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Dette SNCF : ce que le gouvernement n'a pas résolu

Tous les mercredis, avant le Conseil des ministres, Le Macronomètre, l'observatoire des réformes du gouvernement lancé par la Fondation iFRAP, attribue une note aux réformes d'Emmanuel Macron. La note de la semaine du Macronomètre est présentée dans le Figaro. Cette semaine : 4/10 sur la reprise de la dette SNCF par l’Etat.

Vendredi 25 mai 2018, le gouvernement a annoncé la reprise de 35 milliards d'euros de la dette de la SNCF par l'État, en deux phases: 25 milliards en 2020 et 10 milliards en 2022. La dette de la SNCF est importante, on le sait, avec 54,5 milliards d'euros résultant de l'addition des dettes de la branche Réseau (46,6 milliards d'euros) et de la branche Mobilités (7,9 milliards d'euros dont 4,3 milliards liés au fret SNCF). Par ailleurs les intérêts payés sont également importants en volume : 1,5 milliard d'euros.

Le rapport Spinetta met bien en exergue qu'à ce rythme, si rien n'est fait, SNCF Réseau en 2026 (terme du contrat pluriannuel de performance avec l'État) portera une dette de 62 milliards, avec des frais financiers de 1,8 milliard. Ces derniers augmenteraient de 38% tandis que la dette croîtrait de 35% environ.

Déjà en 1991, les pouvoirs publics avaient créé le SAAD (Service annexe d'amortissement de la dette ferroviaire, pour récupérer à l'origine 5,8 milliards d'euros de dette de la SNCF), qui, sous la pression de Bruxelles demandait en 2008 sa requalification en dette d'État. En 1997, l'État s'était considérablement déchargé de la dette ferroviaire sur RFF, et en 2014 le pôle public ferroviaire avait pour objectif de réaliser des économies - jamais atteintes - qui n'ont pas permis de stabiliser la dette.

Afin que le déficit public ne soit pas impacté par cette reprise de dette, le gouvernement explique avoir trouvé une solution: transformer avant 2020 l'entreprise publique (Epic) SNCF Réseau en une administration publique (en l'occurrence, en opérateur de l'État). La dette publique progressera de 1,45 point de PIB.

Les avantages de cette transformation sont les suivants :

  • Puisqu'il s'agit d'une «nationalisation», la dette «réseau» ne sera pas comptée dans le déficit public de l'année (ou des années) de transition. Seul le déficit opérationnel de la structure (environ 2,5 milliards d'euros) impactera le déficit ;
  • Le gouvernement compte sur une règle d'or pour éviter un nouvel endettement de la structure.

Les inconvénients:

  • Cette «nationalisation» de SNCF Réseau ne responsabilise pas l'entité puisque l'État rembourse la dette ;
  • Les dépenses de SNCF Réseau seront automatiquement comptabilisées en dépenses publiques (4,6 milliards d'euros en 2017 et près de 1,2 milliard de frais financiers) ;
  • Si SNCF Réseau est assimilé à une administration même avec une règle d'or, il y a un gros risque de reconstituer une nouvelle dette (les précédentes règles d'or n'ont pas été respectées).

Quelle solution opérationnelle aurait pu être aménagée ?

Une solution aurait pu être de constituer une structure juridique de défaisance, dans laquelle SNCF Réseau, avec la Caisse des dépôts et consignations, aurait eu en charge une part du remboursement de la dette et la gestion des actifs, constitués de participations financières dans des entités du groupe SNCF (immobilier par exemple). Cela aurait permis de freiner la possibilité d'endettement de l'entité et de la responsabiliser afin qu'elle se transforme pour devenir plus compétitive.

Avec la solution choisie, le gouvernement ne s'est pas vraiment prémuni - même en mettant en place une règle d'or - à long terme contre le risque de reconstitution de la dette, ni contre des revendications jusqu'au-boutistes des cheminots restés sous statut qui pourraient souhaiter passer de SNCF Mobilités à SNCF Réseau.

La dette ferroviaire allemande avait été reprise via un organisme de «portage» BEV (Bundeseisenbahnvermögen), qui avait reçu la dette mais aussi les personnels sous statut ainsi que la charge de leurs pensions et mettait les effectifs à disposition de la Deutsch Bahn. Le financement de la structure était assuré majoritairement par l'État allemand (5,5 milliards en 2012) et minoritairement par les deux entreprises ferroviaires (ouest et est-allemandes). Cette solution avait permis de responsabiliser l'entreprise ferroviaire et avait entraîné des gains de productivité importants.

À ce stade, pour la France, il est préoccupant que le levier de la reprise de la dette ait déjà été acté alors qu'il reste à négocier la convention collective des cheminots qui pèsera aussi sur les concurrents de la SNCF et risque de reprendre une grande partie des contraintes du statut de cheminot (objectif des syndicats) et de limiter grandement les velléités de ceux qui voudraient offrir une alternative aux clients du rail (et aux contribuables), que ce soit au niveau local (TER) ou au niveau du train à grande vitesse…