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Bercy sous-estime les économies structurelles à réaliser

Et si la croissance potentielle affichée par le gouvernement dédouanait de réaliser des économies structurelles ?

La présentation du Programme de stabilité est l’occasion pour le Gouvernement de donner de nombreuses indications sur la manière dont il envisage le retour à l’équilibre des comptes publics. Nous présentons un scénario de référence très proche de celui du programme de stabilité en détaillant les évolutions des principales composantes du compte des administrations publiques ainsi que les contributions des différents agrégats macroéconomiques à la croissance du PIB jusqu’en 2018, en tenant compte du nouveau taux de croissance pour 2014 révélé par l’INSEE le 13 mai (0,2% plutôt que 0,4% retenu initialement dans le Programme de stabilité).

Avec comme base de référence cette trajectoire économique « gouvernementale » reproduite par nos soins à l’aide de simulations du modèle NEMESIS, nous recherchons les niveaux de dépenses publiques, de déficit public conjoncturel et structurel qui prévaudraient si la trajectoire de croissance potentielle venait à être différente de celle retenue par le Gouvernement dans le Programme de stabilité.

En effet, l’un des éléments primordiaux de la nouvelle gouvernance européenne en matière de suivi des finances publiques des pays européens, est constitué par une variable qui n’est pas mesurable et qui doit donc faire l’objet d’une estimation : le rythme de la croissance potentielle. Du rythme de la croissance potentielle, on déduit l’écart du PIB à son niveau potentiel qui conditionne la décomposition du solde public entre solde conjoncturel et solde structurel.

L’effort de redressement qui est désormais suivi et analysé avec acuité par la Commission est celui qui porte sur le solde structurel (« efforts d’ajustement structurel »). Les efforts annuels d’ajustement structurel qu’on relève dans le Programme de stabilité français pour les prochaines années (0,5 point de PIB par an), sont-ils le reflet d’un effort conséquent ou bien le résultat d’une surévaluation de l’écart de production aboutissant à « gonfler » artificiellement le niveau du déficit conjoncturel (et donc à réduire tout aussi « artificiellement » le niveau du déficit structurel) ?

Alors que le Gouvernement a axé sa communication, autour du programme de stabilité, sur la relative prudence de son scénario macroéconomique, il s’avère que l’étude en détail de ce scénario fait ressortir deux points de faiblesse, ou du moins deux hypothèses relativement hardies qui fragilisent le scénario gouvernemental du programme de stabilité : celle sur la croissance potentielle (dont il reste à prouver qu’elle connaîtrait la légère accélération envisagée dans le Programme de stabilité) et celle sur le rythme de croissance des dépenses publiques (pour lesquelles on peine à imaginer un freinage aussi fort et aussi durable que celui envisagé dans le Programme de stabilité).

Nous présentons donc les évolutions du solde structurel et des ajustements structurels qui résultent d’une trajectoire de croissance potentielle alternative à celle retenue pour le programme de stabilité : celle de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2014-2019 présentée il y a quelques mois lors du débat budgétaire de l’automne.

Nous étudions également les conséquences qu’aurait une évolution plus rapide des dépenses publiques que celle prévue par le Gouvernement dans le programme de stabilité 2015-2018. Il apparaît en effet que le rythme retenu pour l’évolution des dépenses publiques  pour les quatre prochaines années est en franche rupture avec ce qu’on a pu constater par le passé (le taux de croissance des dépenses en volume sur la période 2010-2014 a été de 1,2% par an en moyenne[1]). Nous nous interrogeons sur la plausibilité d’un tel freinage des dépenses publiques en analysant les conséquences à la fois pour le PIB et les finances publiques (notamment l’évolution du solde structurel) de deux trajectoires alternatives pour les dépenses publiques, celles que suggère la communication du rapporteur général au Sénat sur le projet du Programme de stabilité 2015-2018 (16 avril 2015) à savoir un rythme de croissance des dépenses publiques en volume de 0,7% par an ou 1,1% entre 2016 et 2018 (en lieu et place de 0,1% par an en 2016, 0,2% en 2017 et 0,4% en 2018).

