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Contrat d’Engagement Jeune… quand exigera-t-on un engagement de formation pour toucher le RSA ?

C’était un peu devenu une arlésienne ; le contrat d’engagement pour les jeunes est désormais sur les rails. Il remplacera la garantie jeunes. En 2022, il coûtera 550 millions d’euros de plus. L’idée de « revenu » a été abandonnée pour bien insister sur la « logique contractuelle » du dispositif qui ne reviendrait pas à une ouverture du RSA aux moins de 25 ans.  La démarche du gouvernement en la matière est intéressante car il crée un nouveau minima social tout en le subordonnant à une contrepartie : le travail.

Il faut dire qu’en mars 2021, le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans était encore de 19,5% contre 6% en Allemagne. Et ce malgré les nombreux dispositifs (1 jeune 1 solution) et subventions (subvention de 4000 euros pour l’embauche d’un jeune dans une entreprise en CDD de plus de trois mois ou en CDI). Un chômage des jeunes directement lié à nos 15,1% des jeunes de 15 à 34 ans sans emploi, sans diplôme et sans formation contre 9,9% en Allemagne.

Le contrat d’engagement Pour le « Contrat d’Engagement Jeune » sera beaucoup plus long que le dispositif de la garantie jeune : 6 à 12 mois pour un programme intensif d’accompagnement (service civique, stage, immersion en entreprise, contrat d’apprentissage, etc.) de 15 à 20 heures par semaine. Un référent unique suivra chaque personne de moins de 25 ans (moins de 30 ans pour les handicapés) sur toute la durée du contrat, soit dans une mission locale ou chez Pôle Emploi.

L’allocation, versée sur critères de ressource, pourra aller jusqu’à 500 euros par mois et sera conditionnée à des critères « d’assiduité et d’acceptation des offres d’activité faites ». Au total, le gouvernement cible environ la moitié des jeunes sans emploi, ni en éducation, ni en formation depuis plusieurs mois, soit près de 500 000 jeunes dont 400 000 dès 2022.

Qu’en conclure ? Si l’objectif de faire baisser le chômage des jeunes (et de faire fondre la catégorie A des demandeurs d’emploi donc le taux de chômage…) semble louable, il convient de rappeler que ce genre de dispositif tente de combler les défaillances du système scolaire français d’où 95 000 jeunes sortent chaque année sans aucune qualification. Il faudrait donc en amont prévoir une réforme de l’éducation nationale qui permette de faire baisser drastiquement le nombre de jeunes sans formation, sans diplôme et sans emploi en s’inspirant du système allemand qui privilégie l’apprentissage.

Au-delà de cela, c’est l’esprit de la mesure qui fait réfléchir et ce d’autant plus qu’elle survient en parallèle de l’annonce de suspension des allocations chômage pour toute personne qui refuserait une ou des offres d’emplois. Nous rentrons (ce n’est pas trop tôt) dans une logique de minimas et d’assurance chômage avec des contreparties. Comme dans le nord de l’Europe, dans les pays qui gèrent mieux l’argent public et qui ont fait évoluer leur modèle social en baissant, voire, supprimant les minima sociaux et les allocations chômage de ceux qui refusent des emplois, la France est en train de basculer vers un modèle qui protège, certes, mais qui impose des devoirs sur le mode « inciter et exiger ». C’est une très bonne évolution qu’il convient de saluer.

Une question demeure néanmoins, à ce stade : pourquoi le contrat d’engagement jeune exige-t-il des contreparties pour une aide alors que le RSA ou l’AAH n’en exigent pas ? (C’est d’ailleurs pour cela que le gouvernement ne veut pas, à juste raison, d’un « RSA jeune »). Et ce, d’autant plus que le financement du RSA est de plus en plus problématique : son coût est passé de 8,3 milliards d’euros en 2009 à 11,6 milliards d’euros en 2019. Certains départements doivent emprunter pour payer le RSA… L’Etat vient même de reprendre à sa charge le financement du RSA pour 5 ans pour la Seine Saint Denis, après l’avoir déjà fait pour Mayotte, la Guyane et la Réunion). Fin 2019, la France comptait 1,9 million de bénéficiaires du RSA et 1 million pour l’AAH. Pourquoi ne pas exiger aussi des allocataires du RSA, voire de certains de ceux qui touchent l’allocation adulte handicapé, de se former pendant 6 à 12 mois pour remettre le pied à l’étrier du travail ? La question doit être mise en débat. Et vite.