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Dérapages du budget de la Présidence de la République : les 5 chiffres à retenir

+15,7 millions d'euros. C'est l'augmentation des dépenses du Palais de l'Elysée en 2023 selon l'enquête annuelle de la Cour des comptes. C'est 14% d'augmentation. Ainsi, loin de montrer l'exemple, l'année passé, le Palais bouclait ses comptes avec un déficit de 8,3 millions d'euros. En ligne de mire ? Une dérive des dépenses de déplacements (17,4 millions) sur le territoire national et en Europe... et une dérive des dépenses de réceptions (4 millions). Explications :

  • 125 millions de dépenses et 8,3 millions de déficits en 2023

Sources : Les comptes et la gestion des services de la Présidence de la République, Cour des comptes (édition 2017 à 2023). 

En 2023, les dépenses de la Présidence de la République ont considérablement dérivé avec un déficit à 8,3 millions d’euros et des dépenses qui ont augmenté de 15,7 millions (soit 14%). En cause ? Principalement, les dépenses de déplacements qui ont dérapé de 7 millions d’euros par rapport aux prévisions et les dépenses liées aux réceptions, sommet et dîner d’État. En effet, concernant ces derniers, on observe une augmentation du nombre d’évènements organisés (146 en 2019 contre 171 en 2023), une augmentation de 13% du nombre d’invités entre 2022 et 2023 et une augmentation du niveau de dépense moyen par invité (29 euros en 2022 contre 35 euros en 2023). 

Au niveau des recettes, elles étaient de 117,2 millions en 2023, soit +6,2% par rapport à 2022. On trouve ici les remboursements d’autres ministères pour l’organisation d’évènement, notamment européen, les recettes du restaurant (+30% par rapport à 2022) et la vente de produits dérivés (186 453 euros HT en 2023) sur la boutique en ligne de la Présidence. Notons qu’en 2024, à l’occasion des Jeux de Paris, le Palais a ouvert une « Maison Élysée » avec une boutique physique, un café et un espace musée/exposition dans l’optique d’augmenter ses revenus. 

Enfin, la Cour des comptes souligne bien dans son enquête que le budget de la Présidence présentée est incomplet. En effet, il apparait que certaines dépenses du Palais sont prises en charge par d’autres ministères ou administrations sans remboursement.

  • +8% du coût moyen des déplacements présidentiels depuis 2018 

En 2023, le budget dédié aux déplacements est de 23,2 millions dont 17,4 millions pour les déplacements internationaux (soit le double du budget dédié en 2022) et 6 millions pour les déplacements sur le territoire national (contre 3,8 millions en 2022). 7 781 euros auront été remboursés par le couple présidentiel au titre de déplacements privés et ces coûts incluent les pertes liées aux 12 déplacements annulés à la dernière minute : 832 328 euros en 2023 dont 429 100 euros pour l’annulation, à cause des émeutes en banlieue parisienne d’une visite d’État de 3 jours en Allemagne en juillet 2023. Cette visite a finalement eu lieu en mai 2024 et il s’agissait de la première visite d’État d’un Président français en Allemagne en 24 ans, la dernière remontant à la visite de Jacques Chirac en 2000.

 Au final, en 2023, 112 déplacements de la Présidence ont été organisés (contre 105 en 2022) dont 68 en métropole, 1 en outre-mer, 24 en Europe et 19 hors d’Europe. 

Si le nombre de déplacements apparait très fluctuant, la Cour des comptes souligne que depuis 2018, leur coût moyen a augmenté de 8%... et qu’il a presque doublé dans le cadre d’un déplacement sur le territoire français : passant de 31 000 euros en 2018 à 60 400 euros en 2023. On remarque aussi que la seule catégorie de déplacement dont le coût baisse est celui des déplacements hors d’Europe avec une baisse de 23% sur la période. Alors que ces déplacements représentent 63% du poste de dépenses « déplacements » c’est une bonne nouvelle mais cela doit nous interpeller. En effet, le Palais justifie aujourd’hui la hausse des dépenses de déplacements par l’inflation des prix des transports mais ces frais de transports (y compris fret) représentent 75% du budget d’un déplacement extra-européen contre 66% et 43% d’un déplacement européen et national. 

