Comment l'administration troue le bouclier fiscal
L'administration propose de trouer encore un peu plus le bouclier fiscal dans la loi de finances pour 2011.
L'aversion de la Direction de la Législation Fiscale (DLF) pour le bouclier est un secret de Polichinelle.
Dès décembre 2006, l'administration fiscale utilisait des astuces interprétatives pour décourager les contribuables d'utiliser ce moyen d'atténuer leur imposition en la plafonnant au % maximum du revenu fixé par le législateur :
Le législateur avait prévu que le plafonnement serait calculé à partir de « l'impôt régulièrement déclaré » afin que le bouclier ne puisse pas couvrir des fraudes ou dissimulations ; mais la DLF a interprété « régulièrement » par « exactement » ; ainsi en cas de redressement de la valeur estimée d'un bien soumis à l'ISF, le supplément d'impôt qui en résulterait serait hors bouclier même si le bien avait été déclaré. Or une part importante des déclarations ISF porte sur de l'immobilier ou des parts de sociétés non cotées, biens dont la « valeur vénale » ne peut être connue avec exactitude et qui peuvent toujours être sujets à redressement.
La demande de bénéficier du bouclier est qualifiée de « réclamation contentieuse » dans l'instruction alors qu'il s'agit de demander son dû en vertu de la législation ! Outre le côté intimidant de cette appellation, cela laisse la possibilité pour l'administration d'appliquer des sanctions si la demande faisait l'objet d'un refus motivé. C'est ainsi que le formulaire comprend une formule inhabituelle au-dessus de la signature comportant la certification sur l'honneur des renseignements fournis et l'indication que l'on est informé que l'administration pourra demander des renseignements complémentaires.
Le petit nombre de demandes déposées pour obtenir le bénéfice du bouclier par rapport au nombre théorique de contribuables pouvant en bénéficier montre que les dispositions ci-dessus ont eu un réel effet dissuasif. En fait la plupart des demandes émanent soit de tout petits contribuables (le pêcheur de l'Ile de Ré) soit de très gros contribuables dont le gros de la fortune est en valeurs mobilières dont l'estimation est sûre et qui bénéficient de solides conseils fiscaux. En revanche les contribuables du milieu du barème de l'ISF dont une grosse part du patrimoine est dans l'immobilier s'abstiennent en général de demander à bénéficier du bouclier.
En 2009, dans la loi de finances pour 2010, le calcul du revenu de référence pour l'application du bouclier a été revu : pour le bouclier 2011 il ne sera pas tenu compte dans le calcul du revenu de référence des déficits antérieurs (déficits fonciers, moins-values boursières….).
Enfin le projet de loi de finance pour 2011 prévoit que le 1% supplémentaire sur une partie de l'impôt sur le revenu destiné à financer les retraites et les effets du « coup de rabot » sur les niches fiscales ne sera pas non plus pris en compte pour le calcul du revenu de référence.
Le résultat de ces deux dernières mesures est que le pourcentage maximum de 50% du revenu en impôts sera calculé entre un revenu de référence fictif qui pourra être supérieur au revenu réel encaissé par le contribuable si celui-ci subi des déficits dans certaines de ses activités, et un impôt sur le revenu théorique qui sera inférieur à l'impôt réellement payé si le contribuable atteint la dernière tranche de l'IR ou utilise des réductions ou crédits d'impôt « rabotés ». Le pourcentage des impôts payés par rapport aux revenus encaissés pourra donc dépasser 50%.
On peut aussi prévoir que le formulaire de demande de bouclier s'allongera encore d'une page et que les effectifs nécessaires au contrôle augmenteront pour tenir compte de ces nouvelles complications… De nouvelles embauches de fonctionnaires en perspective ?…