Évaluation des mesures économiques : bilan de l'an I d'Emmanuel Macron
Cette semaine marque les un an à la présidence de la République d’Emmanuel Macron. Le moment de dresser le bilan des mesures prises pendant sa 1ère année de mandat. Cette évaluation économétrique est la suite de l'évaluation faite sur le programme électoral d'Emmanuel Macron en mai 2017, et le suivi des réformes du gouvernement fait par le Macronomètre.
Synthèse
- Sur la croissance, les mesures prises par le gouvernement ont permis un gain de 0,45 point de croissance supplémentaire d'ici 2022 : on voit que le gouvernement bénéficie, principalement de la croissance qui a été engrangée grâce aux mesures de la précédente législature, notamment le CICE et le Pacte de responsabilité ;
- Sur l’emploi, le gouvernement gagne quelques points : de l’ordre de 264.000 emplois créés en cumulé d’ici 2022 ;
- En matière de déficit, tant que la baisse des dépenses publiques ne sera pas sérieusement amorcée, peu d’amélioration. Dans les documents budgétaires, on compte moins de 20 milliards d’euros de vraies économies d’ici la fin du quinquennat. Maigre espoir : la publication du rapport de l’action à venir de CAP 2022 qui pourrait accélérer la cadence ;
- Au final, notre modélisation de l’évolution de la dette française sous le gouvernement d’Emmanuel Macron nous montre que non, les 90% du PIB sont difficilement atteignables d’ici 2022. Vraisemblablement, nous serons à un peu moins de 94% de dette (contre 96% aujourd’hui) ;
- En matière de dépenses publiques, la France est toujours à 56% du PIB (contre 47,5% en moyenne en Europe), Emmanuel Macron et son gouvernement visent 51,6% d’ici 2022… alors que notre modélisation mise sur une baisse moindre : à 54% du PIB d’ici 2022 ;
- Même chose sur le poids des prélèvements obligatoires : nous sommes aujourd’hui à 45% du PIB (contre 40% en moyenne en Europe). Le gouvernement espère atteindre 43,3% d’ici 2022… contre 44% d’après notre modélisation.
En conclusion, cette première année de gouvernance d’Emmanuel Macron et d’application de son programme électoral, on est encore à la croisée des chemins : ce gouvernement est-il celui qui va entamer la vraie baisse des dépenses publiques (et en parallèle, celles des prélèvements obligatoires) ou va-t-on rester (encore une fois) au milieu du gué ? Tout reste à jouer dans les 12 mois à venir et surtout dans l’élaboration du prochain budget pour l’année 2019.
Evaluation économétrique (pdf complet en bas de page)
Le suivi et l’analyse des politiques économiques et des réformes mises en œuvre par Emmanuel Macron depuis son arrivée au pouvoir, dans le cadre du Macronomètre, s’appuie sur des simulations du modèle macro-économétrique NEMESIS. Cette évaluation est réalisée en considérant un scénario de référence (une évolution de l’économie « au fil de l’eau » sans mise en place de réformes).
Les mesures de réformes analysées et donc prises en compte, sont les suivantes :
- La suppression de l’ISF et son remplacement par l’IFI ;
- La mise en place du PFU en lieu et place de l’imposition au barème des revenus des valeurs mobilières ;
- La suppression progressive de la taxe d’habitation pour 80% des ménages ;
- La baisse des cotisations sociales à la charge des salariés de 3,15 points compensée par la hausse de la CSG de 1,7 point ;
- La baisse progressive du taux d’IS de 33,33% à 25% en 2022 ;
- La hausse de certaines taxes (fiscalité énergétique, fiscalité sur le tabac) et la solution trouvée au contentieux sur la « taxe dividende » ;
- La suppression de 1 point de CICE (de 7 à 6%) en 2018 puis le basculement du CICE en allègements de cotisations à la charge des employeurs en 2019 (en tenant compte du retour d’IS négatif) ;
- Les évolutions du marché du travail suite à la mise en œuvre des quatre ordonnances de la loi Travail.