  • 4 millions de dépenses pour les diners d’État en 2023

Premier point, la Cour des comptes souligne que les dépenses de réceptions ne sont pas aussi transparentes que les dépenses de déplacements dans les comptes de la Présidence. Elle peut néanmoins dire qu’en 2023, ces dépenses étaient de 4 millions d’euros dont 1,3 million de dépenses liées à l’emploi de personnel intérim et d’extras et près de 800 000 euros de frais de traiteur. 

Le Palais justifie ces sommes par le projet de rénovation des cuisines de l’Élysée qui a contraint la Présidence à extérioriser certaines fonctions. Cette rénovation lancée en 2018 s’est achevée début 2024 et n’a pas dépassé son budget initial de 15 millions d’euros (financé pour 8 millions par le Palais et 5 millions par le ministère de la Culture au titre du programme « Patrimoine »). 

Néanmoins, entre 2022 et 2023, on observe une augmentation de 0,5 million des dépenses liées à l’emploi de personnel extra et la Cour des comptes pointe une augmentation de la dépense dédiée aux 20 plus importants cocktails de la Présidence : 147 000 en 2022 contre 202 000 en 2023. S’ajoute à cela une augmentation du nombre d’évènements organisés (146 en 2019 contre 171 en 2023), une augmentation de 13% du nombre d’invités entre 2022 et 2023 et une augmentation du niveau de dépense moyen par invité (29 euros en 2022 contre 35 euros en 2023). 

Enfin deux dîners ont particulièrement augmenté la note du Palais : la réception au Louvre en l’honneur du Premier ministre indien en juillet 2023 (412 000 euros) et la réception à Versailles en l’honneur du roi Charles III d’Angleterre en septembre 2023 (474 000 euros). S’il apparait que ce niveau de dépense est l’équivalent d’un diner d’État à la Maison Blanche à Washington, il convient de noter que le budget géré par la présidence américaine dépasse le milliard de dollars.

  • 58% du budget dédié aux dépenses de personnel

En 2023, le Palais employait 817 agents, titulaires et contractuels. 

Les charges de personnel du Palais de l’Élysée ont représenté 73,7 millions en 2023, en hausse de 5,4% sur un an. Les mesures de revalorisations salariales décidées pour l’ensemble de la fonction publique ont impacté cette hausse pour 1,7 milliard. La rémunération des heures supplémentaires réalisées (hors mission de sécurité qui dépend du régime spécifique de la police nationale) a impacté cette pour 80 000 euros en 2023, passent d’un total de 710 000 euros à 790 000 euros. Les policiers et gendarmes en mission auprès de la Présidence de la République affichent, eux, une autre réalité : en 2023, on comptait en moyenne 42 jours de permission reportés par gendarme (contre 40 en 2022).

Enfin, la Cour souligne que sur les 30 rémunérations les « élevées des collaborateurs et des agents de la Présidence de la République n’excèdent pas la rémunération du Président de la République, à l’exception de deux d’entre elles ».

  • Des tarifs de cantine plus bas que la moyenne des autres administrations

Par cantine, on évoque l’offre de « restauration collective » à disposition du personnel du Palais (un restaurant des conseillers, un restaurant des agents, une cantine collective/self au palais de l’Alma). La Cour des comptes souligne deux choses à son sujet : elle est d’une grande qualité et les tarifs appliqués sont moins hauts que dans le reste des administrations comparables, surtout après l’application du « tarif social ». 

Ainsi le restaurant des conseillers propose des menus allant de 10 à 18 euros contre 26 à 28 euros pour le restaurant « Le Club » du ministère de l’Économie. Même chose pour les agents, le restaurant de l’Élysée proposant des formules allant de 3,6 à 5,1 euros contre 4,7 et 8,3 euros à Bercy. La Cour le dit sans détour : la tarification de la restauration collective de l’Élysée ne permet pas de couvrir le coût moyen d’un repas, ni pour les agents (5,7 euros), ni pour les conseillers (27,8 euros). Cela sans compter une politique de gratuité accordée sans base légale à certaines catégories : notamment le groupe de sécurité de la présidence de la République et les personnes extérieures.