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Entretien avec Finaréa, spécialiste de l'investissement dans les TPE

La Fondation iFRAP interroge ici Christian Fleuret, Président et Fondateur de la société Finaréa, spécialiste de l'investissement dans les PME, aujourd'hui en litige avec l'administration fiscale malgré l'absence de redressement suite aux vérifications de 2007, 2008 et 2010.

Fondation iFRAP : D'où est partie l'histoire de Finaréa, comment s'est constitué le réseau ?

Finaréa est née de plusieurs constats : Les investisseurs sont plus frileux à investir dans les TPE que dans les PME. Ensuite, les TPE sont souvent détenues par des jeunes entrepreneurs qui constituent un réservoir de croissance considérable pour notre pays. Enfin, les TPE pèsent très lourd pour l'économie française.

Finaréa a voulu apporter une réponse à cette problématique en soutenant financièrement ces entreprises et en leur proposant un accompagnement à différents niveaux : diminuer les coûts d'intervention et de suivi de l'investisseur financier ; imposer à ces entreprises de définir et suivre une stratégie déterminée ; mettre à disposition des outils de contrôle de gestion obligatoires ; compenser leur manque matériel de compétences et rompre leur isolement et leur apporter du sens rationnel.

Finaréa a réuni 2.000 investisseurs, pour la plupart anciens chefs d'entreprise bénéficiant donc d'un capital d'expérience de grande valeur et d'un carnet d'adresse important. Chaque investisseur s'est vu proposer la possibilité d'apporter son aide à l'accompagnement des dirigeants des TPE.

Fondation iFRAP : Quels ont été les investissements réalisés, dans combien de PME, de quel type ?

Les résultats sont apparus très vite : plus de 60 millions d'euros ont été levés, près de 80% ont été investis à ce jour dans les TPE, un réseau de 100 experts se sont portés volontaires pour apporter leur expérience à des jeunes entrepreneurs, un maillage de sociétés holdings animatrices couvrant quasiment l'intégralité du territoire avec des réseaux de sourcing locaux, a été mis en place et 52 entreprises ont été accompagnées avec des tickets moyens d'intervention de l'ordre de 800 K-euros. Le total des emplois portés est d'environ 700 personnes, et beaucoup de ces entreprises sont en phase de développement et sont prometteuses.

Fondation iFRAP : Pourquoi vos clients ont-ils été redressés ?

Il est essentiel de rappeler les faits pour bien comprendre le sens de l'histoire.

Finaréa SAS, maison mère du groupe, a fait l'objet d'une première vérification fiscale en 2010 qui a porté sur les années 2007 et 2008, année de création par ses soins des holdings animatrices Finaréa. En 2010, troisième année de levée de fonds significative de Finaréa (et dernière année), l'administration fiscale a conclu en une absence de redressement.

Corrélativement, Finaréa a fait aussi l'objet d'une enquête très approfondie de l'AMF (Autorité des marchés financiers) qui s'est conclue de la même façon et des auditions par l'Inspection des Finances ont également été réalisées cette même année.

De mai à octobre 2012, 34 sociétés du réseau Finaréa ont fait l'objet d'une vérification fiscale qui s'est terminée pour toutes ces sociétés par une absence de redressement.

Mais, c'est dans ce contexte que la même administration fiscale envisage :

  • Les redressements des 2.000 souscripteurs,
  • La remise en cause des réductions d'impôts dont ils ont bénéficié (soit 40 millions d'euros de redressement),
  • Et d'autre part, à Finaréa SAS, l'application d'une pénalité de 25% des réductions d'impôt obtenues par les souscripteurs pour émission « anormale » d'attestations donnant droit à réduction d'impôt (soit un montant de 10 millions d'euros).

Fondation iFRAP : Quels ont été les arguments de l'administration fiscale ?

Les motifs principaux invoqués par l'administration fiscale sont les suivants.

  • Tout d'abord, on ne pouvait prétendre à une réduction d'impôt alors que la société holding animatrice en création ne détenait pas de participations.
  • Ensuite, les prises de participation ultérieures ont été tardives, laissant la société holding animatrice disposer d'une trésorerie liquide significative, le modèle ne correspondait donc pas, selon elle, à une animation au sens fiscal du terme.
  • Enfin, l'administration fiscale soutient que l'on ne peut participer activement à la conduite d'une société, à deux, l'entrepreneur et Finaréa.

Fondation iFRAP : Qu'est-ce qui pose problème dans votre application de la holding animatrice ?

Notre volonté a été d'utiliser ce modèle juridique, en respectant en permanence la lettre et l'esprit du législateur. Pour répondre à la volonté du législateur, on ne pouvait que créer des holdings animatrices qui ont pour objet de détenir des participations dans des sociétés opérationnelles éligibles à la réduction d'ISF. Et c'est ce que nous avons fait. Malheureusement, dans la loi TEPA cette volonté du législateur n'est pas inscrite à l'origine… bien que nous savions par les débats parlementaires que c'était sa volonté.

Heureusement, cette précision a été donnée par l'administration fiscale, bien plus tard, dans son instruction administrative du 25 novembre 2011 (n° 7 S-5-11, paragraphe 55) mais encore faut-il savoir ce que veut dire « participent activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales… » ?

