Déficit public 2023 : déjà 30 milliards de dépenses en plus à mi-année
Attention aux illusions d’optiques : contrairement à l’image que renvoie la publication de juillet de la situation mensuelle du budget de l’Etat, ce n’est pas principalement à cause d’un effritement des recettes publiques que le déficit public se creuse, mais à cause d’un excès de dépenses publiques. C’est ce que montre à un mois d’intervalle la publication trimestrielle des comptes des administrations publiques pour le 2ème trimestre 2023.
Un déficit « budgétaire » qui se creuse à la fois par fléchissement des recettes et augmentation des dépenses
Le solde budgétaire des dépenses et recettes cumulées au 31 juillet 2023 présente un déficit de -169 milliards d’euros, soit une augmentation de près de 37,8 milliards par rapport à sa position un an plus tôt. Ce résultat est obtenu à cause d’un effet conjoint résultant :
D’une augmentation des dépenses nettes du budget général de 16,2 milliards ;
Mais aussi d’une baisse des recettes nettes de ce même budget de -14,9 milliards d’euros ;
Et enfin par un effet « trésorerie » qui grève ses comptes spéciaux qui affichent un solde déficitaire de -6,7 milliards dont -5,3 milliards sont imputables aux avances que l’Etat accorde aux collectivités locales ;
S’agissant des dépenses budgétaires, les augmentations les plus sensibles sont localisées au niveau des dépenses de fonctionnement (+7,3 milliards), les dépenses d’intervention (mesures de guichet et d’urgence) avec +2,74 milliards d’euros et les dépenses de personnel sous le coup des revalorisation salariales accordées en 2022 et en 2023 et ici visibles pour la seule fonction publique d’Etat.
Cumul fin juillet | Variation | ||
Etat comptabilité budgétaire | 2022 | 2023 | 2023-2022 |
Dépenses (BG + PSR) nettes R&D | 303 011 | 319 251 | 16 240 |
Dépenses du budget général | 261 414 | 277 222 | 15 808 |
Dotation des pouvoirs publics | 1 048 | 1 077 | 29 |
Dépenses de personnel | 80 226 | 82 966 | 2 740 |
Dépenses de fonctionnement | 42 476 | 49 746 | 7 270 |
Charges de la dette de l'Etat | 39 382 | 40 749 | 1 367 |
Dépenses d'investissement | 10 545 | 11 571 | 1 026 |
Dépenses d'intervention | 86 274 | 89 185 | 2 911 |
Dépenses d'opérations financières | 1 463 | 1 928 | 465 |
Total prélèvements sur recettes | 41 597 | 42 028 | 431 |
PSR au profit des collectivités territoriales | 26 297 | 27 404 | 1 107 |
PSR au profit de l'UE | 15 300 | 14 624 | -676 |
Recettes BG nettes R&D+FDC+ADP | 192 905 | 178 048 | -14 857 |
Impôt sur le revenu | 38 927 | 36 964 | -1 963 |
Impôt sur les sociétés | 30 515 | 25 986 | -4 529 |
TICPE | 9 532 | 9 663 | 131 |
TVA | 63 875 | 59 055 | -4 820 |
Autres recettes fiscales | 29 620 | 34 905 | 5 285 |
Recettes fiscales | 172 469 | 166 573 | -5 896 |
Recettes non fiscales | 17 246 | 8 115 | -9 131 |
dont UE pour plan de relance* | 7 400 | 0 | -7 400 |
dont dividendes et autres recettes* | 9 846 | 8 115 | -1 731 |
Total RF+RNF | 189 715 | 174 688 | -15 027 |
Fonds de concours et ADP | 3 190 | 3 360 | 170 |
Solde du budget général | -110 106 | -141 203 | -31 097 |
Solde des comptes spéciaux | -21 109 | -27 790 | -6 681 |
dont avances aux coll.terr. | -19 032 | -24 349 | -5 317 |
Solde des budgets annexes |
| ||
Solde général d'exécution | -131 215 | -168 993 | -37 778 |
Source : Direction du Budget 31 août 2023 * Estimations.
