Finances publiques : rapport Arthuis, propositions de Woerth et Saint-Martin, du bon sens qui passe à côté des mesures essentielles
Le rapport Arthuis reconnaît avec justesse que la priorité est de maîtriser nos dépenses publiques tout en n'augmentant pas la pression fiscale. Il ne fait pas de propositions de réformes, mais il donne des pistes pour améliorer la gouvernance des finances publiques : renforcer les pouvoirs du Haut Conseil des finances publiques, maintenir la progression des dépenses en deçà de la hausse des recettes, avec un système de compteur des écarts s'inspirant de ce qui se pratique en Allemagne ou en Suède et l'implication plus importante du Parlement (avec un programme d'évaluation pluriannuel des dépenses et une discussion pluriannuelle plus longue).
À l'Assemblée nationale, le président de la Commission des finances, Éric Woerth, et le rapporteur général du budget, Laurent Saint-Martin, viennent de déposer une proposition de loi organique, dont on ne connaît pas encore tous les articles, visant à « renforcer la programmation pluriannuelle des budgets qui, aujourd'hui, n'est jamais respectée » et à moderniser la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) inchangée depuis vingt ans.
Ils proposent ainsi de :
- Renforcer la programmation pluriannuelle des budgets qui aujourd'hui n'est pas respectée ;
- Différencier les dépenses de fonctionnement de celles d'investissement lors de l'examen des projets de loi de finances pour permettre une meilleure maîtrise de la « mauvaise dette » liée aux dépenses de fonctionnement ;
- Rendre les gouvernements responsables de l'exécution des budgets et demander des comptes si les résultats ne sont pas au rendez-vous ;
- Exprimer les trajectoires annuelles et pluriannuelles des dépenses en milliards d'euros pour avoir une vision plus concrète de l'état global de nos finances publiques.
Deux mesures oubliées
Incontestablement, le rapport Arthuis et la proposition de loi organique tournent autour de la même problématique : la reprise en main de nos finances publiques et de notre souveraineté financière. Mais si les deux projets et leurs diverses propositions vont dans le bon sens, ils se bornent à une logique de « soutenabilité » de la dette et à des propositions auxquelles on ne peut que souscrire mais qui restent néanmoins pusillanimes. Elles s'inspirent de ce qui marche dans les démocraties bien gérées, mais oublient (sciemment ?) les outils essentiels. Les deux mesures structurantes oubliées sont les suivantes :
- La mise en place d'un système constitutionnel ou organique de frein à l'endettement, étendu à l'ensemble des administrations publiques. Il s'agit d'une règle simple et qui fonctionne sur un principe que tout le monde peut comprendre : pas de déficit public en période de croissance. L'Allemagne l'a enclenché en 2009, ce qui lui a permis d'assainir ses finances et de dégager des excédents. Et ce, rien qu'au niveau fédéral (le volet local devait entrer en activité en 2020) ;
- La mise en place d'un organe d'audit indépendant avec ses propres capacités de chiffrage et ses propres capacités de modélisation économétrique, au service du Parlement, sur le modèle du National Audit Office britannique ou du SNAO en Suède.
La pluriannualité renforcée avec des engagements forts de réformes est souhaitable comme l'est le renforcement du Haut conseil des finances publiques. Comme aussi la règle de freiner les dépenses pour les faire converger vers le niveau des recettes puis les faire évoluer au même rythme. Tous ces leviers fonctionnent ailleurs qu'en France, dans des pays notoirement bien gérés. Ce qui ne veut pas dire pour autant que ce sont ces seules règles qui font tout.
Les leviers essentiels sont : le niveau constitutionnel de contrainte avec un frein à l'endettement et un Parlement qui a les moyens de faire son travail de contrôle (article 24 de la Constitution) avec un organe dédié spécialisé et conséquent, bien au-delà des équipes permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat. Sans ces deux leviers supplémentaires, la dette continuera de croître et le Parlement continuera de regarder passer les trains budgétaires comme c'est toujours le cas depuis la LOLF.