Détermination du solde structurel en retenant la chronique de croissance potentielle du Programme de stabilité 2015-2018

 

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Solde structurel des APU

-2,50%

-1,99%

-1,57%

-1,06%

-0,53%

0,09%

Ajustement structurel

 

0,51%

0,41%

0,51%

0,54%

0,61%

Solde structurel
(milliards d’euros courants)

-54,5

-42,1

-34,3

-23,7

-12,1

2,1

Détermination du solde structurel en retenant la chronique de croissance potentielle de la loi de programmation des finances publiques 2014-2019

 

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Solde structurel des APU

-2,50%

-1,99%

-1,57%

-1,18%

-0,76%

-0,23%

Ajustement structurel

 

0,51%

0,41%

0,40%

0,42%

0,53%

Solde structurel
(milliards d’euros courants)

-54,5

-42,1

-34,3

-26,3

-17,4

-5,4

Hypothèses différentes sur le rythme de croissance des dépenses publiques

 

 

2014

2015

2016

2017

2018

Programme de stabilité 2015-2018

Evolution de la dépense publique en valeur

1,6

1,3

1,1

1,7

2,2

Evolution de la dépense publique en volume

1,1

1,3

0,1

0,2

0,4

Solde effectif

-4,0

-3,8

-3,3

-2,7

-1,9

Solde structurel

-2,0

-1,6

-1,1

-0,6

-0,1

Hypothèse 0,7% entre 2016 et 2018

Evolution de la dépense publique en volume

1,1

1,3

0,7

0,7

0,7

Solde effectif

-4,0

-3,8

-3,6

-3,3

-2,7

Solde structurel

-2,0

-1,6

-1,4

-1,1

-0,8

Hypothèse 1,1% entre 2016 et 2018

Evolution de la dépense publique en volume

1,1

1,3

1,1

1,1

1,1

Solde effectif

-4,0

-3,8

-3,8

-3,8

-3,3

Solde structurel

-2,0

-1,6

-1,6

-1,6

-1,4

Source : Communication du Rapporteur général de Montgolfier sur le projet de programme de stabilité 2015-2018, Sénat, 16 avril 2015

Nous étudions donc six scénarios, pour lesquels nous analysons les évolutions des efforts d’ajustements structurels selon le rythme retenu pour la croissance  potentielle (celui du Programme de stabilité ou celui de la LPFP 2014-2019) et celui envisagé pour les dépenses publiques (le rythme retenu dans le Programme de stabilité ou bien un rythme un peu plus élevé de 0,7% ou de 1,1% par an en volume).

Efforts d’ajustements structurels dans les six scénarios envisagés
(en milliards d’euros courants)

 

2015

2016

2017

2018

2015-2018

écarts 2015-2018 au Pstab

Programme de stabilité

9

11,4

12,3

14,6

47,3

-

Programme de stabilité avec la croissance potentielle de la LPFP 2014-2019

9

8,8

9,6

12,6

40,0

-7,3

Programme de stabilité en considérant une croissance des dépenses publiques en volume de 0,7% par an

9

3,2

3,2

10,2

25,6

-21,7

Programme de stabilité en considérant une croissance des dépenses publiques en volume de 0,7% par an avec la croissance potentielle de la LPFP 2014-2019

9

0,5

0,6

8

18,1

-29,2

Programme de stabilité en considérant une croissance des dépenses publiques en volume de 1,1% par an

9

-3,2

-2,5

4,8

8,1

-39,2

Programme de stabilité en considérant une croissance des dépenses publiques en volume de 1,1% par an avec la croissance potentielle de la LPFP 2014-2019

9

-5,8

-5,1

2,7

0,8

-46,5

Il apparaît que l’adoption d’un rythme de croissance potentielle légèrement plus faible pour les années 2016 à 2018 que celui retenu pour le programme de stabilité de la France (la chronique retenue pour la LPFP 2014-2019) diminue sensiblement l’ampleur de l’effort d’ajustement structurel affiché dans le Programme de stabilité officiel d’un peu plus de 0,1 point de PIB pour les années 2016 à 2018 soit un moindre effort structurel de 2 à 3 milliards d’euros pour chacune des trois années. Derrière les arguties techniques autour du juste niveau de la croissance potentielle pointe le risque que la Commission européenne puisse considérer que l’effort d’ajustement structurel proposé par la France (0,5 point de PIB par an) soit trop faible ou trop… virtuel.

