Actualité

Économies, déficit budgétaire de l'Etat où en sommes-nous ?

Le Sénat vient d’adopter sa « petite loi » s’agissant du PLF 2025. Celle-ci intègre les éléments présentés en PLF 2025 devant la Représentation nationale, puis les modifications réalisées par le Sénat, l’Assemblée nationale ayant rejeté le texte en 1re lecture. Jeudi prochain, cette « petite loi » devrait être discutée en CMP (commission mixte paritaire). Le texte présente des économies suffisantes pour "contenir" les dépenses nettes du budget général proche de leur niveau de 2024 (435,8 milliards d'euros en 2025 contre 436,8 milliards d'euros en 2024) et même en recul de 1 milliard d'euros. Par ailleurs les recettes fiscales sont également plus basses qu’initialement envisagées, de l’ordre de -6,2 milliards d’euros. Il en résulte un déficit budgétaire de l'Etat réduit de 7,2 milliards d’euros par rapport au PLF initial, à -134,6 milliards d’euros. Attention cependant, cette bonne performance risque de ne pas durer: n'y figurent pas la non suppression de 4.000 postes dans l'Education nationale ou la création de 500 postes à France Travail. En dehors de la sphère de l'Etat l'ONDAM n'a pas été réhaussé de 2,6% à 3,3%, ce qui devrait impacter fortement les comptes des ASSO (hors champ de la présente étude). Comment se répartissent ces économies supplémentaires et ces moindres recettes ? Nous effectuons une 1re mise à jour.

Évolution du déficit budgétaire de l'Etat 2023-2025 à la baisse de près de 38,4 Md€ :

Si l’on reprend la chronique des déficits budgétaires de l’État entre 2023 et 2025, l’évolution serait celle d’une réduction de près de 38 milliards d’euros :

Source : Documents budgétaires associés aux lois financières (2023-2025)

Entre 2023 et 2024 d’après les dernières données disponibles sur l’exécution définitive de l’exercice (au 24 décembre 2024), le déficit budgétaire se réduirait de +16,7 milliards d’euros passant de -173 milliards d’euros à -156,3 milliards d’euros. En particulier, le solde budgétaire s’améliorerait de +6,9 milliards d’euros par rapport à la loi de fin de gestion sous l’effet de dépenses publiques plus faibles de 1,7 milliard d’euros par rapport au niveau prévu de la LFG[1], tandis que les recettes seraient également supérieures par rapport à cette même loi de l’ordre de +1,5 milliard d’euros[2]. Le reste de l’amélioration viendrait de la bonne tenue des comptes spéciaux. 

En 2025, le déficit budgétaire de l’État s’améliorerait encore de près de 14,2 milliards d’euros par rapport à son exécution 2024 en PLF 2025, puis encore de 7,5 milliards d’euros dans le cadre de la petite loi adoptée par le Sénat. Soit un total de près de +21,7 milliards d’euros

Source : Documents budgétaires associés aux lois financières (2023-2025)

Les dépenses nettes de l’État selon la petite loi du Sénat 2025 seraient en baisse de 1 milliard d’euros par rapport à leur niveau exécuté en 2024, soit 435,8 milliards d’euros. Par ailleurs ces dépenses seraient plus basses de l’ordre de 15,5 milliards d’euros entre le PLF 2025 et la « petite loi » du Sénat. 

Source : Documents budgétaires associés aux lois financières (2023-2025)

Par ailleurs les recettes nettes totales du budget général de l’État seraient en hausse de 1,5 milliard d’euros en exécution 2024 par rapport à la LFG 2024, tandis que les recettes seraient également en baisse de 7 milliards d’euros entre le PLF 2025 et la « petite loi du Sénat ». Le niveau atteint au Sénat serait quasiment aligné sur son niveau de LFI 2024, autour des 371 milliards d’euros.

Focus sur les mesures d’économies entre la LFI 2025 et la « petite loi du Sénat » :

D’après les documents communiqués par le Gouvernement lors de la présentation du PLF 2025, puis lors de la reprise de sa discussion au Sénat, les économies et recettes supplémentaires se répartiraient comme suit, par rapport à leur tendanciel (qui n’est pas par ailleurs documenté) en comptabilité nationale :

Source : Documents gouvernementaux.

Entre le PLF 2025 et la « reprise de la discussion au Sénat » (différentes des montants finaux en petite loi), les économies réalisées au niveau de l’État passeraient de 20 milliards d’euros à 21,6 milliards d’euros. Par ailleurs les économies réalisées sur les opérateurs augmenteraient de 0,5 Md€ pour atteindre 2 milliards d’euros. Au total, les « économies » au niveau de l’État représenteraient 23,6 milliards d’euros contre 21,5 milliards en PLF 2025 (+2,1 Md€). Mais cette augmentation ne parviendrait pas à compenser les baisses enregistrées dans les économies sur les collectivités territoriales (-3 milliards d’euros) ou sur les administrations de sécurité sociale (-7,3 milliards d’euros).

Dans le même temps, la fiscalité additionnelle des entreprises et des particuliers s’apprécierait de 16 milliards d’euros, en baisse par rapport au PLF 2025 de près de 3,3 milliards d’euros. Notamment à cause de l’abandon du matraquage sur la fiscalité environnementale prévu en PLF 2025 par François Bayrou suite à son discours de politique générale (DPG).