S’agissant des recettes, les baisses se concentrent davantage sur les recettes non fiscales que sur les recettes fiscales. Les recettes non fiscales se réduisent sur un an glissant de -9,1 milliards notamment à cause du non versement contrairement à l’année précédente d’une recette pour couvrir le Plan de relance Français dans le cadre des 39,4 milliards d’euros promis à la France par l’UE via le programme NGEU. Dans la mesure où 7,4 milliards avaient été alloués en 2022, la non réclamation par la France depuis 7 mois des 12,7 milliards prévus pour 2023 à cause de la non adoption du projet de loi de programmation 2023-2027, conduit mécaniquement à constater une moindre recette par rapport à l’année précédente de -7,4 milliards. Il faut par ailleurs y ajouter un moindre versement de dividendes à date au bénéfice de l’Etat actionnaire, soit -1,5 milliards d’euros.
Sur le volet des recettes fiscale, on enregistre un repli de la collecte de TVA de -4,8 milliards d’euros en lien avec les transferts compensant la suppression de la moitié de la CVAE en 2023 aux collectivités du bloc communal et régional. Vient ensuite un repli important d’IS pour 4,5 milliards d’euros et d’impôt sur le revenu de 2 milliards. Le premier venant d’un moindre bénéfice imposable 2022 des entreprises par rapport à 2021 et le second d’une plus grande mobilisation des niches fiscales conduisant à une augmentation des remboursements et dégrèvement, ce qui fait mécaniquement baisser les recettes fiscales nettes d’IR.
En juin un déficit public qui se creuse quasi-exclusivement par une poussée des dépenses
En comptabilité nationale toutefois et au niveau de l’ensemble des administrations publiques, la situation est toutefois significativement différente. L’Etat qui « centralise » les déficits par son rôle d’assureur en dernier ressort, ne joue plus. Alors que constate-t-on ?
A un mois d’écart, le déficit public s’établit à la mi-année 2023 à -64,2 milliards d’euros et se creuse de 8,5 milliards par rapport à celui de la mi-2022. [cliquer sur l’image]
Or cette dégradation du solde public en additionnant T1+T2, résulte là encore en valeur d’une augmentation plus rapide des dépenses que des recettes. Sur un an glissant et en cumulé, les recettes augmentent de 22,3 milliards d’euros tandis que les dépenses s’apprécient de 30,8 milliards.
Côté recettes, les recettes non fiscales constituées des recettes de production hors subventions s’apprécient de 3,7 milliards d’euros. Le patrimoine public et les redevances sont en augmentations. Par ailleurs s’agissant des recettes fiscales, les impôts de production et assimilés augmentent de près de 6 milliards d’euros quand la TVA elle s’apprécie de 4,2 milliards. Ce n’est donc pas l’Etat qui profite de ce dynamisme mais les autres administrations publiques qui en bénéficient. Par ailleurs les cotisations sociales rentrent bien à raison des augmentations salariales obtenues et du maintien de l’emploi, soit +8,7 milliards d’euros. Le seul bémol est constitué par les impôts courants sur le revenu et le patrimoine, ne baisse de 0,4 milliard d’eurs.
Côté dépenses en revanche, la dynamique est forte dans 5 secteurs : les prestations sociales autres que les transferts sociaux en nature, soit +14,4 milliards (dont les allocations individuelles de solidarité, les retraites etc), la rémunération des fonctionnaires (+7,7 milliards d’euros qui comprennent l’extension en année pleine des revalorisations salariales de 2022 et celles de 2023 pour l’ensemble de la fonction publique), les subventions aux particuliers et entreprises (+4,4 milliards), les dépenses d’achat et de fonctionnement courant (+3,8 milliards) et l’investissement public (+3,1 milliards).
En résumé, ce ne sont pas les recettes qui fléchissent sensiblement entre juin 2022 et juin 2023 (d’autant qu’en comptabilité nationale les dépenses de relances financées par l’UE à la France sont considérées comme couvertes dès leur engagement) mais bien les dépenses qui s’envolent. Attention donc à ne pas prendre la situation de l’Etat pour celle de l’ensemble des administrations publiques. Il n’y a pas en soit un problème de recettes, il y a d’abord un problème de maîtrise des dépenses.