort et que sans lui rien ne serait possible.
Une bonne loi sur le pouvoir d’achat réviserait le barème de l’impôt sur le revenu, or cela n’est prévu que pour 2023 alors que le prélèvement à la source - c’est comme cela qu’on nous l’a «vendu» - permet des ajustements en temps réel. La révision du barème de l’impôt sur le revenu avec la vraie inflation pour 2022 (7 % et pas 1,5 %…) permettrait de faire baisser le poids de cet impôt en 2022 de 5 à 10 % pour les ménages.
Au lieu de faire des chèques - forcement mal ciblés -, augmentons l’abattement forfaitaire pour frais professionnels de 10 à 15 % pour l’ensemble des actifs. Cela aurait un coût d’environ 3,6 milliards d’euros par an, mais serait plus équitable pour tous les contribuables, et ceux qui ne paient pas l’impôt sur le revenu pourraient avoir un crédit d’impôt pour un coût annuel inclus de 0,8 milliard. Idem pour le barème de l’impôt sur la fortune immobilière, il faudrait le réviser de l’inflation, car les biens immobiliers continueront de s’apprécier sur la période, même dans un contexte de resserrement du crédit.
Supprimer les taxes sur les taxes
Pour alléger les coûts pour les Français et leurs entreprises sur l’énergie, la logique serait de supprimer les taxes sur les taxes. La suppression de la TVA sur les taxes sur l’énergie (TICPE, TICGN, TICFE) baisserait la fiscalité de 11 milliards d’euros par an. On pourrait aussi envisager de les baisser à l’aune des recettes supplémentaires générées par l’inflation en lieu et place de la poursuite du financement du «bouclier énergétique». Débloquons la prime Macron quel que soit le niveau de revenus et que des accords d’intéressements aient été signés ou non dans les entreprises.
L’avantage des mesures qu’on vient d’exposer est qu’elles n’alimentent pas la spirale inflationniste. Baisser les impôts à la fois directs et indirects lorsque les recettes fiscales explosent à cause de l’inflation permet de rendre du pouvoir d’achat aux Français sans alimenter la boucle prix-salaires. Recourir à des primes plutôt qu’à des hausses de salaire généralisées et pérennes également
La question est en somme: veut-on vraiment rendre du pouvoir d’achat sans alimenter l’inflation ou non?