Tribune

Eviter la crise de la dette, telle est la priorité

Revoilà l'ombre du déficit qui plane sur le débat public. Et une odeur de crise de la dette. 5,6 % du PIB pour le déficit de la France en 2024. Nous savions que nous serions lanterne rouge de la zone euro mais, à ce point-là, l'annonce est vraiment salée. Au 31 juillet, l'Etat affiche déjà 156 milliards de déficit budgétaire. Les services de Bercy le savaient depuis un mois.

Cette tribune a été publiée dans les pages des Echos, le 3 septembre 2024.

Pourtant, on entendait qu'on allait « sous-exécuter » le budget 2024. Et maintenant, c'est l'inverse, on comprend que nos comptes publics foncent dans le mur. Notamment à cause d'un dérapage des dépenses de 16 milliards sur les transports et les lycées ?

Bercy s'attendrait à un quasi-doublement du déficit des collectivités locales. Côté recettes, ce n'est pas mieux. Le budget 2024 a été voté initialement avec une croissance à 1,4 % quand elle est attendue autour de 1 %. Cela veut dire donc moins, beaucoup moins de recettes de prélèvements obligatoires.

Hors sol, des hausses spectaculaires de recettes étaient prévues par rapport à 2023 : 15,4 milliards de hausse sur l'impôt sur les sociétés avec une prévision 2024 à 72,2 milliards d'euros. Et 5,6 milliards de hausse sur l'impôt sur le revenu, avec 94,1 milliards d'euros de recettes prévues.

15 milliards de manque à gagner

Le manque à gagner rien que sur ces deux impôts pourrait dépasser les 15 milliards. En partant de la situation mensuelle budgétaire de l'Etat à fin juillet, on peut extrapoler les recettes à fin décembre. On pourrait finir l'année avec 90 milliards de recettes sur l'impôt sur le revenu et à 60 milliards sur l'impôt sur les sociétés. Soit respectivement un manque à gagner de 4 milliards sur la recette d'impôt sur le revenu et de 12 milliards sur l'impôt sur les sociétés.

Par ailleurs, si l'on compare le montant des prélèvements obligatoires voté initialement à l'automne 2023 pour 2024 et celui prévu en avril dernier dans le programme de stabilité pour 2024, on trouve un écart d'au moins 24 milliards, avec 1.268 milliards de recettes des prélèvements obligatoires au lieu de 1.292 milliards. Dommage, au passage, que le programme de stabilité ne donne pas les chiffres de recettes impôt par impôt.

Un budget « réversible », dit aussi « zéro valeur », a été construit pour 2025 par l'équipe du Premier ministre Gabriel Attal et Bercy, capant l'ensemble des dépenses de l'Etat à 492 milliards d'euros, soit ce qui avait été voté pour 2024 en loi de finances initiale. Mais quid sur les dépenses locales et sociales ? Pour la première fois depuis le début de la Ve République, le gouvernement envisage de ne pas respecter la loi et de ne pas transmettre le budget au Parlement dans les temps, soit au 1er octobre. Nous sommes en terre budgétaire inconnue.

Le budget réversible permettra-t-il de faire des économies ? Au moins 10 milliards, dit Matignon. On sait qu'un surgel a été décidé dans l'urgence sur l'Etat de 15 milliards d'euros, sera-t-il prolongé en 2025 ? Le zéro valeur doit être du vrai zéro valeur et s'accompagner d'un gel des aides sociales au niveau de 2024 et du report de l'indexation des pensions ainsi que d'un gel des rémunérations publiques et d'une traque au coût de l'absentéisme dans nos administrations. Si nous voulons éviter les 6 % de déficit en 2025, il va falloir agir fort et décider vite. La crise de la dette n'arrive pas qu'aux autres. Arrêtons le déni, c'est maintenant qu'il nous faut éviter la crise de la dette par tous les moyens possibles.