Les efforts demandés à la France par la Commission européenne

Dans le cadre de nos engagements européens, la France a été placée en procédure pour déficit excessif (volet correctif) des traités européens. Elle est par ailleurs assujettie au TSCG (traité relatif à la stabilité, la coordination et la gouvernance), traité budgétaire qui lui impose un effort structurel minimal de 0,5 point afin de converger vers l’équilibre structurel. La France « fait comme si » le volet correctif avec l’objectif prioritaire de passer sous la barre des 3% de déficit imposé par le traité de Maastricht, était intrinsèquement plus important que l’effort simultané de 0,5 point de déficit structurel (imposé dans le cadre du volet préventif). Or, il n’en est rien. Le gouvernement français est obligé de poursuivre les deux objectifs de concert. Il en va de la qualité de l’ajustement budgétaire proposé.

Un débat similaire existe s’agissant de la croissance potentielle. Le HCFP (Haut conseil aux finances publiques) doit nécessairement évaluer la trajectoire budgétaire de la France par rapport à la croissance potentielle définie dans le cadre de la LPFP (loi de programmation des finances publiques). La question est donc de savoir si le gouvernement a souverainement le droit suivant l’esprit des traités, de proposer même dans le cadre d’une révision statistique sa propre croissance potentielle souverainement, sans en référer à la Commission européenne.

La situation actuellement est pourtant bancale puisque la Commission a publié une révision de la croissance potentielle importante alors même que la LPFP 2014-2019 avait déjà été votée. Le gouvernement français en a profité pour évaluer indépendamment sa propre révision de croissance potentielle dans le cadre du programme de stabilité 2015-2018. La compatibilité d’une telle démarche au regard de nos engagements européenne reste sujette à caution.

L’examen de deux trajectoires alternatives pour le rythme de croissance des dépenses publiques délivre également des résultats intéressants. La sous-évaluation du rythme probable d’évolution des dépenses publiques, eu égard aux tendances passées, a la même conséquence que la sur-évaluation du rythme de la croissance potentielle : elle contribue à masquer le faible effort d’ajustement structurel : l’intérêt de notre exercice est bien sûr de pouvoir chiffrer cela.

Si le rythme plus élevé de croissance des dépenses publiques en volume (0,7% par an dans notre trajectoire alternative n°1 et 1,1% par an dans notre trajectoire alternative n°2) renforce la croissance de l’économie (1,8% en 2016 et 2018, 1,9% en 2019 dans la trajectoire n°1, 2,0% en 2016 et 2,2% en 2017 et 2018 dans la trajectoire n°2 contre 1,5% en 2016 et 2017 et 1,7% en 2018 dans le programme de stabilité), cela ne contribue pas à l’amélioration du solde public qui se détériore légèrement dans les deux trajectoires alternatives (-2,2 points de PIB en 2018 dans la trajectoire alternative n°1 et -2,5 points dans la trajectoire alternative n°2 contre -1,7 point de PIB dans notre évaluation du scénario du Programme de stabilité).

L’écart au PIB potentiel est sensiblement réduit dans les deux trajectoires alternatives de dépenses publiques, puisque la croissance est plus forte que dans le scénario du programme de stabilité, le solde structurel est plus dégradé (-0,9 point de PIB en 2018 dans la trajectoire n°1, -1,6 point de PIB en 2018 dans la trajectoire n°2 contre +0,1 point de PIB dans le programme de stabilité). Il découle naturellement de cette moindre amélioration du solde structurel que l’effort d’ajustement structurel est plus faible que celui du programme de stabilité : seulement 0,1 point de PIB en 2016 et 2017 dans la trajectoire alternative n°1 et -0,1 point de PIB pour ces mêmes années dans la trajectoire alternative n°2 contre 0,5 point de PIB dans le Programme de stabilité.

Ainsi, dans le scénario où la croissance potentielle serait celle de la LPFP 2014-2019 et où la croissance des dépenses publiques serait la plus soutenue (1,1% par an en volume), c’est à dire un scénario cumulant les deux éléments que nous avons testés dans leur version « pessimiste » ou « rigoriste », il apparaît que la différence d’efforts d’ajustements structurels par rapport à ce qui est envisagé dans le Programme de stabilité serait de 17 milliards d’euros en 2016 et 2017 et 12 milliards d’euros en 2018, soit un écart à l’effort d’ajustement structurel du Programme de stabilité de 46 milliards d’euros. Cet écart est de 22 ou 29 milliards si on considère une croissance des dépenses publiques en volume de 0,7% par an de 2016 à 2018, selon le niveau de croissance potentielle retenu.

