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Déficit : l'addition se paiera aussi à Bruxelles

La France pourrait bien se distinguer une nouvelle fois dans les prochains mois pour non-respect de ses engagements budgétaires envers l'Union européenne, puisque la clause qui avait suspendu, pendant la crise du Covid, les règles du Pacte de stabilité et de croissance vient d'être désactivée… 60 % de dette maximum par rapport au PIB, 3 % de déficit maximum par rapport au PIB, voilà ce que la France s'était engagée à respecter dans le cadre du passage à l'euro. Et nous n'y sommes pas du tout, mais alors pas du tout. Nous sommes en 2023 à 110,6 % de dette publique par rapport au PIB et à plus de 5,5 % de déficit public par rapport au PIB.

Cette tribune a été publiée dans les pages des Echos, le 16 mai 2024.

Dans les prévisions de la zone euro, nous sommes lanterne rouge en déficit public et nous n'aurons plus derrière nous que la Grèce et l'Italie en matière d'endettement public. Et la Grèce et l'Italie ont, de leur côté, des chiffres de déficits publics bien meilleurs que nous. Autour de 1 % pour la Grèce en 2024 et 4,3 % en Italie… Nous sommes donc bien isolés avec des finances publiques dégradées sur les deux cibles du Pacte de stabilité et de croissance.

Orgueil

Le premier gouvernement Macron s'était largement enorgueilli du fait que la France, dont le déficit était alors retombé sous la barre des 3 % après dix ans de dérapage, soit sortie en juillet 2018 de la procédure pour déficit excessif (PDE) ouverte contre elle en 2009. En 2011, jusqu'à 24 pays de l'UE avaient été sous le coup de cette procédure. Mais aucun pays n'avait été sanctionné par l'UE.

La version rénovée du Pacte de stabilité adoptée le 23 avril par le Parlement européen va conduire à faire appliquer par les pays membres une règle de dépense appelée « net expenditure path » dans le jargon bruxellois, soit « trajectoire nette de dépense ». Elle sera constituée par l'ensemble des dépenses publiques hors intérêts de la dette, hors ajustement cyclique des dépenses d'allocations chômage et hors dépenses cofinancées par les politiques de l'Union. C'est la Commission européenne qui calculera et transmettra aux Etats membres cette règle de niveau de dépenses initiale, qu'ils devront respecter. Un compteur des écarts sera mis en place ; une sorte de frein à l'endettement inspiré du modèle allemand.

Des objectifs vertigineux

Il y a désormais malheureusement peu de doutes sur le fait que la France va être placée, de nouveau, en procédure pour déficit excessif. Pour éviter une amende, elle devra faire baisser sa dette de 1 point de PIB par an. S'agissant de l'effort structurel, puisque la règle des 3 % de déficit est conservée, l'effort serait de 0,44 % par an si nous ajustions sur sept ans, une durée vraisemblable étant donné le volume d'investissements à réaliser jugés prioritaires par la Commission (énergie, climat, etc.). Cela suppose de baisser notre dette de 74 milliards d'euros par an et notre déficit public de 14 à 20 milliards par an.

Ces objectifs sont vertigineux, surtout en matière de désendettement. Pour y parvenir, il est nécessaire de s'y mettre dès maintenant car il y a tout lieu de croire que les pays frugaux ne laisseront cette fois-ci pas la France continuer à s'endetter sans la pénaliser par des amendes. Tout comme les agences de notation ne laisseront pas à la France un temps éternel avant de la dégrader. L'amende que risque le pays en cas de non-respect de ses engagements de baisse du déficit et de la dette ? Environ 3 milliards d'euros par an. Mieux vaut faire des économies que payer des amendes à Bruxelles.