Baisse des taxes : une pure illusion
Les taxeurs sont à nouveau de sortie. Le débat de la rentrée commence par la taxe sur les super-profits des entreprises et ce n'est vraisemblablement que le début. Dans ce contexte, il est très instructif de se pencher sur les données du Programme de stabilité 2022-2027 publié cet été par le gouvernement. En effet, si les prélèvements obligatoires s'alourdissent considérablement en 2022, ils baisseraient mystérieusement en 2023 (44,3 % en 2021, 44,8 % du PIB en 2022 puis 43,5 % en 2023). Une prévision très peu crédible.
Cette tribune a été publiée dans les pages des Echos, le 30 août 2022. A voir, en cliquant ici. |
Avec 44,8 % du PIB en prélèvements obligatoires en 2022, le poids de la fiscalité est reparti à la hausse. Ceci est lié à l'inflation qui fait rentrer des superprofits fiscaux dans les caisses publiques avec 57 milliards d'euros de recettes en plus (impôt sur les sociétés, impôt sur le revenu, TVA…) Rassurons-nous, la « cagnotte » a déjà été plus que dépensée puisque 59 milliards de dépenses supplémentaires ont été votées en loi de finances rectificative…
Une approche bancale
Concernant la mystérieuse baisse de prélèvements de 1,3 point de la richesse nationale en 2023, les éléments fournis par Bercy sont les suivants : 1 point de baisse à raison d'une progression plus faible des recettes fiscales que la croissance du PIB et 0,3 point à raison des baisses fiscales. Une approche bancale car le gouvernement a tendance à sous-estimer l'inflation : 1,5 % initialement prévu pour 2022 contre 6 % dans les faits. Si en 2023 l'inflation dépasse les 3,2 % anticipés, les produits fiscaux seront encore majorés de nombreux milliards. De surcroît, si la croissance 2023 était plus faible qu'anticipé (1,4 %) comme on peut le craindre, le niveau des prélèvements obligatoires serait encore plus élevé.
Par ailleurs, il faudrait que le gouvernement honore dès 2023 la majorité de ses promesses d'allégement des prélèvements obligatoires, pour que la baisse des prélèvements annoncée soit crédible. Soit environ 13,4 milliards d'euros. Or, le programme de stabilité chiffre un solde de baisses nettes de seulement 7,7 milliards. Il va donc bel et bien y avoir des hausses d'impôts pour un montant qu'on peut estimer à 5,7 milliards.
La France, championne de la fiscalité
Du côté des baisses, on peut supposer qu'on trouvera dans la loi de finances 2023 la suppression de la dernière tranche de la taxe d'habitation sur la résidence principale pour les 20 % des contribuables les plus aisés (-2,8 milliards), la suppression de la redevance audiovisuelle (-3,2 milliards), la suppression de la CVAE (-7 milliards). Manqueraient potentiellement à l'appel, la baisse des charges des indépendants (-2,3 milliards) et la baisse des impôts sur les successions (-2,5 milliards).
Du côté des hausses, il faut noter la fin de certaines baisses de fiscalité consenties dans le cadre du bouclier tarifaire et l'extinction définitive du CICE. Devraient s'y ajouter le rabotage de niches fiscales, pour un montant total proche des 6 milliards. Mais pour l'instant, aucune information n'a filtré sur le sujet.
Enfin, il faut reconnaître qu'il est délicat d'évaluer comment vont être impactées par la croissance et l'inflation les recettes des prélèvements obligatoires. Mais le gouvernement a comptabilisé pour 2023 une dynamique (élasticité) de 0,5 alors qu'elle est de 1,5 en 2022 et que Bercy reconnaît que l'inflation va perdurer. Il est très vraisemblable qu'en sous-estimant l'inflation et en surestimant la croissance 2023, le gouvernement table sur une baisse du taux de prélèvements obligatoires largement surgonflée et ouvre bien malencontreusement la porte aux propositions de taxes les plus folles. La France restera championne de la fiscalité en 2023 avec certainement plus de 44 % de taux de prélèvements obligatoires. Ainsi, tout porte à croire que la baisse des prélèvements obligatoires affichée pour 2023 ne repose sur une illusion.