Respectant l'esprit du législateur nous avons mis au point un modèle permettant d'accompagner et de contraindre le plus possible l'entrepreneur, mais sans se substituer à lui, ce qui l'aurait totalement démotivé. Le modèle d'animation qui en découle repose sur les principes juridiques suivants :

  • une prise de participation significative de 25 à 49%, sans exclure de devenir majoritaire au fil du temps et des besoins en capitaux ;
  • la création systématique d'un conseil de direction, organe qui assure la direction opérationnelle de l'entreprise ;
  • deux postes réservés à Finaréa dans ce conseil de direction, l'un avec voix délibérative, l'autre avec voix consultative ; le poste à voix délibérative étant assorti d'un droit de véto portant sur les décisions stratégiques de l'entreprise (adoption du budget, recrutement important, investissement significatif, emprunt, engagement financier significatif de toute nature¸ etc.) ;
  • la conclusion obligatoire d'un contrat de prestation de services (contrat d'animation) imposant a minima deux prestations obligatoires : définir en commun la stratégie de l'entreprise et organiser son contrôle de gestion ;
  • la possibilité pour l'entreprise de bénéficier de façon facultative d'autres prestations (juridiques, administratives, comptables, expertises diverses, etc.).

Est-ce qu'en cela nos holdings animatrices, « participent activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales » ? Nous affirmons que oui mais l'administration fiscale soutient le contraire dans une lettre émanant de la Direction Générale des Finances Publiques en date du 6 juillet 2012. Dans cette lettre, il nous est indiqué que « Finaréa paraît bien se comporter en actionnaire actif, particulièrement présent…. mais le fonctionnement des sociétés concernées ne permet pas de conférer aux holdings Finaréa le caractère de holdings animatrices de groupe. ».

À la lecture des termes comparés « Participe activement à la conduite de la politique… » et « se comporte en actionnaire actif particulièrement présent », on se demande si la problématique ne se résume pas en une simple question de sémantique ! Mais au-delà de cette sémantique, très objectivement, nous pouvons même soutenir que des sociétés holdings animatrices plus réelles que les nôtres, il n'en existe pas.

Fondation iFRAP : Comment vous défendez-vous face aux procédures en cours ?

Nous avons recruté des personnes dédiées au contentieux et notamment une équipe de réception et de traitement administratif des dossiers, une équipe de traitement administratif et fiscal proprement dit (rédaction des réponses, pièces à joindre, …) ainsi qu'une équipe de communication spécifique qui se tient à la disposition de chacun. Nous appelons de façon systématique chacun des investisseurs concernés pour les tenir informés et les assurer de notre détermination et totale assistance.

Parallèlement à cela, nous poursuivons nos actions vis-à-vis de l'administration.

Fondation iFRAP : Quelle est aujourd'hui l'activité de Finaréa ?

Le modèle Finaréa a vu le jour le 15 juin 2008, terme de la première application de la loi TEPA, en son volet réduction d'impôt sur la fortune pour investissement dans les PME. Mais alors que ses moyens se mettaient en place, la crise financière est immédiatement arrivée, et elle nous a contraints à « regarder » différemment les cibles envisagées et à faire preuve d'une grande prudence.

Dans un tel contexte économique, il est évident que les études de projets d'investissement dans ces toutes petites entreprises, bien plus risquées que toutes les autres, ont été beaucoup plus longues que prévu. Par ailleurs, les différentes instances de gouvernance de chaque Finaréa holding animatrice (comité d'investissement, conseil de surveillance) ont fait preuve d'une vigilance accrue, et ont de fait refusé de nombreuses propositions.

De plus, dès le mois de juillet 2008, une réaction forte, et à nos yeux justifiée du Sénateur Philippe Adnot, a mis en exergue des dérives importantes « à l'esprit de la loi TEPA ». Madame Lagarde, en sa qualité de ministre de l'Économie et des Finances, est intervenue et à partir de ces deux événements, le législateur n'a eu de cesse que de modifier cette loi. Tous ces allers et retours législatifs ont maintenu Finaréa dans une méconnaissance du lendemain quasi permanente… Or, son métier est bien évidemment de se projeter à long terme, gage de réussite de tout investissement dans une entreprise. Ces difficultés ont eu des répercussions néfastes sur le bon développement du projet Finaréa (incapacité à respecter une planification régulière des prises de participations ; arrêt complet de ce processus à certains moments devant l'incertitude ; levées de fonds moins performantes et régulières sur lesquelles était basée la maturité du modèle Finaréa etc.)

Fondation iFRAP : Que faut-il faire pour améliorer le financement des PME aujourd'hui ?

Surtout, arrêter de leur mettre des bâtons dans les roues ! Notre expérience montre que les investisseurs sont là, que les anciens sont prêts à aider les nouveaux à mettre le pied à l'étrier. Ce dont les entreprises ont besoin aujourd'hui, c'est d'un environnement stable, clair et simple. Si les règles changent en cours de route, c'est tout leur modèle de développement qui est remis en cause. Comment comprendre qu'on mette en péril des entreprises qui ont trouvé des investisseurs motivés et prêts à les soutenir, alors que ce sont ces entreprises qui créent le plus d'emplois ? Malheureusement, l'État ne se donne même pas le temps de voir si les dispositifs qu'il met en place sont efficaces, qu'il les remet déjà en cause. Essayons d'abord de réussir avant de détruire !