La faiblesse de l’ajustement structurel que nous pointons, au-delà des apparences de l’exercice obligé que constitue la livraison du Programme de stabilité à la Commission, implique surtout que l’amélioration des comptes publics que nous pourrions constater dans les prochaines années est peu durable. Si les éléments qui soutiennent actuellement la conjoncture venaient à disparaître (sursaut du prix du pétrole, réévaluation de l’euro, tension sur les taux d’intérêt), les efforts d’ajustement du solde public mis en avant dans le programme de stabilité, et qui sont donc tous des conséquences de la réduction du déficit conjoncturel et de la fermeture de l’écart de production, s’envoleront en fumée.

Évolution « spontanée » de la dépense publique sur 2014-2018

Nous cherchons à comparer les niveaux de 2018 qui résultent de l’évolution spontanée des dépenses à ceux qui ressortent de l’évolution envisagée par le Gouvernement dans le programme de stabilité. En considérant l’année 2014 comme point de départ pour notre projection, nous déterminons l’évolution spontanée des dépenses publiques de 2015 à 2018 en appliquant les taux de croissance annuels moyens en volume des différents postes et sous-secteurs calculés sur la période 2010-2014. Bien entendu, nous prenons également en compte la chronique de croissance de l’indice des prix du PIB du programme de stabilité 2015-2018 (1% en 2015, 0,9% en 2016, 1,3% en 2017, 1,7% en 2018) afin d’obtenir l’évolution en valeur des dépenses publiques. Entre 2014 et 2018, les dépenses publiques croîtraient spontanément de plus de 130 milliards d’euros pour atteindre 1357,4 milliards d’euros en 2018.

Le taux de croissance en volume des dépenses des APU envisagé dans le programme de stabilité est de 0,1% pour 2016, 0,2% pour 2017 et 0,4% pour 2018. Notre projection spontanée retient un taux de croissance annuel moyen de 1,2%, bien supérieur. Il en résulte un écart croissant entre le niveau spontané des dépenses et le niveau envisagé dans le programme de stabilité 2015-2018. En fin de période cet écart atteint 53 milliards d’euros. C’est un enseignement important car la projection d’économies tendancielles du gouvernement indique qu’un tel effort devra être réalisé dès 2017. La prise en compte de l’évolution de la dépense publique à partir de 2010 montre au contraire que cet écart ne surviendrait qu’un an plus tard. Le rythme affiché par le gouvernement est donc en réalité plus ambitieux que la croissance tendancielle réelle des dépenses.

Une sur-estimation du tendanciel par le gouvernement permet un effet d’affichage d’économies en dépenses plus massif que réellement constaté. Des économies supplémentaires doivent intervenir cependant en période d’inflation basse (puisque la surévaluation du tendanciel est alors fortement minorée), d’où les mesures complémentaires annoncées de 4 milliards en 2015 et de 5 milliards en 2016 afin d’accélérer la réduction des dépenses[2]. Alors que la méthode de calcul du tendanciel par le gouvernement a varié entre le PLF 2014 et le PLF 2015, la prise en compte de la chronique d’évolution constatée puis projetée des dépenses, permet une approche plus neutre de l’évaluation du tendanciel des dépenses des APU.

Revenons à l’évaluation du tendanciel 2015-2018 par rapport au programme de stabilité. Cet écart s’explique pour plus de 24 milliards d’euros par une dynamique plus soutenue des dépenses de protection sociale dans la trajectoire spontanée et pour 21 milliards d’euros par des dépenses de fonctionnement (rémunérations, consommations intermédiaires) également plus dynamiques dans la trajectoire spontanée. Cela signifie corollairement que le Gouvernement a peut-être sous-estimé la croissance de ces postes si on se réfère au passé récent.

La décomposition par sous-secteur des administrations publiques montre que le plus fort dynamisme de la dépense dans le scénario spontané provient des administrations de sécurité sociale (écart de plus de 30 milliards d’euros en 2018) et des administrations publiques locales (écart de plus de 20 milliards d’euros en 2018). En revanche les administrations publiques centrale (l’État et les ODAC) connaissent des évolutions plus similaires dans les deux scénarios (l’écart n’est que de 2 milliards d’euros entre les dépenses spontanées et celles du programme de stabilité dans le sens d’un plus grand dynamisme des dépenses dans le programme de stabilité... à l’inverse du reste des administrations).