Ainsi que les économies de dépenses publiques : prises en compte, celles représentant entre la moitié et le tiers de l’effort affiché dans le programme (très ambitieux et sûurement trop optimiste) de stabilité du gouvernement. A ce stade, les économies de dépenses publiques prises en compte dans la modélisation sont, uniquement, celles qui ont déjà été documentées. Ainsi, les efforts seraient de de 5 milliards d’euros en 2018, de 11 milliards d’euros en 2019, de 14 milliards d’euros en 2020, de 17 milliards d’euros en 2021 et de 19 milliards d’euros en 2022.
Cela nous permet de mener les simulations suivantes :
PIB, dépenses et recettes publiques à horizon 2022
2017 | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 | |
---|---|---|---|---|---|---|
En milliards d’euros courants | ||||||
PIB | 2 287,4 | 2 357,8 | 2 421,0 | 2 498,6 | 2 581,0 | 2 663,4 |
Dépenses des APU | 1295,6 | 1316,7 | 1321,5 | 1357,8 | 1398,9 | 1438,4 |
Recettes des APU | 1236,4 | 1246,1 | 1235,8 | 1280,3 | 1333,8 | 1392,0 |
Solde des APU | -59,2 | -70,7 | -85,7 | -77,5 | -65,0 | -46,4 |
En points de PIB | ||||||
Dépenses des APU | 56,6% | 55,8% | 54,6% | 54,3% | 54,2% | 54,0% |
Recettes des APU | 54,1% | 52,8% | 51,0% | 51,2% | 51,7% | 52,3% |
Solde des APU | -2,6% | -3,0% | -3,5% | -3,1% | -2,5% | -1,7% |
Malgré le supplément de croissance, la baisse de fiscalité entraîne une diminution des recettes publiques par rapport au scénario de référence (baisse renforcée par le léger amoindrissent de la croissance des prix). En 2022, le solde des administrations publiques est dégradé de 6 milliards d’euros par rapport au scénario de référence (-0,2%) et la dette publique est accrue de 50 milliards d’euros par rapport au scénario de référence.
Taux de prélèvements obligatoires
(en milliards d’euros et en points de PIB)
2017 | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 | |
---|---|---|---|---|---|---|
Prélèvements obligatoires | 1106,6 | 1127,5 | 1120,7 | 1154,7 | 1204,1 | 1254,4 |
Prélèvements obligatoires | 48,4% | 47,8% | 46,3% | 46,2% | 46,7% | 47,1% |
Prélèvements obligatoires hors cotisations sociales imputées | 1062,1 | 1081,6 | 1074,2 | 1107,8 | 1155,3 | 1203,7 |
Prélèvements obligatoires hors cotisations sociales imputées | 46,4% | 45,9% | 44,4% | 44,3% | 44,8% | 45,2% |
Prélèvements obligatoires hors cotisations sociales imputées et crédits d’impôts (en milliards d’euros) | 1034,9 | 1046,2 | 1037,9 | 1082,8 | 1132,1 | 1185,1 |
Prélèvements obligatoires hors cotisations sociales imputées et crédits d’impôts (en points de PIB) | 45,2% | 44,4% | 42,9% | 43,3% | 43,9% | 44,5% |
Note : Prélevements obligatoires, hors crédits d'impôt.
