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Fortune des 500 plus riches et PIB : une comparaison trompeuse

En France, sur la question des riches, il faut s’attendre à tout. À toutes les outrances, à toutes les comparaisons scabreuses. Surtout quand les caisses publiques sont vides. Les riches font des boucs émissaires de choix. Dernier épisode en date ? La comparaison excessive faite par le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale au cours de l’audition des ministres de Bercy Bruno Le Maire et Thomas Cazenave. L’insoumis Éric Coquerel a comparé, graphique à la clé, le montant des biens professionnels des 500 fortunes du classement de Challenges et le PIB de la France. Le président Insoumis s’est insurgé au motif que la valeur des biens professionnels des 500 fortunes en question serait maintenant de 42 % du PIB contre 25 % de la richesse nationale en 2017.

Cette tribune a été publiée dans les pages du JDD, le 13 septembre 2024.

Comment le président de la commission des finances d’une grande démocratie comme la France peut faire cette comparaison sans que personne n’y trouve à redire ? Comparer un stock de patrimoine entrepreneurial constitué d’usines, de machines, de magasins (accumulé au cours du temps) avec une création de richesse nationale annuelle donc un flux ? Avoir l’air de s’indigner que ces 500 fortunes aient en quelque sorte « capté » 42 % de la richesse nationale sans que rien ne lui soit valablement rétorqué ?

Il y a pourtant des choses à dire, et non des moindres. En premier lieu, les fortunes en question ne sont pas toutes « françaises ». Soulignons que certaines de ces fameuses 500 fortunes « françaises » ne sont pas ostensiblement tricolores. Le patron de Telegram, Pavel Dourov, figure dans la liste au seul titre qu’il détient un passeport français. Il devient ainsi 12e fortune de la liste ! Et si Elon Musk… demandait la nationalité française, on le comptabiliserait dans les fortunes de France ? Cela rajouterait 200 milliards pour pouvoir dire ensuite que les riches sont trop riches par rapport à la richesse nationale. Tout cela n’est pas sérieux.

Soulignons aussi que, malheureusement, et depuis longtemps, beaucoup de ces fortunes ont quitté fiscalement la France pour la Suisse ou d’autres pays. Au sein des 500 fortunes, on trouve ainsi 147 milliardaires dont plus de la moitié au moins ne réside pas fiscalement en France.

En deuxième lieu, si on veut comparer un patrimoine, il faut le comparer à un patrimoine total. Il semble que le président de la commission des Finances ait oublié de dire que le patrimoine des ménages français est estimé à plus de 14 000 milliards d’euros et le patrimoine net total de la France à plus de 20 000 milliards. Avec leurs 1 200 milliards ces 500 fortunes ne représentent que 6 % de l’ensemble du patrimoine net français. L’effet de loupe par rapport à la création annuelle de richesse nationale est donc trompeur.

En troisième lieu, beaucoup de ces fortunes font partie intégrante des entreprises du CAC 40 et donc proviennent peu d’activités ou de productions françaises puisque seulement moins de 23 % du chiffre d’affaires des entreprises du CAC et réalisé en France pour plus de 77 % réalisé à l’étranger (EY).

Moralité qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. Pourquoi sortir ces chiffres en pleine audition des ministres démissionnaires de Bercy sur le sujet du déficit de la France ? Alors même que le président de la commission des finances de l’Assemblée devrait être en train de se creuser la tête pour proposer à ses collègues et aux ministres des économies en dépenses ? Pour dire y a qu’à prendre l’argent des milliardaires pour combler le déficit public ? Si c’est cela le message alors cela ressemble bien à du populisme. Taxer les riches pour renflouer les caisses on a déjà essayé avec l’ISF, la taxe exceptionnelle sur les hauts revenus (toujours active), la taxation des revenus du capital au niveau de la taxation du travail (sous François Hollande). Et ça a donné quoi ? Toujours autant de déficits publics, de dette et moins de richesse par habitant.

Soyons clairs, il va falloir arrêter ce genre de comparaisons absurdes qui va à l’encontre de l’intérêt général et qui ne peut aboutir qu’à taxer toujours plus les travailleurs moins aisés résidents en France. Soit tous ceux qui ne vivent pas des aides sociales.