Dépenses spontanées des administrations publiques en 2018
(évolution spontanée sur la base des rythmes de croissance constatés sur 2010-2014)

En milliards d’euros courants

APUC

ASSO

APUL

APU

Rémunération des salariés et consommations intermédiaires

174,6

99,7

148,0

422,3

Rémunération des salariés (D1)

143,3

70,0

89,0

302,2

Consommation intermédiaire (P2)

31,4

29,7

59,0

120,1

Prestations sociales

105,8

498,4

29,0

633,2

Transferts sociaux en nature de produits marchands (D632)

19,1

114,4

10,2

143,7

Prestations sociales autres que transferts sociaux en nature (D62)

86,7

384,0

18,8

489,5

Intérêts (D41)

37,1

6,4

1,7

45,2

Subventions (D3)

47,8

0,0

14,4

62,2

Transferts en capital à payer (D9p hors D995p)

17,4

0,1

6,1

23,6

Formation brute de capital fixe (P51g)

19,6

9,2

46,9

75,7

Autres dépenses

54,9

22,2

18,2

95,3

Total des dépenses

457,3

635,9

264,2

1357,4

Dépenses envisagées des Administrations publiques en 2018 par postes et sous-secteurs
(évolution envisagée dans le Programme de stabilité 2015-2018)

En milliards d’euros courants

APUC

ASSO

APUL

APU

Rémunération des salariés et consommations intermédiaires

174,0

93,9

133,4

401,3

Rémunération des salariés (D1)

142,9

66,6

81,3

290,7

Consommation intermédiaire (P2)

31,2

27,3

52,1

110,6

Prestations sociales

103,2

478,3

26,8

609,0

Transferts sociaux en nature de produits marchands (D632)

18,3

111,8

10,1

140,2

Prestations sociales autres que transferts sociaux en nature (D62)

85,0

366,5

16,7

468,8

Intérêts (D41)

46,6

5,6

2,5

54,5

Subventions (D3)

38,8

0,0

16,3

56,0

Transferts en capital à payer (D9p hors D995p)

14,5

0,2

4,2

18,5

Formation brute de capital fixe (P51g)

23,8

8,1

43,9

75,7

Autres dépenses

58,3

17,0

15,0

89,5

Total des dépenses

459,3

603,0

242,2

1304,5

Source : calculs SEURECO à partir des hypothèses du programme de stabilité 2015-2018 révisées pour 2014 sur la base des données de l’INSEE

Ecarts en 2018 entre le niveau des dépenses des APU dans notre évaluation de la dérive spontanée des dépenses et celui du Programme de stabilité 2015-2018
(par postes de dépenses et sous-secteurs des APU)

En milliard d’euros courants en 2018

APUC

ASSO

APUL

APU

Rémunération des salariés et consommations intermédiaires

0,6

5,8

14,6

21,0

Rémunération des salariés (D1)

0,4

3,4

7,7

11,5

Consommation intermédiaire (P2)

0,2

2,4

6,9

9,5

Prestations sociales

2,5

20,1

2,2

24,1

Transferts sociaux en nature de produits marchands (D632)

0,8

2,6

0,1

3,5

Prestations sociales autres que transferts sociaux en nature (D62)

1,7

17,5

2,1

20,6

Intérêts (D41)

-9,5

0,9

-0,8

-9,3

Subventions (D3)

9,1

0,0

-2,0

6,2

Transferts en capital à payer (D9p hors D995p)

3,0

-0,1

1,9

5,1

Formation brute de capital fixe (P51g)

-4,2

1,1

3,0

-0,1

Autres dépenses

-3,3

5,1

3,2

5,8

Total des dépenses

-1,9

32,9

22,0

52,9

 

Sur la base de cet exercice de projection d’une trajectoire spontanée des dépenses publiques sur la base des rythmes de croissance de la période précédente, on peut conclure que le Gouvernement a peut-être été optimiste dans sa capacité à freiner les dépenses publiques de manière aussi forte qu’il l’envisage dans le programme de stabilité 2015-2018, notamment les dépenses de sécurité sociale (les prestations sociales) et celles des collectivités locales (rémunérations et prestations sociales en espèces).