Un autre décompte moins précis, mais prenant en compte les dernières informations gouvernementales, répartissent les économies comme suit :

Md€

PLF Barnier

Écart

PLF Bayrou

État + Opérateurs

20

3

23

Coll locales

5

-2,8

2,2

Asso

15

-8,2

6,8

Économies 

40

-8

32

Recettes fiscales

20

1

21

Total ajustement

60

-7

53

Source : Communication gouvernementale et calculs Fondation iFRAP janvier 2025

Les écarts en le PLF « Barnier » et le PLF « Bayrou » en économies représenteraient -8 milliards d’euros toutes administrations confondues et non plus -7,3 milliards, par ailleurs les recettes fiscales augmenteraient de 1 milliard d’euros contre une baisse de -1,3 milliard dans le document élaboré à la suite du DPG du Premier ministre.

S’agissant des seules dépenses des ministères (en comptabilité budgétaire de l'Etat), les économies atteindraient 14,47 milliards d’euros, c’est ce qu’il ressort de « l’État B » de la petite loi en comparaison à celui du PLF 2025 pour les crédits de paiement. Leur répartition serait la suivante :

Source : PLF 2025 et « petite loi Sénat » publiées le 24 janvier 2025.

Les « engagements financiers » de l’État seraient en baisse de 5,1 milliards d’euros, ce qui témoigne d’une charge de la dette de l’État plus basse qu’escomptée en comptabilité budgétaire, suivie par l’audiovisuel public pour des raisons de périmètre et donc de « débudgétisation » (soit techniquement -4 milliards d’euros). Ensuite 4 missions seraient particulièrement sollicitées : la mission Travail, Emploi et administration des ministères sociaux à hauteur de -1,8 milliard d’euros de crédits, suivie par la mission Écologie, développement et mobilités durables à hauteur de -1,3 milliard d’euros, mais aussi Enseignement supérieur et recherche avec -1,187 milliard d’euros et enfin Aides publiques au développement pour un montant de 781 millions d’euros par rapport au PLF 2025. Il est toutefois trop tôt pour comparer mission par mission avec l’exécution 2024.

Conclusion :

L’État semble porter seul près des 2/3 des économies projetées par le Gouvernement Bayrou. Les reculs importants réalisés sur le champ des ASSO (notamment s’agissant de la non-désindexation partielle des retraites) ou des collectivités territoriales (avec des « économies » passant de 5 milliards d’euros à 2,2 milliards dans le dernier décompte), montrent que les grands chantiers d’économies à réaliser sont encore devant nous pour les années à venir. L’État priorise son propre budget davantage à sa main pour piloter le solde public, alors que l’implication des comptes locaux et sociaux semble d’autant plus inévitable dans le futur qu’ils ressortent fortement dégradés - même si aucune majorité politique à l'heure actuelle ne permet d'y parvenir. C’est d’ailleurs cette raison qui a poussé le Gouvernement à maintenir un déficit public à 6,1% du PIB en 2024 malgré l’amélioration significative du déficit budgétaire de l’État, les comptes sociaux continuant de se dégrader rapidement faute de régulation efficace : le déficit de la Sécurité sociale est attendu à 18 milliards d’euros en 2024[1], dont un déficit des hôpitaux publics de 3,5 milliards d’euros[2], par ailleurs l’Unedic a indiqué ne disposer que d’un excédent de 300 millions d’euros en 2024 après ponction de l’État (pour financer France Compétence entre autres) de 2,8 milliards d’euros[3]. Précisons qu’entre 2024 et 2025 la dépense publique de toutes administrations publiques s’apprécierait encore de +37 milliards d’euros, dont +10 milliards d’euros sur l’État et ses opérateurs, +9 milliards d’euros s’agissant des collectivités territoriales et +19 milliards d’euros s’agissant des administrations de sécurité sociale au sens de la comptabilité nationale d’après l’article d’équilibre de la « petite loi du Sénat ». On est encore loin d’avoir vraiment freiné la dépense publique nationale


[1] Mais en baisse par rapport à la LFI 2024 de près de -7,2 Md€ (ce qui n’est pas totalement cohérent avec nos propres calculs plus proches des 9 milliards, mais il faudra attendre la publication de la situation mensuelle budgétaire de l’État en février 2024 pour en avoir le cœur net), des mesures de périmètres peuvent en effet également perturber les calculs, ainsi que la prise en compte ou non des fonds de concours. 

[2] Notamment avec des DMTG qui augmentent de 0,5 Md€ et un faible rebond des recettes des TVA (+1,1 Md€). Les recettes d’IR et d’IS seraient quant à elles « en ligne avec les prévisions de la LFG ». Voir par exemple, S. Loignon, le déficit de l’État moins mauvais que prévu en 2024, Les Échos, 22/01/2025. 

[3] https://www.lesechos.fr/economie-france/social/vers-un-deficit-de-la-securite-sociale-proche-de-25-milliards-en-2025-2144186

[4] https://www.lesechos.fr/economie-france/social/les-hopitaux-publics-senfoncent-plus-profondement-dans-le-rouge-2143959 dont un déficit de l’APHP record de 460 millions d’euros, voir https://www.lesechos.fr/economie-france/social/les-hopitaux-de-paris-rouvrent-des-lits-mais-leurs-comptes-plongent-encore-plus-dans-le-rouge-2142318

[5] https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/01/13/assurance-chomage-faute-de-budget-l-unedic-s-inquiete-pour-son-financement_6495727_823448.html?random=1911641560. Sa situation est d’autant plus critique qu’aucune garantie de l’État pour un rehaussement de son plafond d’endettement n’a pu être introduite dans le cadre de la loi spéciale pour 2025 reconduisant les crédits 2024, au contraire des plafonds de l’Acoss et de la CNRACL.