Ecarts sur les différents postes de dépenses et de recettes entre la trajectoire
d’Emmanuel Macron et la trajectoire de référence (en milliards d’euros courants)
En milliards d’euros | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 |
---|---|---|---|---|---|
Dépenses des APU | -4,9 | -14,1 | -19,6 | -23,9 | -27,3 |
Rémunérations des salariés et consommations intermédiaires | -1,3 | -4,5 | -5,3 | -6,5 | -7,7 |
Rémunérations des salariés | -0,2 | -3,0 | -3,1 | -3,5 | -4,0 |
Consommations intermédiaires | -1,1 | -1,5 | -2,2 | -3,1 | -3,7 |
Prestations sociales | -3,0 | -6,4 | -9,4 | -11,0 | -11,9 |
Prestations sociales en nature | -1,4 | -2,1 | -2,7 | -3,1 | -3,6 |
Prestations sociales en espèces | -1,6 | -4,3 | -6,7 | -7,8 | -8,4 |
FBCF | -1,1 | -1,3 | -1,5 | -1,9 | -2,1 |
Recettes des APU | -10,2 | -29,1 | -34,2 | -34,0 | -33,2 |
Cotisations sociales | -19,3 | -37,0 | -37,0 | -37,1 | -37,0 |
Impôts sur les revenus (IS,IR, CSG,...) | 8,4 | 10,0 | 6,4 | 4,2 | 2,1 |
Impôts sur la production et les importations | 4,5 | 6,5 | 9,3 | 11,8 | 14,6 |
dont TVA | 0,1 | 0,2 | 0,2 | -0,1 | -0,4 |
dont taxes sur les produits | 4,2 | 6,2 | 8,9 | 11,6 | 14,6 |
dont taxes sur les imports | 0,0 | 0,0 | 0,0 | 0,0 | 0,0 |
dont autres taxes sur les produits | 0,1 | 0,1 | 0,2 | 0,3 | 0,4 |
2017 | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 | |
---|---|---|---|---|---|---|
Dette des APU (en milliards d’euros) | 2 219 | 2 276 | 2 346 | 2 408 | 2 461 | 2 499 |
Dette des APU (en points de PIB) | 97,0% | 96,5% | 96,9% | 96,4% | 95,4% | 93,8% |
Supplément de dette par rapport au scénario de référence (en mds d’euros) |
| 4,3 | 16,4 | 28,3 | 36,5 | 41,3 |
Supplément de dette des APU par rapport au scénario de référence (en pts de PIB) |
| 0,2% | 0,7% | 1,1% | 1,4% | 1,5% |
Création d’emplois supplémentaires par rapport au scénario de référence (en milliers)
2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 | |
---|---|---|---|---|---|
Emplois cumulés | 11 | 151 | 217 | 247 | 264 |
Emplois créés annuellement | 11 | 140 | 66 | 30 | 17 |
Note du « Macronomètre » pour l’ensemble des mesures gouvernementales :
Effet sur la croissance et l’emploi | 264 000 emplois supplémentaires en fin de période et un PIB supérieur de 0,45% à son niveau du compte de référence en 2022. Les effets des mesures de baisse de la fiscalité du capital sont longs à se manifester et la résultante macroéconomique de l'ensemble des mesures est finalement assez faible. | 1,75 |
---|---|---|
Effet de la mesure sur les finances publiques | Baisse des recettes de 33 milliards d'euros en 2022 et des dépenses de 27 milliards d'euros en 2022. La dette publique est accrue de 41 milliards d'euros par rapport au compte de référence. Le déficit se creuse avant de revenir vers son niveau du compte de référence en fin de période. Les prélèvements obligatoires n'auront que légèrement reculé sur la période (de 45,2% à 44,5%). La faute à des efforts d'économies de dépenses publiques moindres que ceux annoncés dans la LPFP ou le PSTAB. Les dépenses publiques rerpésenteraient encore 54% du PIB en 2022. | 0,50 |
Effet sur l’investissement et l’innovation | Après avoir été stimulé en 2017 (PFU, suppression ISF/IFI), l'investissement se détériore légèrement par rapport à son niveau du compte de référence en 2018 (transformation du CICE (baisse d'IS) en baisse de cotisations). L'ensemble des mesures fiscales favorables au capital devrait néanmoins à moyen terme stimuler l'investissement et le capital. | 1,25 |
Effet sur la compétitivité | Peu d'effet sur la compétitivité à court terme. Le cocktail de mesures favorables aux entreprises permet d'améliorer les marges et les baisses de charges permettront de gagner en compétitivité des prix mais le regain de croissance accroît les importations. L'effet sur le solde commercial est assez neutre. A plus long terme, les effets pourraient être plus favorables. | 1,25 |
Timing/coordination/pertinence | Si on peut savoir gré au Gouvernement d'avoir mis en place bon nombre des mesures annoncées dans le programme Macron dès le vote du PLF 2018, on peut regretter qu'un stimulus fiscal plus important n'ait pas été mis en place très tôt dans le quinquennat afin de placer l'économie sur une trajectoire de croissance renforcée qui aurait autorisé des baisses plus importantes de dépenses publiques. Certaines mesures paraissent peu efficaces avec une ampleur budgétaire importante, ce qui limite l'amélioration des comptes publics. L'ensemble des mesures paraît néanmoins globalement efficace sur l'offre sans obérer la demande. | 1,25 |
Note globale pour l’ensemble des « mesures Macron » analysées dans le cadre du PLF | 6,00 |