Fiscalité locale: l'autre millefeuille français
Cotisation foncière des entreprises (CFE), cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE), taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB)…, entourée d’un épais halo d’acronymes kafkaïens, la fiscalité locale qui pèse sur nos entreprises est difficile à appréhender. Avec – comme vient de le chiffrer la Cour des comptes – environ 25 taxes et une recette de 61 milliards d’euros par an, la fiscalité locale des entreprises pèse bien davantage que l’impôt sur les sociétés (35 milliards d’euros). Si la contribution des acteurs économiques au financement des services publics locaux est bien entendu légitime et ne saurait souffrir d’aucune contestation, l’incidence de la fiscalité locale sur la croissance et sur les créations d’emplois n’est clairement pas neutre. Problème : cette pression fiscale locale augmente.
Les évaluations qui ont été faites pour les entreprises métropolitaines et au sein d’un échantillon de taxes locales qui représentent 37 milliards de recettes (agrégeant CFE, CVAE, IFER, TASCOM, TEOM et TFPB) démontrent que la pression de la fiscalité locale sur les entreprises s’est largement aggravée ces dernières années. Pour exemple, en Provence-Alpes-Côte-d’Azur[1], le montant de la fiscalité locale supportée par les entreprises représente 2,6 milliards d’euros (soit 2 142 euros par salarié) ; un montant en progression de 13,3% entre 2011 et 2014, et ce alors que, sur la même période, la croissance dépassait péniblement 1% et l’inflation 3,4%. En descendant d’une strate, on observe que les départements des Alpes-Maritimes (+10,0%), des Bouches-du-Rhône (+13,7%) ou du Vaucluse (+15,3%) poursuivent cette même tendance à la hausse. Champion régional, le Var enregistre, quant à lui, une augmentation de près de 17% de sa fiscalité économique locale !
À l’échelon inférieur, les intercommunalités ne sont pas en reste. Pour preuve, les EPCI de la métropole d’Aix-Marseille, dont la fiscalité moyenne par salarié frôle les 2 000 euros, accusent une progression de presque 15%, suivie de près par la métropole Nice Côte d’Azur (+12,8%), la communauté d’agglomération Toulon Provence Méditerranée (+12,0%) ou encore le Grand Avignon (+10,6%). Des évolutions totalement déconnectées de la réalité économique des entreprises de ces territoires qui souffrent déjà d’un taux de marge parmi les plus bas de la zone euro avec seulement 31,1% au troisième trimestre 2015.
Mises en perspective avec les taux de chômage de nos territoires, ces évolutions sont préoccupantes. C’est, en effet, dans les régions où la fiscalité locale des entreprises par salarié apparaît comme étant la plus faible que le taux de chômage est également le moins élevé. Ainsi, par exemple, en Bretagne et dans les Pays de la Loire, les deux régions où la fiscalité sur les entreprises est la plus basse de toute la métropole, le taux de chômage n’excède pas 9% au quatrième trimestre 2015, en deçà de la moyenne nationale. À l’inverse, en PACA, qui pâtit d’une fiscalité par salarié largement supérieure aux autres régions tricolores, les taux de chômage (11,5% fin 2015) et de pauvreté (16,4%) sont parmi les plus élevés de l’Hexagone.
Dans ce contexte, une baisse importante de la fiscalité locale est à programmer pour le prochain quinquennat. Et ce d’autant plus que la majeure partie de cette fiscalité est assise, non sur les bénéfices des entreprises, mais sur la production. Il conviendrait dès lors de basculer une partie des taxes sur la production vers le bénéfice des entreprises dans une fraction d’impôt sur les sociétés. Les entreprises en difficulté ne seraient ainsi plus contraintes de payer quelle que soit leur situation économique, alimentant un sentiment de « racket fiscal ». La fiscalité locale serait de la sorte beaucoup plus en phase avec l’économie réelle. Elle le serait aussi encore mieux s’il y avait une cohérence entre missions publiques et recettes fiscales. Pourquoi les taxes économiques sont-elles si peu perçues par les régions pourtant en charge de l’attractivité économique des territoires ? L’atteinte de l’objectif du plein emploi passe par la prise de conscience qu’une fiscalité locale pro-entrepreneuriale est une des clés majeure de l’équation.
[1] Baromètre 2016 de la fiscalité régionale (MEDEF PACA).
Cette tribune est parue dans le journal Les Echos en date du 25 juillet 2016, sous les plumes d'Agnès Verdier-Molinié directeur de la fondation iFRAP et de Jean-Luc Monteil, président du Medef Provence-Alpes-Côte d'Azur. |