Augmentation des dépenses de personnel de l'État
On constate à nouveau dans la loi de finances de règlement pour 2010 l'augmentation inexorable des dépenses de personnel de l'État. Pourtant, en 2010, les pouvoirs publics avaient placé sous enveloppe ces dépenses hors CAS pension (compte d'affectation spécial), norme « zéro en volume » en 2010 devenue « zéro en valeur » élargie à compter de la loi de finances 2011 intégrant la dette et les pensions de l'État. Désormais le plafond global implique une limitation des crédits de l'État à l'évolution prévisionnelle des prix [1] et la part théoriquement occupée par les seules dépenses de personnel hors CAS pension dans une enveloppe de référence comportant dépenses d'intervention, dépenses de fonctionnement et d'investissement, dépenses de personnel, limitée à 274,8 milliards d'€ entre 2010 et 2013. Or à l'intérieur de cette enveloppe normée de 274,8 milliards d'€, les dépenses de personnel stricto sensu ne cessent pourtant d'augmenter, et ce, en dépit du gel du point d'indice depuis juillet 2010.
Les raisons sont multiples et bien connues :
D'abord les carrières des fonctionnaires sont dynamiques, ce qui impose de faire évoluer l'ensemble des fonctionnaires en fonction de leur ancienneté (environ 3% d'augmentation).
Ensuite il existe le mécanisme de la GIPA, la garantie individuelle du pouvoir d'achat, permettant le versement d'un complément de rémunération afin de rattraper l'inflation sur une base triennale.
L'ensemble de ces éléments construisent donc un dispositif largement « inflationniste » qui risque de produire une cannibalisation des dépenses de personnel en dépit de la RGPP (révision générale des politiques publiques) envers les crédits disponibles de l'enveloppe fixe de 274,8 milliards. Or malheureusement c'est bien ce que commence à montrer la loi de finances de règlement pour 2010.
En effet, et en dépit des prévisions initiales en loi de finances 2010, les dépenses de personnel totales se sont élevées en exécution à 117,8 milliards d'€ alors qu'elles étaient anticipées en LFI à 117,2 milliards. Mais bien pire les 680 millions d'€ de dépenses supplémentaires ne l'ont pas été à raison des pensions des fonctionnaires. En effet les contributions au CAS pensions baissent même de près de 210 millions d'€ par rapport aux prévisions… tout en augmentant spontanément tout de même de près de 5,2% par rapport à 2009. En réalité les dépenses de personnel hors pensions augmentent à elles seules de 900 millions d'€ ! Prévues en LFI à 82,06 milliards d'€ elles atteignent en exécution à 82,96 milliards.
Enfin, et c'est sans doute le plus dur pour la RGPP, si la règle du non renouvellement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite a été globalement respectée, permettant un non renouvellement d'environ 48,4% des personnels sortants (norme théorique 50%), les effets en termes d'économies budgétaires brutes ont été moindres que prévu 807,9 millions d'€ réalisés contre 889,1 millions anticipés (soit -9,1%). Le principe de prudence qui aurait dû optimiser les économies en fonction des départs (suppressions de postes supérieures aux prévisions de départs à la retraite) n'a pas été appliqué. Résultat, les départs en retraite sont inférieurs de 3 526 ETP tandis que le solde des suppressions et des créations d'emplois est lui aussi en baisse de 2 556 ETP. Afin d'atteindre l'équilibre de la mesure il aurait fallu au minimum conserver le solde des suppressions de postes initial nonobstant les moindres départs à la retraite et ajuster au niveau des postes de contractuels afin de récupérer les 80 millions manquants.
En second lieu, les 807,9 millions économisés ont donné lieu à un intéressement de 543,9 millions d'€. les mesures catégorielles de l'année représentent d'ailleurs en proportion approximativement le montant des dérapages de la masse salariale en ordre de grandeur pour 2010 (575 millions d'€ [2]). Et ces mesures catégorielles représentent un poids de 67,3% des économies « générées ». On voit donc bien que l'intéressement bien que théoriquement de 50% aux fonctionnaires porte désormais un poids considérable dans l'augmentation inexorable des rémunérations d'activité et indirectement dans celle de la masse salariale de l'État.
Restait pour s'en convaincre à vérifier si, par nécessité de « justice » entre les ministères, les plus en pointe dans le non renouvellement des départs en retraites étaient également ceux auxquels il était le plus « restitué » en avantages catégoriels. Le tableau ci-contre nous permet de vérifier ce qu'il en est en 2010 puisque l'on peut constater que les ministères obéissent en réalité à une règle presque rigoureusement inverse :
En clair, en classant les ministères dans l'ordre décroissant de leurs efforts de non-remplacement, on relève qu'il existe presque une corrélation inverse entre la capacité à respecter, voire à dépasser (vertu) la règle du non renouvellement du 1 sur 2, et l'effet de restitution des économies ainsi générées. Certains ministères comme la Santé, les affaires étrangères ou la Défense sont particulièrement en pointe et se voient restituer généralement moins ou à peine plus que 50% des économies réalisées. Au contraire d'autres ministères tels que l'Intérieur, la Culture, voire l'enseignement supérieur et l'Écologie, se voient octroyer la part du lion en matière de mesures catégorielles. L'Éducation nationale reste dans la norme avec un moindre effort (42,2% de non renouvellement) et un moindre intéressement (37%).
Autant d'éléments qui militent pour renforcer le respect de la norme du 1 sur 2, mais surtout pour arrêter au plus vite l'envolée des mesures catégorielles sous l'effet de l'intéressement des fonctionnaires à la baisse de leur nombre.
[1] Avec pour base l'année de référence 2010, soit une enveloppe globale de 352,3 milliards d'€, une fraction désormais normée « zéro valeur » de 274,8 milliards d'€ et une part variable (Pensions + dette) de 77,5 milliards d'€ origine 2010 augmentée de l'inflation frappant l'ensemble du budget.
[2] Cette mesure correspond au retraitement des 680 millions après retraitement des effets de périmètre entre les budgets 2009 et 2010