Si maintenant nous cherchons à croiser les enseignements des projections réalisées sur l’évolution spontanée de la dépense publique par APU et par poste avec les implications contenues dans le programme de stabilité 2015-2018, il apparaît qu’un freinage sans précédent de l’augmentation de la dépense publique devrait avoir lieu en 2015. Il s’agit précisément de l’année où doivent être réalisées les 21 premiers milliards d’économies tendancielles sur le plan global de 50 milliards s’échelonnant entre 2015 et 2017 (avec 14,5 milliards additionnels à réaliser en 2016 et 2017). Dans le tableau p.2, le freinage de la dépense entre 2015 et 2016 permettrait de la faire passer d’une croissance de 1,3% en volume à 0,1%.  Ce ralentissement inédit pour être durable devrait non seulement tenir compte des volumes propres aux APU, (ce que le gouvernement a affiché avec une répartition de l’effort de 7,7 milliards d’euros sur l’État et ses opérateurs, de 3,1 milliards sur l’assurance maladie, de 6,4 milliards sur les dépenses de protection sociale et de 3,7 milliards sur les collectivités territoriales), mais également des points de fuites existant en fonction des secteurs de dépenses[3].

Or que constate-t-on ? Que les principaux points de fuite sont localisés dans le scénario d’évolution spontanée des dépenses sur :

  • Les rémunérations des salariés dans les ASSO et les APUL (écarts de 3,4 et 7,7 milliards d’euros sur la période)
  • Les consommations intermédiaires (dépenses de fonctionnement) des ASSO et des APUL (écarts de 2,4 et 6,9 milliards d’euros entre 2015 et 2018)
  • Les transferts sociaux monétaires des ASSO (17,1 milliards d’euros)

Or, compte tenu des volumes respectifs des APU, les efforts seraient particulièrement importants sur le bloc local avec des évolutions cumulées sur ces deux postes (rémunérations, fonctionnement) de plus de 6% de leur budget total et pour les dépenses de sécurité sociale de près de 1%.  Pour les dépenses de transferts sociaux monétaires, des efforts sur 3% des dépenses seraient à envisager.

Or spécifiquement dans chacun de ces secteurs, le budget 2015 ne propose pas de mesure permettant de freiner durablement les dépenses de personnel et de fonctionnement des collectivités territoriales et des administrations de sécurité sociale. Mieux encore, le récent rapport de la Cour des comptes sur l’exécution des comptes 2014 de l’État, pointe du doigt le fait que les 1,5 milliard d’euros rognés sur les transferts aux APUL, ont en réalité été plus que compensés par d’autres transferts hors enveloppe normée. Un scénario proche est à attendre pour 2015 notamment par l’intermédiaire d’une hausse de la fiscalité locale (augmentation des bases locatives cadastrales de 0,9%), alors même que c’est le niveau des dépenses qui devrait diminuer. Les économies envisagées par le gouvernement en 2015 susceptibles de porter un coup d’arrêt brutal à la dépense locale et sociale apparaissent très incertaines, largement non structurelles et donc peu durables, ce qui pourrait en retour impacter négativement les efforts attendus et affichés pour 2016 et 2017.

L’intérêt de cette étude par APU et par nature de dépense est de mettre en exergue que les mesures de maîtrise des dépenses par rapport aux points de fuite localisés ne correspondent pas nécessairement aux arbitrages du gouvernement. Celui-ci est donc obligé de compenser ses propres choix par des économies sur des postes qui n’ont pas les mêmes tendances à dériver, ce qui doit l’amener à annoncer des mesures d’économies complémentaires, sans pouvoir ralentir suffisamment les dépenses à fort potentiel d’évolution.


[1] Voir notre  note du 20 mai « Peut-on croire à la trajectoire de dépenses publiques du Programme de stabilité 2015-2018 ? » dont les éléments principaux sont repris en annexe.

[2] Voir infra note suivante. Il faut relever cependant qu’il existe une confusion afin de ne pas avoir « facialement » à retoucher l’effort de 50 milliards. Pour la Commission il s’agit d’économies supplémentaires permettant de suppléer à l’insuffisance des efforts structurels constatés par rapport à ses propres prévisions. Pour la France il s’agit de mesures complémentaires permettant de juguler un effet inflation basse sur une révision à la baisse de la dérive spontanée des dépenses publiques.

[3] Il faudra également tenir compte des mesures additionnelles annoncées par le gouvernement français afin de combattre les effets de l’inflation trop basse sur les économies tendancielles, de 4 milliards d’euros additionnels, répartis avec +1 milliard sur l’ONDAM et 3 milliards sur l’État et ses agences. Voir notre note en date du 23 avril 2015.